Adolescent, j’avais un ami avec lequel nous récitions parfois des poèmes. Le plus souvent nous choisissions “L’étranger” de Baudelaire. C’était devenu un rituel: pendant une période, plusieurs fois par semaine, nous le récitions chacun à notre tour, avec chaque fois plus de ressenti, de travail sur le rythme du texte

Plus tard, j’ai rêvé de faire le tour du monde en photographiant les nuages partout, d’en haut, d’en bas, et de créer un diaporama avec des textes et de la musique.

Je n’ai pas realisé ce rêve, pris dans d’autres projets. Mais j’aime toujours les nuages. Je les regarde, chaque fois qu’ils y en a, et je regarde aussi ceux que les autres peignent, photographient ou filment. Moments d ‘éveil et de plenitude.

 

 

 

 

 

 

 “L’étranger”   Charles Baudelaire (Le spleen de Paris)

 

- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère?

- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.

- Tes amis?

- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.

- Ta patrie?

- J'ignore sous quelle latitude elle est située.

- La beauté?

- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.

- L'or?

- Je le hais comme vous haïssez Dieu.

- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger?

- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages...