A être connus et à continuer à l’être, pour dire vite. Mais pas seulement. Ils ont une fonction sociale. Ils sont soit des idiots utiles sur lesquels nous déversons nos frustrations, soit les miroirs des rêves secrets de nos vies anonymes.
Etrange monde que celui des people. Toute célébrité qui a besoin personnellement ou économiquement de notre attention devient un people, c’est-à-dire un modèle de vie, un formateur d’opinion, une référence sociétale, un acteur du spectacle du monde. Ils vivent à côté de nous, à quelques mètres peut-être. Mais ils ne communiquent avec notre réalité que par quelques petites photos dans les magazines qui leur sont consacrés. Et ils se reproduisent entre eux. Signe qu’il s’agirait d’une espèce différente?
Pourtant ce sont des humains avec des histoires d’humains. Et qui ont l’habitude de nous parler d’eux, même si on ne leur demande rien. Ainsi Audrey Pulvar qui envoie un sms à la principale agence de presse de France: «La journaliste Audrey Pulvar annonce la fin de sa relation avec Monsieur Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, et poursuivra tout auteur d'atteinte à sa vie privée ou à celle de ses proches». Deux jours après une interview d’elle paraît dans le magazine GQ. Elle s’explique, comme si elle était notre grande soeur qui vient nous parler entre quatre yeux. On ne lui a toujours rien demandé.
Elle ajoute, en fin de l’interview: «Quand je vois qu'un tweet sorti de son contexte peut faire l'objet d'une dépêche AFP…». Elle semble vouloir rattraper le coup un peu sec du sms et prétend que ce n’est pas vraiment ce qu’elle voulait dire, qu’il y manque le contexte. Contexte qu’elle ne semblait pourtant pas avoir explicité. Le coup classique des communicants qui disent une chose puis tentent de l’annuler après coup. L’avantage de ce genre de stratégie médiatique est de faire parler de vous deux fois plutôt qu’une. C’est tout bénéf. Ceux qui avaient raté la première livraison reçoivent la deuxième.
Et pour être sûre qu’on a bien compris elle en met une troisième dans Le Point. Ils sont séparés depuis septembre mais elle n’a rien dit à ce moment pour une raison simple: «D'abord, je pensais qu'Arnaud reviendrait.» Donc on sait que c’est lui qui est parti. Elle ajoute: «Le pouvoir change les gens.» Une petite baffe en passant, un chien de sa chienne.
Au fond c’est rassurant. Ils sont presque «normaux». Ils aiment, ils sont quittés, leur argent et leur célébrité ne les protège pas. Leur vie n’est peut-être pas meilleure que la nôtre. Et nous, les non-people, nous lisons leur vie comme nous lirions un roman. Nous les encourageons dans leur stratégie de communication puisque nous sommes acheteurs.
Par exemple les héros de Twilight. Ils ont fait fort avec leur séparation, puis leurs retrouvailles: quelle pub! Des pages entières annonçant la sortie du film depuis des mois. Les people servent donc à vendre quelque chose, ou à se vendre eux-même. Les people vivent de nous.
Les people nous servent aussi à transposer nos vie sur eux. C’est un théâtre. Ce qu’ils vivent, nous le vivons en partie. Leurs rêves sont les nôtres: richesse, argent, célébrité, pouvoir. Le feuilleton télé «Amour, gloire et beauté» aura-t-il marché s'il s'était intitulé: «Haine, anonymat et laideur»? J'en doute. Depuis la nuit des temps il y a les gens en haut de l’affiche, et il y a ceux qui les regardent depuis le parterre. Ceux-ci vivent un peu de rêve au travers des premiers. Ils les envient, soit parce qu’ils voudraient leur ressembler - on préfère être riche que pauvre - soit parce qu’ils les détestent de ne pas arriver à être leurs égaux.
Les people incarnent des modèles positifs ou négatifs. Ils servent entre autre à projeter nos désirs ou nos frustrations. La manière dont nous analysons leur vie est la projection de comment nous pensons la vie. Les modèles positifs sont ce à quoi nous aspirons, les négatifs ce que nous rejetons. Parfois c’est plus complexe: la vie sexuelle débridée du golfeur Tiger Woods a pu susciter à la fois la réprobation morale et l’envie. La réprobation parce que l’infidélité et la trahison amoureuse génèrent la souffrance. L’envie parce qu’il tenait un rythme sexuel à faire pâlir bien des hommes, et parce qu’un homme riche et séduisant, même marié, reste pour certaines un bon parti.
En lisant leurs aventures nous exprimons nos propres valeurs et nos désirs par l’admiration ou le rejet que nous avons d’eux. De plus leur fonction économique n’est pas négligeable: ils remplissent les pages de magazines, font vivre des imprimeurs, des journalistes, des vendeurs, des transporteurs, des hôtels et leur personnel. Enfin ils donnent un semblant de lumière à la vie quand la nôtre est dans la grisaille.
Les people sont un théâtre gratuit pour une humanité qui se cherche régulièrement des modèles. Et nous les regardons. C’est dans l’humain: nous préférons lire les gros titres du haut de l’affiche plutôt que les détails du bas. La lumière ne vient-elle pas du haut?
Commentaires
A quoi? A que tu écrives des âneries. Voilà.
Jean,
fan de Johnny (a que)?
Vous avez toujours des interventions bien développées et riches d'arguments qui donnent à réfléchir... Un bonheur de vous lire.
:-)
Pas besoin de développer davantage pour signaler les faits. Maintenant, si cela vous donne à réfléchir, tant mieux. Mais je doute fort.