La norme climatique qui sert de repère pour mesurer le réchauffement global est-elle juste? N’a-t-on pas placé le curseur trop bas? Faudrait-il relever l’ensemble des normes à partir d’une nouvelle date de référence? Et si oui, laquelle?
Garder ses distances
Si l’on veut éviter la pression émotionnelle grandissante sur le climat, il faut savoir garder ses distances intellectuelles et ne pas prendre ce qu’on nous dit pour argent comptant. Je ne suis pas un scientifique, je ne sais que très peu de choses du monde, mais je n’accepte pas que des scientifiques dictent l’agenda politique et perdent leur neutralité (sans laquelle il n’y a plus de science mais religion ou idéologie).
Je refuse les contraintes intellectuelles quand je pense qu’elles sont insuffisamment fondées. Ma liberté, ma respiration passent par là. Je pense même que face à une doctrine environnementale qui s’autoproclame «vérité» sans proposer de contre-épreuve théorique, il est urgent de ne pas se taire.
Je doute de la neutralité des membres du GIEC. Je doute de leur lecture des compilations passées en revue. Je doute de leurs conclusions à long terme. Leur état d’esprit alarmiste, leur incapacité à penser le réchauffement autrement que comme une catastrophe irréversible (le passé de la Terre a connu des changements climatiques bien plus radicaux), doivent être critiqués. Il y a trop d’inconnues et la complexité du climat est trop grande pour accepter ces conclusions sans réagir. Je pense qu’il y a des choses qui ne sont pas encore prises en compte, ou pas vues, ou interprétées de manière trop linéaire, ou sans pouvoir affirmer que tous les systèmes de rétroactions sont connus et quantifiés.
Il ne s’agit pas d’encourager l’inaction face aux technologies polluantes. L’innovation et l’évolution des techniques feront plus pour modifier cette situation que les interdits. Les technologies non polluantes seront de plus en plus disponibles sans qu’il y ait besoin de déclencher une guerre de l’énergie et des ressources. Il y a des raisons autres que le réchauffement (des raisons écologiques, économiques, politiques) pour développer des technologies plus propres. La fin des ressources non-renouvelables nous l’imposera encore plus sûrement; ceux qui aujourd’hui anticipent cette échéance seront les gagnants de demain.
Warmness is good for you
Par contre il doit être permis de se demander si la période d’avant 1980, en particulier de 1950 à 1980, est la meilleure référence climatique possible. Je rappelle rapidement que:
- de la fin du Moyen-Âge à la fin du XIXe siècle la planète a connu une période fraîche nommée «petit âge glaciaire»; pendant cette période il y eut des famines et des émigrations massives hors d’Europe pour entre autres fuir la misère;
- le XXe siècle a vu la température monter dès 1920, avant de redescendre pendant la période de référence climatique (1950-1980) puis de remonter ensuite; la courbe de population suit cette montée; elle est même devenue exponentielle - signe que la situation actuelle serait propice au développement de l’espèce humaine?
- un regard sur les températures du passé, telles qu’elles ont été reconstituées scientifiquement, montre que depuis la fin de la dernière glaciation la température moyenne a beaucoup varié; les périodes plus chaudes que la moyenne 1950-1980 sont nombreuses et intenses, et ont vu le développement de grandes civilisations.
La référence d’avant 1979 est donc plutôt basse en regard du passé. Pourquoi avoir privilégié celle-là? Parce que le XXe siècle est plus lisible que les siècles précédents, pour les deux raisons que beaucoup d’entre nous y ont vécu et parce qu’il y a des relevés météorologiques.
Ces relevés ont commencé à la fin du XIXe siècle mais le maillage global de la planète ainsi que les mesures par satellite se sont généralisés vers les années 1960. A partir de cette photographie du climat, de cette fenêtre de 20 ans, on définit des anomalies climatiques. Et tout ce qui sort de la valeur de référence est nommé «anomalie» par les services météorologiques et par les climatologues du monde entier. Plus encore: les anomalies sont définies comme telles par leur écart d’avec la moyenne. Or une moyenne est précisément la résultante de valeurs diverses. Faire de la moyenne une référence absolue et rigide est tout sauf scientifique. C’est une sorte d'inversion de la charge de la preuve.
Où placer le curseur?
Le curseur indiquant la valeur de référence pourrait être placé ailleurs que sur la période 1950-1980. Par exemple sur la deuxième moitié du XVIe siècle, alors que les tempêtes étaient plus fortes qu’au XXe malgré le net refroidissement du petit âge glaciaire:
«Peut-être la plus infâme de ces tempêtes a-t-elle été la All Saints Flood en novembre 1570, et qui a fait son chemin au nord-est jusqu'à la mer du Nord. La tempête a produit d'énormes ondes à terre dans les Pays-Bas, inondant Rotterdam, Amsterdam, Dordrecht et d'autres villes et noyant au moins 100.000 personnes. Dans la rivière Ems plus au nord en Allemagne, le niveau des mers a augmenté d’un incroyable quatre mètres et demi au-dessus de la normale. En 1607, une autre tempête a causé des inondations encore plus importantes dans le canal de Bristol avec la crue des eaux 8 mètres au-dessus du niveau des mers intérieures. (trad. Google)».
La tempête de 1703 est restée comme la plus violente jamais connue dans cette région du globe. Après une série de tempêtes moins fortes qui se succèdent dès le 19 novembre de cette année, vient l’épisode du 27 novembre:
«Les vents tempétueux commencent vers minuit sur la plupart du sud de l'Angleterre, et atteignent leurs paroxysme très tôt le matin. Des rafales a plus de 120 mph même dans les terres [soit plus de 190km/h] affectent le sud du pays, et devant de telles bourrasques, pas grand chose ne résiste: les animaux s'envolent, les moulins à vent tournent à une telle vitesse qu'ils prennent feu [plus de 400 d'entre eux ont ainsi brules], les bâtiments s'affaissent. (...) Selon les climatologues Anglais, c'est la plus grande tempête jamais enregistrée a avoir frappe la Grande Bretagne, devant 1987».
A titre de comparaison la tempête Xinthia a provoqué une élévation des eaux de 8 mètres en février 2010.
Le curseur pourrait aussi être placé sur la chaude période romaine d’il y a plus de 2’000 ans, ou sur l’optimum médiéval.
Changez le curseur et vous changerez votre regard sur le réchauffement.
Commentaires
"elle est même devenue exponentielle" Erreur, cette croissance est de toute façon exponentielle dès le départ...
Serait-ce les célèbres changements d'horaires ,heures d'été et d'hiver qui embrouillent certains esprits? il ne faut pas oublier que l'été officiel ne commence que le 21 juin
Certains prétendent que le signe du poissons aurait disparu du zodiac mais bon comme tout invention est prétexte pour vendre ceci ou cela ,cherchons à qui profite *ce crime dirait* ce cher Watson
Sérieusement Géo? Pourtant quand on regarde la courbe de croissance elle monte soudain au XXe siècle. Elle s'est accélérée.
Ahem...merci de regarder le graphique à droite...
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fonction_exponentielle
Placer le curseur de départ à une période, sur laquelle on est bien documenté: pourquoi pas ? Ca relativise les fluctuations, très certainement.
J'imagine que les relevés significatifs, permettant de bonnes comparaisons sont faits depuis longtemps.
Les événements ponctuels n'étaient pas plus significatifs en 1607 qu'en 2015. Toute la question porte sur la fréquence et l'impact sur la vie des hommes. Si depuis cette époque, les habitants des côtes de la Mer du Nord ont beaucoup modifié la topologie des lieux, la comparaison des catastrophes est moins simple.
Le GIEC n'est pas la seule référence dans ce domaine et prenant en compte cette seule organisation, on passerait peut-être à côté de la complexité de la situation.
Certaines régions et populations vivent les changements même ponctuels plus difficilement que d'autres. Nous avons beaucoup de chance ici, étant peu touchés. Nous serons peut-être même gagnants dans cette histoire, dont les tenants et aboutissants nous échappent. En Suisse, nous sommes en bonne position pour gérer les ressources en eau douce.
Ceux qui s'adaptent le plus rapidement et qui ont les moyens de le faire seront de toute façon gagnants.
Est-ce que des options politiques favorisant des économies d'énergie, des changements de fonctionnement et une approche innovante sont forcément des actes liberticides et excessifs ?
Gouverner, c'est prévoir, parait-il.
Je ne crois pas du tout qu'on nous frustrera avant l'heure. Les décisions se prendront à la petite semaine et on se débrouillera sur le moment.
A mes yeux, mieux vaut vivre dans des pays riches et bien organisés, qui imposent des normes et standards, plutôt que dans des endroits, où personne n'oblige à se prémunir, ni à consacrer des deniers publics ou privés à des opérations de réduction de risques.
Pensons simplement au Népal, où les tremblements de terre, très probables, n'ont pas été anticipés par des normes de construction ou des dépenses prioritaires pour la mise-en-place de structures de secours efficaces. On a laissé les habitants tranquilles avec des chicaneries et des principe de précaution. Là, il est trop tard pour s'en mordre les doigts.
Bonjour Calendula,
C'est en effet utile d'avoir des valeurs de références. Il y en a une qui semble figurer sur le premier tableau: la résultante des variation, soit la ligne horizontale (je suppose qu'il s'agit de la moyenne de 15° attribuée à l'atmosphère terrestre). Mais les variations montrent que les humains ne vivent pas selon cette empreinte, ou seulement pendant de courtes périodes entre les variations. La variation est la norme.
En regardant le deuxième tableau on peut extrapoler que nous sommes en phase de rattrapage par rapport au passé climatique. La Terre se réchauffe après avoir eu froid! Et au vu du passé, dont l'appréciation peut laisser des marges mais avec néanmoins un certain degré de justesse, la température moyenne peut encore monter sans que cela ne soit hors des limites dans lesquelles les grandes civilisations se sont développées.
En effet l'implantation de groupes humains a modifié nombre de topologies. J'imagine que cela a dû être déjà le cas dans le passé, mais avec moins de technologie qu'aujourd'hui. Devra-t-on un jour déplacer certaines villes côtières? Pourquoi pas?
Gouverner c'est prévoir, et il incombe en effet au pouvoir délégué de préserver un mode de vie. Jusqu'à un point. Mais cela ne change pas le paradigme apocalyptique. Le Népal? Cela recommencera, et probablement en pire au vu de l'activité tectonique. Oui, il vaut mieux vivre dans des pays organisés, et l'on ne peut que souhaiter aux autres pays de s'organiser.
Je reviendrai dans un prochain billet sur la manière dont certains producteurs s'adaptent au réchauffement.
"Le Népal? Cela recommencera, et probablement en pire au vu de l'activité tectonique." Pourquoi en pire ? Et ne faisons pas trop les malins. Les hasards de la géographie humaine suisse a fait que la chimie la plus dangereuse s'est établie dans les zones les plus dangereuses sismiquement parlant : le Valais et Bâle...
Merci pour votre réponse, qui me permet de préciser un peu ce que je voulais dire hier.
Les graphiques que vous présentez sont forcément approximatifs et se basent, si j'ai bien lu, sur des "carrotages" de glaces au Groenland. L'interprétation, à postériori, est certainement plus simple que l'anticipation de l'avenir !
Le Groenland était vert dans la zone côtière au moins et à une époque pas si ancienne, puisque le nom l'atteste encore de nos jours. Le climat était donc vraiment plus chaud.
Il serait intéressant de savoir, quelles étaient les températures à nos latitudes, il y a 3500 env., lorsqu'il faisait env. 18 °C au Groenland. Quelle était la densité démographique, quel impact sur l'utilisation de l'eau, du bois de chauffage, quelles superficies cultivées avec quelle charge sur les ressources ? La mortalité était certainement très élevée et les hommes s'adaptaient en migrant à la recherche de conditions de vie les moins mauvaises possibles. (les invasions barbares, p.ex.)
A mes yeux, l'impact de variations climatiques naturelles sur une population planétaire de p.ex.1 milliard d'individus n'est pas comparable avec notre situation actuelle, où les zones habitables sont très peuplées et avec notre mode de vie qui génère malgré tout beaucoup de déchets de toutes sortes. Le "toujours plus" me semble devoir se heurter à des limites non-négociables.
Même si je suis d'accord de douter sur la responsabilité de l'intense activité humaine, je ne peux pas imaginer qu'elle n'aurait aucune influence sur les modifications constatées, p.ex. en ce qui concerne les trous dans la couche d'ozone autour du pôle Sud.
On s'adaptera, forcément. Beaucoup de producteurs le font déjà, car chez nous on est capables de le faire. L'infrastructure le permet et parfois, il y a même des structures étatiques ou légales qui encouragent l'innovation.
A mon avis, ce n'est pas tant la désignation des responsables directs de la plus grosse pollution et de la plus grosse charge sur les ressources qui devrait nous chiffonner(et on les connaît de toute façon, mais comme ces pays-là sont très puissants, difficile de les influencer). On devrait juste se demander quelles sont les meilleures façons d'organiser et de gérer la situation présente. Et nous ne pouvons pas faire ça tout seul en Suisse, ni même en Europe, puisque tout est interconnecté.
Et c'est là que ça coince : chaque pays pense avoir le droit de ne rien changer à son mode de vie, de ne pas devoir faire d'effort ou de demander une certaine discipline de la part de ses habitants.
J'ai entendu et lu que l'ampleur de la pollution de l'air en Chine est tel et l'impact sur la santé de la population si négative, que leur modèle industriel peut être sévèrement revu, simplement parce que la population finira par se révolter. Les personnes directement impactées par l'opacité de l'air ne se posent pas la question de savoir si c'est naturel ou pas, la réalité est trop évidente.
Changer de curseur mais non Michelin à tout prévu .Des pneus capables de vous porter par dessus les montagnes de glace s'abattant sur votre voiture,idem pour passer par dessus des cadavres d'animaux tombés du ciel sans compter bien d'autres inconvénients climatiques ,mieux cela ne pourra jamais, foi de Michelin!
@ Géo: en pire - probablement - car la tectonique de la région est particulièrement active et secouante. En comparaison le Valais n'a pas connu de très fort séisme, du moins à ce que l'on en sait.
"le Valais n'a pas connu de très fort séisme". C'est précisément ce qui est inquiétant. Et je ne plaisante pas...
Plus le temps passe, plus les contraintes deviennent fortes. Et plus fort le tremblement quand un des compartiments de la faille bouge.
Vous avez déjà patiné sur le lac de Joux le soir au clair de lune ? La glace se resserre et cela craque de partout. Un collègue sud-africain me racontait
qu'au fond de la mine de trois mille mètres de profondeur où il a travaillé (le gradient thermique est de 30°C par mille mètres...), les craquements sont continuels. Parfois, cela s'arrête et là, cela devient très, très inquiétant. Il pourrait très bien advenir un séisme majeur sur la zone Sierre - Martigny, ni vous ni moi ni personne ne peut prétendre que c'est exclu...
Par contre, oui, cela va continuer au Népal, mais personne ne peut dire en pire ou en plus faible...