Les enfants seront les électeurs et les électrices de demain. Genève veut leur dérouler un tapis rouge en les incitant à envoyer des pétitions aux autorités municipales. Esther Alder, magistrate des Verts citée dans le Matin Dimanche, dit elle-même:
«... les enfants veulent plus participer et être plus écoutés. Je veux leur permettre d’utiliser ce droit. C’est une éducation à la citoyenneté. Et cela doit se faire dès le plus jeune âge.»
Beaucoup d’affirmations péremptoires en si peu de lignes. Décortiquons.
Plus participer: à la vie du quartier, croit-on comprendre. Ainsi cet exemple cité dans le quotidien: «Bonjour, je m’appelle Léa et j’ai 8 ans. J’aimerais beaucoup participer à des ateliers créatifs pour les enfants comme créer une peinture géante dans un parc, faire des sculptures... pour décorer la ville.»
Non. On ne décore pas la ville avec des peintures d’enfants de 8 ans. On peut le faire dans l’espace scolaire ou à la maison mais pas ailleurs. Il faudrait dire aux enfants que peindre ou sculpter, cela s’apprend, se travaille, et que les graffitis informes des enfants n’amusent que les parents béats devant le génie de leur progéniture.
Je profite donc de ce billet pour exprimer une pétition informelle: épargnez-nous les cacas nerveux d’enfants qui se prennent pour Picasso. La déco de la ville est l’affaire de professionnels, pas de pré-pubères convaincus qu’ils sont de grands artistes.
Une remarque citée dans l’article indique que pour 38% des enfants, il y a trop de bruits et de voitures dans leur quartier. On notera que 62% ne s’en plaignent donc pas. Freinera-t-on la circulation ou non? On la freinera: on est à Genève... Mais si on freine la circulation dans leur quartier, j’attends de revoir ces enfants devenus adultes et pestant contre les limitations imposées un peu partout...
Cette initiative paraît démagogique. On amadoue les enfants en leur faisant miroiter un pouvoir sur la cité. Or ils n’auront pas de pouvoir réel. On risque plutôt de les décevoir très tôt dans leur vie citoyenne. En effet, comment imaginer que des autorités acceptent des oeuvres sans talent qui défigureront la ville, au seul souci de faire plaisir à leurs futurs électeurs?
On pourrait leur dire les choses autrement et les inviter d’abord à débattre avec les autres enfants puis avec leurs familles. Il faut en effet leur montrer que la démocratie n’est pas réductible à une pétition solitaire. Elle est une réflexion sur ce qui est possible ou non. Elle est un espace de discussion. Les pétitions ne sont que l’expression de désirs personnels, pas une prise de conscience du réel d’une ville. Elles n’impliquent pas de débat pour les enfants. Ce qui les prive d’une fonction essentielle de la démocratie.
Jean Romain, cité en fin d’article, résume les choses et ne croit pas à cette «infantilisation du monde. On donne tous les droits aux enfants en oubliant leurs devoirs. Cela n’a pas grand intérêt. C’est la tentation de l’innocence, alors qu’être adulte c’est se salir les mains.»