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Crimes d’honneur : vote historique au Pakistan

Il aura fallu un meurtre de plus pour qu’enfin le parlement pakistanais sanctionne les exécutions familiales. La victime s’appelait Qandeel Baloch (Fouzia Azeem de son vrai nom). Elle était surnommée la Kim Kardashian pakistanaise.

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Madame Kardashian n’est peut-être pas la plus haute référence culturelle et intellectuelle (ou physique) possible. Peu importe ici. Qandeel avait choisi les réseaux sociaux pour provoquer la société de son pays et les traditions familiales.

Ses prestations en vidéo sur le net n’ont rien de très particulier pour nous occidentaux, habitués aux selfies, aux corps féminins dénudés, au sociologic business sur le net. Elle était d’ailleurs le soutien financier de sa famille.

Mais si la Kardashian inquiète plus par l’énorme fortune amassée avec si peu de sens et d’intérêt de ses prestations, Qandeel Baloch (images 1 et 2) prenait de réels risques dans la société pakistanaise. La menace est venue de son propre frère qui a décidé de la tuer pour défendre l’honneur de sa famille. Il l’a étranglée sur le toit de la maison familiale, aux yeux de tous. 

« Interviewé par la télévision lors de son arrestation, ce dernier se disait «fier» de l’assassinat au nom de «l’honneur de la famille». 

 

 

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Cette tradition n’est pas liée à la religion. Elle est culturelle et des chrétiens, comme des musulmans, s’y soumettent, comme l’explique Libération. En général ces crimes sont sanctionnés par le paiement d’un montant d’environ 1’500 €. Mais ici « … son père réclamait justice, rompant avec la tradition du «pardon» qui permet aux auteurs de ce type de crimes d’échapper à un procès si la famille de la victime accepte des excuses ou un arrangement financier. »

Parce que le père a refusé tout arrangement avec son propre fils, parce qu’il a soutenu sa fille contre son fils, l’affaire est devenue nationale et politique. Dorénavant le crime d’honneur est puni automatiquement de plus de 12 ans de prison au Pakistan. Ce vote historique qui bouscule les traditions locales a été décidé à l’unanimité des parlementaires.

La mise en application de cette décision prendra encore du temps mais elle marque un tournant symbolique: celui de la prééminence de la justice d’État sur la tradition de clan. Il ne s’agit plus d’un crime privé sous l’autorité des seules familles. La protection de l’humain passe désormais avant la tradition familiale au Pakistan.

 

 

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Les traditions ont une raison d’être pour le groupe qui les instaure et les reproduit. La famille et le clan ont été longtemps des encadrements supérieurs à la volonté individuelle. Rappelons-nous par exemple que l’écrivain français et penseur Denis Diderot, le moderne du siècle des Lumières, auteur de La Religieuse, devait obéir à son père. Pour contourner cette obligation il épousa sa femme en cachette – à 30 ans! 

Au Pakistan les fils sont également soumis à la volonté parentale et peuvent aussi être victimes d’exécutions familiales (c’est environ dix fois moins souvent le cas). De plus la tradition est endossée par les femmes comme par les hommes et il n’est pas rare que cette exécution familiale soit assurée par les mères.

En occident nous avons une nouvelle tradition. La liberté individuelle, soutenue par les institutions d’État, a pris l’avantage sur les injonctions parentales. La famille ne joue plus un rôle aussi fort qu’avant. Il n’y a plus guère de patrimoine ou de territoire familial et clanique à défendre. 

Et pas de fils ou de fille à tuer.

 

 

 

 

Catégories : Philosophie, société 8 commentaires

Commentaires

  • Ce que je trouve formidable, Homme Libre, c'est que son père se soit décidé à réclamer justice pour elle malgré des traditions sociétales aussi fortes et présentes. Justice pour elle!

  • En effet Nick.

  • Ce père est effectivement admirable.
    Dans ce cas précis, la configuration familiale a quelque chose qui rappelle l'univers des tragédies grecques.
    (Le côté financier de l'affaire ramène l'affaire à un niveau moins héroïque, s'il est vrai que la jeune femme apportait un soutien financier réel à sa famille avec ses activités sur le net. Alors, les 1500 euros ponctuels ...)
    Je peux imaginer que dans un pays comme le Pakistan, c'est un avantage d'être un homme pour faire changer la loi. Les femmes, victimes majoritaires des crimes d'honneur, ne font certainement pas le poids au niveau de l'initiative individuelle face aux législateurs.
    Ensuite, il faudra voir, ce que cela donnera sur le terrain. Cette loi sera-t-elle dissuasive et sera-t-elle réellement appliquée ?

    Le billet donne a penser que les femmes sont au fond complices et donc également responsables du système des crimes d'honneur.( "De plus la tradition est endossée par les femmes comme par les hommes et il n’est pas rare que cette exécution familiale soit assurée par les mères.") On est un peu dans la même configuration qu'avec l'excision : des femmes imposent des lois délétères à d'autres femmes par une sorte de fatalisme borné. Là, il n'y a guère que l'instruction qui pourra donner de nouvelles perspectives aux femmes, comme aux hommes.
    La tradition est un facteur impérieux de cohérence sociale, et lorsqu'elle repose sur des préceptes religieux, elle est d'autant plus forte et moins attentive aux individus et à des droits minimaux.
    Vous êtes une femme ? Tant pis, ça va se passer ainsi dans une situation donnée. On ne discute pas.
    Vous êtes un homme ? OK, voici ce que vous devez faire, si non vous êtes un lâche !

    Si on repense à l'univers de la tragédie grecque, qui nous est probablement un peu plus familière que le système pakistanais, on voit des personnages représentés en prise avec des situations et des choix qui les dépassent et les dieux sont présents avec leurs exigences et aussi leurs manigances.

    Que mettra-t-on réellement à la place d'une tradition ancestrale cruelle ?
    Il faudra apprendre à gérer un conflit d'honneur familial avec d'autres moyens que l'assassinat.
    Et puis : qu'est-ce que c'est que l'honneur ? En quoi serais-je déshonoré par des actes de ma sœur ou de mon enfant adulte, au point de devoir tuer ?
    Ça va demander un changement profond pour certains, mais d'autres auront déjà passé le cap, puisqu'il s'est trouvé une majorité au parlement pour voter au moins une loi plus sévère.

  • Excellente explication de teste - merci à Calendula...
    Mais COMMENT les aider ?? si ce n'est les tribunaux de leur pays, TOUS machistes....DESEPERANT........

  • lacroix,

    Merci pour votre lecture.
    Comment les aider ? C'est compliqué, parce qu'il faudrait déjà être sûrs de détenir une sorte de capacité à aider, une légitimité. Et puis, il faudrait qu'il y ait demande.
    Personnellement, je pense que nous devons déjà être cohérents chez nous, dans nos pays occidentaux, et veiller à ce que nous respections les lois, les fassions appliquer et que nous ne passions pas des délits comme des crimes d'honneur, des excisions, des mariages forcés sous silence.
    A mon modeste niveau, j'essaye de soutenir financièrement des projets d'écoles pour filles et garçons. Il faut essayer de bien choisir les organisations, pour pouvoir espérer que ce soit fait avec sérieux et que l'argent ne se perde pas.

  • Tous les crimes "d'honneur " sont dus au fanatisme religieux. Je ne crois pas qu'une loi y mettra un terme. Ce sont les mentalités qu'il faudrait changer, et là bonne chance....... vu le taux d'analphabétisme dans ces pays.

  • C'est un pas dans la bonne direction. C'est la bonne chose à faire. Comme il est dit, avant, on pouvait s'arranger. Les meurtriers pouvaient payer une amende. Maintenant, espérons que le père a ouvert la voie à plus de parents, hommes comme femmes, frères comme soeurs, qui ne seront pas disposés à laisser impuni le crime que subissent ces pakistanaises et pakistanais, mais qui demanderont justice, ou sentence équivalente: une vie pour une vie.

    L'absence d'impunité devrait en dissuader plus d'un.

  • Ce vote est un très grand pas en avant. Félicitations au père de cette malheureuse Pakistanaise !

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