Les commentaires sous mon récent billet - à propos de l’émeute de samedi dernier à Paris - m’inspirent un prolongement. Pour mémoire il s’agit des émeutes qui ont suivi la non-distribution gratuite d’argent par une société qui voulait se faire un coup de pub.
La pub est faite, mais à quel prix? Au prix d’un après-midi de désordre, de casse, d’agressions physiques et de vols. Drôle de pub. Faire parler de soi à n’importe quel prix est une stratégie actuelle: parlez-en en bien ou en mal, mais parlez-en. Mais faire parler de cette manière, et sur le dos de la misère des gens, ôte toute dignité, tout respect de soi à une boîte et à ses responsables.
Les casseurs et les spectateurs passifs, eux, s’en sont donné à coeur joie sous prétexte d’une frustration et du sentiment d’un dû qui leur aurait été retiré. Certes la crise économique exacerbe les souffrances de nombre d’individus, qui se demandent de quoi leur vie va être faite. Mais est-ce une raison pour perdre toute dignité personnelle en agressant et tabassant à coups de pieds des personnes au sol, puis en les dépouillant du portable et du porte-feuille? Non.
La dignité personnelle ne dépend pas des circonstances extérieures. C’est une attitude intérieure par laquelle, quoi qu’il advienne, on peut se regarder dans une glace sans honte. Quels que soient notre profession ou notre statut social: artiste, pdg, chauffeur poids lourd, star de cinéma, balayeur de rue, etc, rien ne nous oblige à renoncer à notre dignité personnelle, au sentiment d’agir avec justesse et justice, dans le respect de soi et des autres. Je pense qu’une prostituée peut également rester dans le respect de soi et dans la dignité. La dureté du monde justifie-t-elle que l’on renonce à sa propre dignité? Non. Je pense que le sentiment de sa propre dignité est ce qui reste même quand on n’a plus rien, et cela nous donne de la valeur humaine.
Il y a des millions de personnes qui ne reçoivent pas d’argent gratuitement, qui se lèvent tôt et vont bosser pour 1‘000€, 1‘500€, ou plus, ou moins, qui ont une famille à nourrir, et qui ne perdent jamais leur dignité. Il y a des gens qui ont tout perdu, ou qui subissent la famine, l’injustice, le mépris, mais qui restent dignes.
La dignité ne peut cohabiter avec la jalousie, l’envie des autres, la rivalité: si certains gagnent plus que moi, pourquoi pas moi? La rivalité consécutive à une frustration réelle ou fabriquée peut conduire à des comportements où la dignité est absente. L’émeute de samedi en est un exemple.
Qu’est-ce qui peut restaurer le sentiment de dignité personnelle chez ces casseurs?
PS: Dans l’affaire des otages suisses en Libye, je cherche où est l’honneur, et donc une forme de dignité, du klan Kadhafi. Et je ne le trouve pas. La vengeance et la prise d’otages, expressions d’une rivalité, n’ont rien de digne.
Commentaires
Je ne suis pourtant pas friand des formules simplistes adolescentes, mais là ce qui me vient serait: "il y a quelque chose de pourri au royaume français"
Car en France, même les dirigeants,les élites ne véhiculent plus aucune dignité. Ne portent pas de projet inspiré par un esprit. Sauf la quête d'être vu et d'exister par le regard des autres. Utilisant leur position pour surfer de cocktails mondains aux plateaux de télé.
Je crains que la dignité ne soit une notion complètement inconnue pour toute une génération qui ne connait que la vacuité de valeurs surfaites de leur environnement.
Dignité = amour propre, fierté
Nous parlons bien de casseurs, de petits voyous possédant le le QI d'un poulpe.
Bien j'imagine que personne ne naît crétin pas plus que criminel ou autre délinquant qui nous répugne mais que l'on devient par un cheminement, une éducation malheureuse ce genre d'individus qui se lachent et se défoulement bassement sur une femme à terre.
Ceci n'excuse rien, mais chose troublante pour ma part, je vois toujours l'enfant en filigrame dans le plus monstrueux individu. Choquant?
La misère intellectuelle est choquante, troublante. La dignité, pouvoir se regarder dans le miroir sans rougir.....pas pour moi...enfin...pas toujours mais j'essaie! Qui peut s'en prévaloir d'ailleurs
@ vali:
Voir l'enfant en filigrane est une bonne idée, qui relativise et dédramatise. Mais cela ne doit pas pour autant atténuer la responsabilité de cet enfant devenu presqu'adulte. Par contre, si cela pouvait l'apaiser, le reconnecter à quelque chose d'intime et de personnel, alors je prends votre idée.
De plus, qui n'a jamais péché jette la première pierre... J'ai bien conscience qu'en regrettant l'absence de dignité dans le comportement décrit, je me place comme au-dessus, comme forcément digne. Mais pas trop. Je tente plutôt de placer un repère, en l'occurrence la dignité, pour ne pas tomber dans la simple condamnation et la stigmatisation. La colère devant ces images est grande, puisque je parle de retourner les fusils (tout en sachant qu'une autre violence ne guérit pas de la première, ce n'est qu'un enchaînement sans fin).
Mais j'ose espérer que la notion de dignité peut aider à recentrer, à poser une valeur que même un casseur pourrait reprendre à son compte, au-delà des condamnations pénales et morales justifiées. La violence des images et des actes incite à rejeter ces actes. C'est normal. Mais cela ne suffit pas à déraciner ce qui les cause.
Pour ce qui est du miroir: c'est encore l'histoire de la première pierre. Je pense qu'il y a chez chacun des zones de non-dignité, pas forcément si graves, et que parfois on détourne le regard du miroir. Mais ce ne serait pas une raison pour ne pas dire combien ces images et ces actes sont ressentis comme blessants. Et puis, le dire a déjà un effet auto-pédagogique: celui de penser à ne jamais me laisser entraîner à de tels actes.
La dignité ne dépend pas, en effet, du métier exercé. Une prostituée peut, bien sûr, conserver la sienne (cf. "La putain respectueuse"). Ce sont surtout les humiliations et les marques d'irrespect qui font perdre la dignité aux êtres humains.
Aucun pays riche au sommet de la FAO... Qui parle de dignité?
Et nous tous, qui ne manifestons aucun sentiment de honte générant une réaction visible face à cela, qu'en dit notre dignité?...
Dignité!!! où es-tu???
Frank
A Rome, en effet les chefs d'Etat des pays les plus riches ne sont pas présents. Kadhafi drague comme d'hab, les promesses de Sarkozy de l'an dernier (1 milliard d'euros sur 5 ans) tardent.
Et la FAO, qui a un budget pour l'Afrique pour fournir des semences entre autres, a délaissé la région de Berbérati en proie à une grave famine.
http://hommelibre.blog.tdg.ch/archive/2009/11/16/berberati-manioc-famine-mort.html