Ah! Quel bonheur de descendre sur les routes de France vers la Provence lumineuse, d’avoir le soleil et le temps devant soi, de quitter l’autoroute et d’aller faire un petit tour du côté de l’Ardèche, ou de Crest, passer près du Ventoux, s’imprégner des lavandes du plateau de Vaucluse en roulant à l’économie, s’arrêter dans un camping à où cela nous dit, de repartir à n’importe quelle heure.
Quelle facilité de se rendre de Collex à Laconnex ou de Jussy à Dardagny sans y passer une bonne demi journée aller-retour. Quel confort de rouler sous la pluie et le vent froid bien protégé, sans être obligé de s’entasser dans ces trams ou bus bondés aux heures de pointe et attraper tous les microbes qui se concentrent là. Sans parler des odeurs dont on se demande parfois comment on parvient à les supporter sans vomir.
Quelle simplicité, quand le trajet est long ou compliqué, de n’avoir pas à prendre le tram 12 qui perdra 1 ou 2 heures à cause d’un accident, d’un incendie ou d’une panne. Essayez de prendre le tram de Chêne-Bougeries à Rive pour être à l’heure à une audience au Palais de Justice un jour où il tombe des trombes d’eau et où prendre le vélo est suicidaire, où ce foutu court-circuit immobilise la rame pendant trois quarts d’heure.
La voiture fait partie des fabuleux concentrés de technologie, comme l’informatique, le médical ou la recherche spatiale. Elle procure une rare autonomie individuelle et prolonge à l’horizontale le rêve d’Icare: s’affranchir des pesanteurs, découvrir le monde sans que traverser l’Europe ne prenne des années (ce qui n’est pas vraiment compatible avec une activité professionnelle). Sans compter le nombre important de places de travail qu’elle assure dans notre économie.
Alors, oui, bien sûr, elle occupe de la place et monopolise une part de l’espace public. Elle pollue, les voitures propres étant encore peu répandues. Elle est bruyante et peut être dangereuse. Elle contribue à épuiser les ressources non renouvelables.
Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain? Quand je lis les diatribes anti-bagnoles qui n’hésitent pas à traiter les conducteurs de noms d’oiseaux et autres joyeusetés, j’ai envie de dire que d’une part, à roulette, à trottinette ou à bicyclette on est toujours le beauf de quelqu’un, et le discours convenu anti-bagnole (ou devrais-je dire: le prêche anti-bagnole?) devient une litanie répétée ad libitum sans plus de pensée réelle; d’autre part, que celui qui n’a jamais pris ou eu de voiture jette la première pierre.
Mais c’est ainsi, il faut régulièrement des boucs émissaires. Les premiers trains - moyens de locomotion propres et collectifs - étaient suspectés d’attenter à la vie humaine à cause des vitesses atteintes. Les calèches d’antan encombraient les rues et le crottin de cheval polluant transmettait le tétanos. Sans compter la place qu’elles occupaient et les soins aux chevaux, l’odeur des haras, les allergies, etc. Les chars romains roulaient comme des fous sur les voies pavées d’alors. Je ne parle même pas des rues en Chine, noires de vélos au point où les traverser est un exploit digne des JO.
Que l’on cherche à fabriquer des modèles propres et économiques, à covoiturer davantage, à mettre les bagnoles en sous-sol, à plus utiliser les transports publics quand c’est faisable à moindre inconvénient, ok. Mais de là imputer aux voitures les comportements déviants des individus qui les conduisent comme des assassins, le raccourci manque singulièrement d’épaisseur. La voiture, signe de puissance? Comme tant d’autres choses. Le discours critique par principe est aussi un signe de puissance. A ce jeu-là il ne restera pas grand chose «d’innocent».
Et si la voiture tue, et qu’à cause de cela il faudrait la supprimer, il fut aussi supprimer les escabeaux, les escaliers, et tout ce qui dans la maison est cause des accidents domestiques mortels (plusieurs milliers chaque année en France), bien plus nombreux que les morts dus à la voiture.
La voiture révèle les psychologies et les caractères individuels. En faire une icône ou la rejeter relève de cela.
PS: Coucou Max Göldi, en prison à Tripoli.
Commentaires
L'occidental moderne a l'impression d'appartenir à une espèce maudite. On s'est beaucoup plaint du prétendu sentiment de culpabilité que les religions auraient fait peser sur l'être humain. Mais notre société actuelle, athée, est la preuve vivante (si j'ose dire, vu ses pulsions suicidaires...) que l'être humain n'a pas besoin de religions, ou d'autorités morales formelles et "archaïques", pour se charger de tous les péchés du monde ou pour n'éprouver que mépris de soi. La prétendue "libération" de l'homme par la modernité se noie dans le caniveau: l'occidental moderne a tendance à se considérer comme inférieur aux animaux (d'où, par exemple, cet extraordinaire illogisme qui consiste à ne condamner la consommation de viande que lorsqu'elle est le fait de l'être humain) et comme responsable de tous les cataclysmes. Nous nous perdons dans la quête désordonnée et virulente d'une innocence absolue, ici et tout de suite. On réinvente la doctrine du péché originel, mais en moins bien. Car il ne nous reste ni la dignité que confère la conscience d'avoir été créés à l'image de Dieu, ni la miséricorde dont nous avons tellement besoin, ni l'espérance d'une rédemption.
Quel plaisir surtout de ne pas trimballer ses caddies à pieds, à trottinette, à vélon en tram, mais EN VOITURE :)))))
Zêtes provoc vous alors!
Faut oser par les temps qui courent ;-)
Mais je suis d'accord, on gagne une certaine liberté avec la voiture, qu'il est difficile de remplacer. J'ai testé la marche à pied, le vélo, le bus et la voiture pour mes divers boulots.
La marche à pied et le vélo c'est top quand l'itinéraire permet de passer dans des parcs avec de magnifiques arbres par exemple. On déguste les saisons et on vole un petit bout de paradis pour se rendre au boulot.
Autrement, c'est vraiment rude.
Le bus, pour moi, c'est toujours l'enfer, peu importe les saisons, chacune ayant ses désagréments. C'est du temps de boulot supplémentaire, de la contrainte.
La voiture, c'est moins charmant. Mais parfois, un bouchon sur un pont, me permet de rêvasser en regardant les bords du Rhône, au lever du jour.
Et puis j'écoute la radio, ou de la musique. Et quand j'ai fini ma journée, en plus, je me permets de fumer une clope en buvant un machin gazeux. J'ai déjà lâché prise.
En bus, c'est impossible.
J'abandonnerai la voiture seulement lorsque je pourrai la remplacer par un cheval ou par un âne (sauf contraintes financières ou administratives évidemment). Ça, ça me ferait plaisir :-)
Ou alors faudrait vraiment que je m'éclate dans mon boulot, sinon c'est trop.
:-B
Ouaip Pascale, provoc sur ce coup, j'assume! Mais votre commentaire confirme mon billet, j'avais même oublié la possibilité d'écouter de la musique et de décompresser. Essayez dans un tram ou un bus à 18h, comprimé, avec un éventuel iPod qui vous coupe du monde...
Pour le cheval ou l'âne, où est-ce qu'on lui tatoue la plaque minéralogique?
...
8~ß
Ah la voiture ... c'est le pied géant pour les raisons que vous et Pascale décrivez, même si je ne fume pas dans la voiture et que je n'y boit que lorsque je pars loin de Genève.
Dites HommeLibre, pour le premier paragraphe vous vous seriez pas inspiré du comm que j'ai écris chez Kad par hasard ? Parce que mis à part la destination finale et le moyen de transport bin c'est le même tempo ... relax ;o))
(o_~)
@ Lord Action,
Cette flagellation est assez à la mode. Je ne veux pas alimenter ce jeu de riche. Je crois que l'on doit avoir de la gratitude pour l'ingéniosité humaine, et pour disposer de tout cela alors que dans certaines régions du monde les femmes font des kilomètres pour un bidon d'eau même pas potable.
La culpabilité dont vous parlez n'a en effet plus rien à voir avec la religion, elle est inhérente à l'humain et réalimentée par ceux dont la posture maugréante et imprécatrice supplée à une pensée plus complexe.
Il y a une chose étrange quand je vous lis parler de dieu. Vous me connaissez agnostique je crois (surtout vis-à-vis de la théologie car je ne refuse pas la métaphysique, au contraire). Vous m'avez même déjà lu critique quand à la religion. Avec beaucoup de personnes parlant de religion, j'aurais une infinie méfiance malgré une possible ouverture intellectuelle à l'autre.
Mais avec vous je peux accepter ce parler sur la religion sans méfiance particulière. Peut-être parce que je sens votre arrière-plan philosophique et que je le partage sur bien des points, comme par exemple la vision de René Girard.
Bien à vous.
Loredana, non je n'ai pas pris inspiration sur vous, mais j'imagine volontiers que vos escapades en Italie doivent se nourrir de ces moments de plaisir simple. Et je partage ce plaisir.
⍤⎮⎯⎽⎯⎮⍤
HommeLibre? Raphaël Baeriswyl serait Lord Action? :)
@Patoucha:
Ah, je n'avais pas remarqué que c'était à moi qu'hommelibre répondait... Il a dû se tromper d'interlocuteur. Mais connaissant Lord Acton, il y aurait plus vexant, comme confusion.
@ Raphaël Baeriswyl
"Mais connaissant Lord Acton, il y aurait plus vexant, comme confusion."
Tout à fait d'accord avec vous. :)
Excellente nuit
Ca vient ces codes? Ou je dois passer vous allonger les oreilles pour servir de nouveau véhicule à Pascale, et à ce moment vous verrez ou je vous visserai la plaque! Je sens que je deviens fumasse! Ou est ce foutu briquet Cartier!
hommelibre: "La culpabilité dont vous parlez n'a en effet plus rien à voir avec la religion, elle est inhérente à l'humain et réalimentée par ceux dont la posture maugréante et imprécatrice supplée à une pensée plus complexe."
Et bien pour moi, l'écologie, ou une certaine forme d'écologie, est bien une forme de proto-religion. (j'avais même fait un billet là-dessus ici: http://leblogdekad.blog.tdg.ch/archive/2009/12/25/le-xxieme-siecle-sera-spirituel-ou-ne-sera-pas.html ) D'ailleurs, cette religion prend en Occident, sans doute pour combler un vide spirituel, mais très peu ailleurs. Ca prouve bien que ça n'a rien d'humain mais que c'est bien un dérivé de la religion chrétienne.
A part ça, j'aime beaucoup le commentaire de Lord Acton.
Sinon la voiture, je dois bien avouer (vous avez vu: j'ai dit avouer!) que je la prends tous les jours. Mais pour moi, ça n'a rien d'un plaisir, c'est avant tout utilitaire. J'ai besoin de la voiture dans mon travail, pour me rendre chez mes clients, qui ne se trouvent pas tous au centre de Genève, mais bien au contraire, se trouvent dans toute la Suisse Romande. (et au-delà)
Bon j'aime bien rouler sur de jolies routes de campagne, mais rouler en ville, pour se payer embouteillage sur embouteillage, je m'en passerais bien. C'est pour ça que j'ai trouvé la solution: le big foot !
http://leblogdekad.blog.tdg.ch/album/photos/2035520977.html
Lady Long,
Ce sera Long, long, comme un jour sans pain, avant que je ne vous donne les codes. Voudriez vous être calife à la place du calife? Qué coquine! Prête à me transformer en bourrique ou en âne et à visser des numéros sur mes sabots...
Tiens, pour votre audace, je ne vous dirai pas où est votre briquet Cartier, que je vois pourtant du coin de l'oeil. Je ne vous prêterai pas non plus le mien, vu que je ne fume plus et que j'ai allégé mes poche de ce mini lance-flamme.
@ Raphaël:
Ben... je crois que je me suis quelque peu mélangé le yeux entre lecture d'un commentaire de Lord Acton avec le gauche sur une fenêtre, lecture d'un document sur votre site dont je parlerai prochainement avec le droit sur une autre fenêtre... bref, je suis bientôt prêt pour danser le hip-hop! Avec mes excuses.
Quel audace, décrire le comportement banal et moutonnier de la majeure partie de la population comme étant l'apanage rebel d'amoureux de la liberté c'est fort. (Doris leuthard, Justin timberlake, Stéphan Lambiel, sont de dangereux révolutionnaires qui luttent pour la libération du tabou routier...)
Le plaisir individuel (une voiture, pour un individu, 1 tonne, pour 100 kilos) que vous décrivez s'apparente à la description d'une masturbation qui aurait pour tarif l'édification de villes-routes invivables pour les non-possédants de véhicules à l'habitacle agréablement cuiré.
Mais oui, au delà de cela, c'est évidement formidable d'être bien au chaud quand il pleut, alors que d'autres abrutis prennent des bus qui puent ou des vélos dangereux...
"A part ça, j'aime beaucoup le commentaire de Lord Acton."
Lol Kad? Vous aussi!!!!!
Oulàlààààààà et l'autre qui aimerait bien voir Genève transformée en la Chine de Mao?!!!!!!
C'est y pas quand même un peu paradoxal, ce besoin de prendre la bagnole le week-end pour fuir la ville qui est devenue invivable à cause du surnombre de bagnoles ?
Bon, je vous laisse y réfléchir dans le prochain bouchon, hein ?
HL, Je vous en prie! Calcif à la place du calcif? Qu'est-ce que c'est que cette vulgarité?! Enfin, vous serez pardonné, à la condition déjà posée, et pour la dernière fois!
Et foin de quartier, je sais jouer avec le feu!
à vous HL, Bien ou pas dépendra de ce que vous savez mais feignez d'ignorer!