Les variations climatiques du passé ont laissé des traces dans l’Histoire et dans les annales. Les traces d’une activité que l’on peine aujourd’hui à imaginer: la culture de la vigne et la production de vin. La Bretagne comme la Normandie ont été des régions de production et même d’exportation.
La Bretagne est plus connue pour son cidre, ses navigateurs, sa pêche et son agriculture. Céréales et légumes, mais aussi élevage, placent cette région en tête de la production agricole française. Cependant la culture de la vigne y a tenu une place importante dès le IIe siècle et jusqu’à la fin de la période chaude de l’optimum climatique médiéval.
La vallée de la Rance et le Mont Dol, proche de la Baie du Mont Saint-Michel, étaient par exemple des lieux connus de production vinicole. La Normandie et la Grande-Bretagne cultivaient également la vigne. Pourtant aujourd’hui cette production est confidentielle. Que s’est-il passé?
Plusieurs causes ont concouru à la quasi disparition de la vigne bretonne. D’une part deux édits royaux ont décidé d’une nouvelle priorité agricole en Bretagne. Henri Sée, historien français (1864-1936) et auteur d’une étude du capitalisme de l’antiquité à nos jours, mentionne cette raison politique:
«En Bretagne, comme dans le reste de la France, le gouvernement, loin d’encourager l’extension de la viticulture, s’est efforcé, au contraire, de la restreindre. On est, en effet, dominé par la préoccupation presque exclusive d’assurer les subsistances, et l’on craint que la vigne ne prenne la place des pâturages et surtout des terres à blé».
Décision est prise d’interdire la plantation de nouvelles vignes, et les vignes non cultivées pendant deux années de suite ne pourront être rétablies sans la permission expresse du roi.
Autre cause du recul du vignoble breton: les guerres des Ligues de Bretagne à la fin du XVIe siècle, guerres de religion (ou guerre civile selon certains auteurs), qui dévasta la région.
Enfin la vigne bretonne n’a pas résisté au petit âge glaciaire durant lequel, de 1300 à 1850 environ, la Terre s’est sensiblement refroidie.
Aujourd’hui des agriculteurs bretons tentent de faire revivre la vigne. Mais le gouvernement et les règlements européens interdisent à la Bretagne de renouer avec son passé viticole.
Pourtant le réchauffement climatique, s’il dure, sera très propice à cette production. On voit sur l’image 2 la reconstitution des températures de l’hémisphère nord pendant 2’000 ans. La période romaine est aussi «chaude» qu’aujourd’hui et le Moyen-Âge est à peine plus frais jusqu’à l’optimum médiéval, après quoi la planète s’est refroidie (le frais entre l'an 350 et l'an 600 est moins marqué que le petit âge de glace mais il correspond aussi à un affaiblissement de l'empire romain annonçant sa chute). Le réchauffement actuel semble de ce point de vue être un possible rattrapage de la température, trop froide jusqu’au XIXe siècle.
D’ailleurs, et nous y reviendrons, les émeutes récurrentes du petit âge glaciaire en Europe, dont celles qui ont mené à la révolution française, étaient motivées par ce que l’on nomme la «crise de subsistance»: il n’y avait plus assez de blé et d’autres céréales pour nourrir les habitants du royaume. Il suffisait alors de deux années mauvaises pour qu’une situation extrême s’installe.
La mondialisation du commerce permet aujourd’hui, et dès le XIXe siècle, de pallier aux famines qui ont marqué notre histoire commune, en achetant du blé à l’étranger et en l’acheminant dans les régions sinistrées par ces famines.
Les variations climatiques ont contribué à faire de l’Europe ce qu’elle est devenue. Et encore une fois les périodes plus chaudes sont favorables à la subsistance et au développement des sociétés humaines.