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Esclavage: peut-on solder les comptes?

François Hollande déclarait vendredi que l’esclavage est irréparable. Il a parlé de «l’impossible réparation» et cité Aimé Césaire: «Il y aurait une note à payer et ensuite ce serait fini ? Non, ce ne sera jamais réglé». Cette affirmation est ambiguë mais contient une part de vérité.

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On peut y voir d’abord le refus de l’Etat d’indemniser financièrement les descendants des victimes de l’esclavage. Dans le même temps une association, le «Conseil représentatif des associations noires (Cran), poursuit la Caisse des dépôts en justice pour avoir, selon elle, tiré profit de l'esclavage en recueillant notamment la rançon imposée à Haïti pour son indépendance.»

L’esclavage avait une fonction économique primordiale. La traite négrière fournissait de la main d’oeuvre à bon marché, soumise par la force, et enrichissait une classe de commerçants. Le tout justifié par des théories inventées pour l’occasion, ou par des récits sur la supposée barbarie sauvage de peuplades dites sous-humaines.

Dans tout crime ou délit les tribunaux considèrent qu’une contrepartie matérielle participe au dédommagement pour le tort subi. Cette contrepartie doit être fondée. Aujourd’hui les tribunaux accordent par principe une indemnité financière pour tort moral pour des agressions physiques, alors même qu’aucun dommage financier n’est démontrable. Il ne peut y avoir d’automatisme dans le dédommagement financier. Le terme même de réparation, dont la valeur est plutôt morale, n’est pas le plus approprié.

Faut-il accorder un dédommagement financier aux descendants de l’esclavage? N’y a-t-il pas de prescription? Dans la loi les crimes sont sujets à un délai de prescription. Exception faite pour les crimes contre l’humanité, dont l’esclavage fait partie depuis le procès de Nuremberg en 1945. Ces crimes sont qualifiée d’imprescriptibles.

Mais une nouvelle loi ne peut s’appliquer à des actions qui n’étaient précédemment pas qualifiées de criminelles. Les lois ne sont pas rétroactives. Et quand bien même un Etat ou une institution bancaire privée seraient considérés comme redevables, à partir de quelle date reconnaîtrait-on la responsabilité civile et pénale? En droit pénal un délit cesse d’être poursuivable lors du décès de son auteur. L’Etat n’étant pas une personne, et étant tenu d’assumer les engagements majeurs des anciens dirigeants, devrait-il être poursuivi?
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La chose comporte des conséquences difficiles à gérer. Car si l’on reconnaît le droit à une réparation financière en relation avec la traite négrière occidentale, on doit faire de même avec la traite arabo-musulmane ou orientale, qui fut plus durable dans le temps (il existait encre des marchés d’esclaves en Afrique au début du XXe siècle) et plus importante en nombre. On devrait encore demander des comptes aux pays arabo-musulmans pour l’occupation et le vol des richesses de l’Espagne pendant des siècles, ainsi que pour les lois racistes contre les juifs édictées alors. Devrait-on demander des comptes aux pays nordiques pour l’occupation par la force de régions d’Europe? Devrait-on demander à l’Italie des comptes pour les actions de l’empire romain? Aux turcs pour l’occupation de l’Afrique du nord et d’autres régions? Aux Mongols pour la conquête meurtrière de l’Asie jusqu’aux portes de l’Europe? A la France pour les conquêtes napoléoniennes? Enfin faudrait-il demander des comptes aux descendants des esclavagistes africains qui collaboraient avec les marchands arabes et occidentaux?


La propriété privée de soi-même

Comment poser la limite dans le temps? Et qui incriminer? Wikipedia a trouvé une solution bien dans l’air du temps: sa page Histoire de l’esclavage ne mentionne que la traite atlantique. Pas un mot sur la traite orientale. De quoi alimenter l’idée que l’Europe est seule responsable de l’esclavage et d’alimenter les ressentiments contre elle.

La réparation financière se heurte donc à la question de la rétroaction des lois sur les crimes contre l’humanité et sur les délais admissibles dans une telle démarche. Mais comment tenter de réduire les séquelles de l'esclavage?

«L'histoire ne s'efface pas. On ne la gomme pas.»

La phrase de François Hollande me semble adéquate. On ne gomme pas l’Histoire. On doit apprendre à vivre avec et à en tirer les enseignements pour éviter de reproduire des actions esclavage,atlantique,oriental,traite,négrière,victimes,liberté,droit,propriété,françois hollande,racisme,histoire,mémoire,européens,turcs,afrique,réparation,criminelles.

Cela s’applique par exemple dans le droit occidental: l’individu n’appartient à personne. Il s’appartient à lui-même. Aucune théorie d’une quelconque supériorité ne peut justifier une appropriation de l’autre. Au nom de ce principe de propriété privée de soi aucun individu ne peut être acheté ou vendu, ou contraint par autrui. C’est aussi au nom de l’individu et de sa liberté fondamentale, de sa propriété privée de lui-même, de son droit à la différence, que les théories racistes ont été contestées.

C’est sur ce fondement philosophique que le solde de tous les crimes, individuels et collectifs, privés ou étatiques, pourrait être compté. La reconnaissance du droit à la liberté individuelle contient un versant moral: ne pas respecter la liberté de l’autre, en faire sa chose, se donner un droit sur autrui, lui prendre sa vie est une faute qui va au-delà des cultures et des époques. C’est une philosophie universelle.

La liberté, la propriété privée de soi, passe par le corps. La contrainte sur le corps est ce qui signe le plus clairement les crimes. C’est peut-être dans la renonciation à la contrainte de corps, et dans la reconnaissance que cette contrainte est une faute, que l’on soldera, peu à peu, les comptes du passés.

Cela vaut pour tout le monde: les victimes d’un jour sont aussi les bourreaux d’un autre jour. L'Histoire le montre. Les populations africaines d’avant la traite négrière ont pratiqué l’esclavage entre elles. Rien d’original à cela: l’esclavage était pratiqué par de nombreux peuples. Et les guerres endémiques, la violence politique fréquente sur le continent africain, montrent que la renonciation à la contrainte et à l’appropriation de la vie et du corps de l’autre n’est pas encore acquise partout comme une philosophie universelle.

Un devoir de mémoire est important, s’il ne tombe pas dans l’auto-flagellation et une culpabilité sans fin. Les générations suivantes ne sont pas responsables de leurs ainés. Mais elles peuvent contribuer à avancer dans la reconnaissance du droit de chacun à s’appartenir. Pour cela, le devoir de mémoire devrait être accompli par tous les acteurs de tous les esclavages, lucidement, sans calcul politique. On en est loin.


Catégories : Politique, société 13 commentaires

Commentaires

  • @Hommelibre, si le temps des esclavagistes n'étaient plus peut-être pourrait-on répondre par l'affirmative et si vous pouviez faire en sorte afin que l'esclavagiste Twitter cesse de me harceler par e-mails ,la bien nommée mémoire vivante par les gens du lieux vous en est déjà par avance reconnaissante,rire
    Bonne fin de journée pour Vous

  • Pour Twitter, il faut cliquer sur "vous désincrire" en bas du courriel. Je suis désolé, c'est un automate qui renvoie à chaque fois. J'ignorais ce système, moi je n'ai envoyé que la première invitation.

    Je n'aime pas trop ce système. Grrr...

  • Pliée de rire ...

    Excusez Hommelibre mais je découvre à l'instant comment faire pour être désinscrite sur Twitter ... Je vais faire le nécessaire :D

    Belle fin de soirée à vous

  • Loredana:
    C'est écrit en tout petit...

    :-)

    Vot' fifille préférée vous a pas offert des nouvelles lunettes, par hasard?

    ...

    Bon, je sors....

    :-)))

  • Décidément ... :)))))

    Grrrr ... j'arrive pas y m'y faire aux lunettes progressives ... faut pas bouger ... ^^

  • Nan, il faut prendre des poses bizarres, regarder en bas comme si on regardait en haut.

    ... Quoi: vous avez vraiment des nouvelles lunettes?

    ?_?

  • Bah oui j'ai des "nouvelles" lunettes ... mes yeux ne sont plus tout jeunes ... lol ...
    J'ai de la peine à tendre le cou comme si je regardais loin pour lire ... et pourtant cela fait un moment que j'en porte mais rien à faire je ne m'y fais pas ... sniff ... mais je fais avec ... :D

  • Se libérer de ses chaînes est un travail de toute une vie. On risque toujours de faire partie, à l'insu de notre plein gré, de faire partie d'un maillon esclavagiste. On s'habille à la mode. Mais si la mode se construit sur l'esclavage de centaines de milliers de petites mains couturières dont la vie ne vaut rien aux yeux de leurs exploiteurs, alors nous n'en n'avons jamais fini avec l'esclavage... Pour le passé, il vaudrait mieux pour nos responsables politiques et économiques de 'appuyer sur lui en rapport avec notre actualité et tenter de faire évoluer notre système actuel. Pour les indemnités, il y a des vivants qui bossent et qui meurent pour rien aujourd'hui même. Pour les morts du passé, je ne vois pas pourquoi les enfants devraient être payés pour la sueur et le sang versés par leurs ancêtres. C'est quoi, ça? Mon grand-père était esclave et je reçois une rente à vie en compensation? Quel cynisme! Et le grand-père, il aurait aimé que son petit-fils reçoivent de la tune et qu'il se la coule douce en continuant à vomir sa haine de l'ex-maître de son grand-père depuis sa chaise-longue et son drink soda-vodka?

  • @homme libre,

    Bonjour,

    Une fois de plus merci pour votre curiosité pour ce qui illustre une fois de plus les effets de l'activisme des minorités de minorités ,officiellement nommées "minorités",et par là même intronisées parangons du souci commun.

    Rien de mieux à cet égard que l'exigence d'esprit clinique ,et voici un article de valeur d'un historien connaisseur de ce problème:

    http://www.atlantico.fr/decryptage/caisse-depots-poursuivie-cran-pour-avoir-profite-esclavage-derriere-habillage-bien-pensant-negation-complexite-historique-et-fab-723146.html?page=0,0

  • @Hommelibre,je vous remercie et suis aussi pliée de rire en lisant que vous et d'autres soyez d'humeur contrariée face aux développements d'un système qui ne laissera bientot plus le temps au cerveau humain de s'adapter avant qu'une autre réforme intervienne d'ou la mode boboisation à tout crin.
    Les gens n'en peuvent plus de leurs propres bobos véritables obsessions pour certains et le plus souvent secondaires à la vitesse de l'informatique.Savoir dire non est survie.Ceux qui ont été éduqués dans les sectes sentent le danger à distance,et l'ordinateur ne doit pas comme c'est trop souvent le cas servir de paravent
    Bill Gates associé au Giec a réussi en un temps record à créer un système digne du style maquereaux de l'époque à Sinatra nous transformant tous
    en sardines de choix,rire
    toute belle journée pour vous

  • "Enfin, un dernier point reste à examiner. Que signifie, intellectuellement, philosophiquement, ces demandes de réparations des lésions du passé, liées à l’inflation des manifestations «mémorielles» ? Avec le «devoir de mémoire», on envisageait d'abord de rendre vérité et hommage aux victimes. Désormais, on passe à l'idée de corriger la souffrance individuelle des «descendants» par la réparation matérielle.



    Le point commun de ces nouvelles exigences ? C'est moins l'idée d'établir une vérité sur un passé conflictuel que la préoccupation d'obtenir une revanche pécuniaire. On passe du droit pénal au droit civil. Il s'agit d'un nouveau régime d'historicité. Le passé considéré ; jusque-là, comme indépassable et pensé d'abord en termes politiques (avec un jugement pénal du genre Tribunal de Nuremberg) est désormais conçu comme un passé à repenser juridiquement dans les termes du droit individuel même si les responsables ont disparu ou leur descendance quasiment non identifiable.



    C'est l'idée, selon ces requérants, qu'une société ne peut vivre démocratiquement de manière pacifiée que si ses traumatismes historiques donnent lieu à une compensation des victimes ou descendants de victimes. C'est "refuser que le temps consacre l'injustice" (Antoine Garapon, Peut-on réparer l'histoire ? éd. Odile Jacob, 2008, p. 65).



    À l’évidence, derrière cet habillage bien-pensant, on réactive des traumatismes, on tente de leur trouver des responsables vivants. On dresse des segments de population les uns contre les autres en leur attribuant des héritages qui ne sont pas les leurs. On fabrique donc du ressentiment."

    Michel Renard 12-05-2013

  • Un autre bon et pertinent papier sur ce sujet:

    http://www.marianne.net/Quand-les-chaines-memorielles-entravent-la-lutte-contre-l-esclavage_a228704.html

  • Irréparable... le débat est complexe... il va continuer...
    J'ai trouvé votre blog très intéressant et je pense que cette info vous intéressera.
    Comme chaque année depuis 15 ans le 23 mai est la date de la commémoration des victimes de l'esclavage. Cette année, sur le parvis de la basilique de Saint-Denis (près de Paris) en plus du village et des festivités, un monument aux esclaves sera inauguré en présence du ministre des Outre-Mer, d'élus et de personnalités. Sur ce monument seront gravés 213 des noms retrouvés des ancêtres esclaves de personnes connues (Victorin Lurel, Harry Roselmack, etc.) ou inconnues, descendantes d'esclaves. Une première mondiale !
    Nous vous attendons nombreux à cette fête dont vous trouverez le programme à : http://www.cm98.fr/images/stories/CM98/pdf/FlyerStDenis-23mai2013.pdf?5a8ba2524b66f432c7b8159053b07b45=345e2978a28efaa2c4651e53e88a7da6
    Bien cordialement,CM98

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