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Freinet et les managers: une bonne nouvelle

Célestin Freinet, né en 1896, fut l’un des premiers enseignants en France à développer une pédagogie basée sur la responsabilisation de l’élève. Un handicap a favorisé son engagement dans ce sens: blessé au poumon lors de la première guerre mondiale, il ne pouvait parler très longtemps et dut trouver des moyens innovants pour enseigner.

freinet2.jpgL’éducation était devenue au début du 20e siècle un enjeu de société majeur. Depuis Rousseau, mais encore plus avec l’émancipation des classes sociales défavorisées, apprendre était un facteur de progression sociale, de réduction des inégalités et un moyen de développement de l’ensemble de la société. Apprendre un nouveau métier apportait des bras à l’industrie et à la technologie. La richesse des communautés humaines passait par l’école. C’est encore le cas.

La pédagogie de Célestin Freinet était fondée sur le travail réel des élèves. Alors que l’école publique valorisait essentiellement l’intellect, il se tourna très vite vers la pratique. Pour motiver les élèves et leur procurer un savoir-faire autant qu’un savoir, il créa des ateliers pratiques et installa par exemple une imprimerie dans l’école, les élèves rédigeant et imprimant leur propre journal.

L’esprit de sa pédagogie est fondé sur la coopération entre élèves. L’enseignant n’a plus besoin d’user de son autorité avec violence ou contrainte car les élèves comprennent d’eux-même la nécessité de s’organiser te d’accomplir leur travail. Ils sont responsabilisés.

Cette philosophie m'influence dans la pédagogie interactive que je pratique depuis 25 ans. Pas de cours purement magistral, mais une mise en commun des informations puis leur expérimentation pratique, chacun devenant acteur de sa propre formation. C'est à la fois très exigeant et très stimulant. Comme le disait Aristophane il y a très longtemps: "Former, ce n'est pas remplir un vase, c'est allumer un feu".

Freinet fut l’objet d’une campagne nationale de dénigrement par la droite et l’extrême droite française de l’époque. Son engagement communiste et ses méthodes non-autoritaires ne plaisaient pas à certains milieux. Mais il fut aussi soutenu par sa femme Elise qui partageait sa philosophie et qui était elle-même enseignante.


Récemment la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris a créé un laboratoire de recherche: le Centre d’innovation et de recherche en pédagogie de Paris (Cirpp). Le but est la mise en place de nouveaux modèles pédagogiques à destination principalement des grandes écoles formatrices d’entrepreneurs, managers et autres PDG.

Et parmi les principes étudiés et développés concrètement, ceux de Célestin Freinet: mise en valeur des savoir-faire coopératifs, développement de la créativité, sensibilisation à la vie sociale.

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Selon la revue Sciences Humaines d’août-septembre qui relaie cette information, une filière sera mise en place au niveau européen dès la rentrée 2010, qui «instaurerait un dialogue de formation favorisant une démarche réflexive et critique des étudiants. Seront ainsi mises en place des réunions coopératives où le groupe interroge ses pratiques, présente ses travaux et ses projets. (...) Avec en ligne de mire un objectif pour le moins ambitieux: favoriser un management émancipant.»


Beau retour en grâce pour cet enseignant communiste souvent rejeté de son vivant, et qui aujourd’hui, s’il vivait encore, verrait ses principes et méthodes appliqués aux futurs dirigeants capitalistes! Comme quoi les bonnes idées ne sont d’aucun bord: elles sont simplement bonnes. Imaginer que les grandes écoles forment les futurs managers à l’intelligence de l’humain, à savoir coopérer, à l'autonomie individuelle, voilà une très bonne nouvelle.

Parler d'autonomie conduit à penser individualisme. L’individualisme, à quoi on peut associer la responsabilité individuelle, le libre choix de sa vie, l'initiative personnelle, entre autres, est souvent décrit comme une valeur de droite, et la coopération, qui s'associe à solidarité et collectivité, entre autres, comme une valeur de gauche. Je ne partage pas ce point de vue simplificateur: la responsabilité individuelle n’est pas assimilable à un camp politique privilégié. Aujourd’hui, dans ce domaine, il n’y a plus lieu de faire cette différence. L’individu reste une valeur et ce n’est pas antinomique avec la collaboration. On peut même dire que l’individualisme et la coopération sont les deux pattes d’une même canard dans la richesse d'une entreprise ou d'une société.

Pratiquement, on peut en espérer à terme un meilleur dialogue et une réelle collaboration entre direction et employés dans une entreprise, diminuant les tensions sociales issues de positions dures et autoritaires.

Je pense aussi qu'à notre époque où tant d'élèves décrochent, où la transmission dystonctionne, il serait utile de relire Freinet et redonner envie aux enfants d'apprendre. Ce que l'autorité seule ne peut pas faire..

Catégories : société 0 commentaire

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