Dur dur de trouver du wifi dans les petites villes de cette départementale. Pas de borne publique, pas de McDo (qui offre le wifi à ses client).
Les petites villes: Crest, Dieulefit, Nyons, Malaucène. Plus on descend plus la nature prend le format «Provence». Après Crest, quand on suit la D 538, les paysages deviennent magiques. Rivière cachée, hameaux brillants de soleil, roches surgissantes, vastes prairies douces. On imagine volontiers quelques elfes et fées se promener par là. J’en ai inventé une histoire brève ci-après.
La D 538 s’arrête exactement au giratoire que montre la photo. On est passé dans le département du Vaucluse depuis 200 mètres.
En continuant on va soit vers Carpentras soit le Ventoux et Sault. Allez, direction Carpentras pour chercher du wifi. Mais la ville est encombrée de partout, c’est l’enfer pour y rouler. Demi tour et départ vers Sault et le plateau d’Albion. Cette région que je connais bien est froide aujourd’hui: 13° et des rafales de vent à 70km/h. Le ciel est déjà chargé et la pluie est annoncée. Planter la tente dans ces conditions... dans ce froid venteux qui transperce... Pour avoir un peu de chaleur il faut remonter vers le nord!
La décision est prise: retour mai-son, de nuit.
Au final un court voyage en demi-teinte, sans fait marquant, sans imaginaire très actif ni réflexion nourrie. Juste un détour dans le quotidien.
Bon, l’histoire brève imaginée en roulant dans ces paysages:
«Li-La»
«Quand tu suis la départementale 538 vers le sud, après Romans il y a d’abord un long bout droit, entrecoupé de quelques giratoires. Avec le soleil la route fait des reflets, comme de la glace. Après on traverse des collines et ça se met à monter et descendre, à tourner de gauche et de droite.
Crest, c’est l’entrée dans un pays magique. Tu longes la rivière jusqu’au pont. Là tu tournes vers Dieulefit. Bientôt tu arrives à Saou. C’est là qu’elle est. Je te dis pas où. Tu chercheras. Tu verras un gros bosquet de lilas. Tu n’es plus très loin. Cherche encore. Si tu la trouves, écoute mon histoire.
C’est un garçon de là-bas qui m’a raconté. Un garçon qui plaisait bien aux filles du village. Lui aimait courir les prés, arpenter les mamelles dodues sur lesquelles le tracteur faisait ses sillons.
Un jour il va plus loin que d’habitude. Les yeux fermés. Il marche comme un aveugle. C’est une voix qui l’arrête.
- Bonjour. Où vas-tu?
Une voix de femme, presque inaudible mélangée au vent. Il ouvre les yeux: une femme est là près de lui. Comme transparente.
- Bonjour, répond-il. Je vais nulle part.
- C’est ici. Assied-toi.
Elle lui montre un coin d’herbe plus tendre à côté d’un lilas. Il s’assied. Il est très surpris. Il n’a vu personne en venant. Et il n’y a plus de maison dans ce coin.
- Tu habites par ici?
- Oui. Comment t’appelles-tu?
- Yann. Et toi?
- Li-La.
- Lilas?
- Non: Li-La.
Comment sait-elle qu’il pense au lilas?
- Je sais. J’entends.
- Tu entends quoi?
- J’entends tout ce que tu penses.
Yann est très gêné. Il ne voudrait pas que l’on sache ce qu’il pense. Mais comment cesser de penser? Alors il se tait. Alors elle lui demande de parler.
- Cela ne sert à rien si tu entends mes pensées.
- Si, parle, j’aime le son de la voix. Je n’ai pas souvent l’occasion d’en entendre.
Alors il parle. Il raconte son village, sa vie. Ils restent ainsi jusqu’au déclin du soleil. A la fin de la journée elle lui demande de partir. Il propose de l’accompagner jusque chez elle.
- Non, non, va, je t’en prie.
Il rentre donc, des questions plein la tête. Il retourne le lendemain. Elle est là. Comme si elle n’avait pas quitté l’endroit. Ils parlent à nouveau, de la nuit, des étoiles. Et ainsi tous les jours jusqu’à l’été.
Une nuit chaude elle lui propose de rester avec elle. Les grillons sont leurs seuls témoins.
Au matin elle a disparu. Il la cherche. Personne. Il revient le lendemain, et les jours suivants. Elle ne réapparaît pas. Mais le lilas, le lilas où ils se rencontraient, reste fleuri.
Depuis il est en fleur toute l’année, même au gris de l’hiver.
Lui reste des heures à rêver, solitaire, dans les collines, ou au bord de la rivière. Son regard est ailleurs. Les filles du village ont peu à peu renoncé à lui.
Et quand on le croise, personne ne sait d’où vient cette étrange parfum de lilas.
Alors, si tu la cherches, et si tu la trouves, tu sais ce qui t’attends»