Autrefois admiré, il est devenu le mouton noir de la politique. Quoi qu’il fasse, même de l’humour, il est diabolisé. Ce n’est pas Jean-Luc Mélenchon, au caractère ombrageux. Ni François Hollande, hors course et sondages au plancher, ni même Nicolas Sarkozy.
Robert Ménard, co-fondateur de Reporters sans frontières, anciennement de gauche mais déçu et fâché avec elle, s’est rapproché des thèses du Front National. En particulier sur l’immigration. Or en France ce thème, chasse gardée morale de la gauche mondialiste, est réputé intouchable. L’amour du prochain est aveugle et le débat sur la préférence nationale serait empoisonné.
En 2011 il affirmait:
« Je ne voterai pas Front national mais je pense que ce parti, qui doit être considéré comme républicain aussi longtemps qu’il ne sera pas interdit, doit bénéficier du droit à la liberté d’expression. Je dirais la même chose du Front de gauche ou de la Ligue communiste révolutionnaire. Défendre la liberté d’expression n’est pas défendre l’extrême droite. »
Élu maire de Béziers en 2014 il a aligné quelques provocations. La dernière en date a fait le buzz, comme souvent. Il s’agit du soutien qu’il a montré au TGV Occitania, un projet de ligne à grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse. Projet d’ailleurs largement soutenu par l’ensemble des élus de la région.
Pour frapper les esprits, Ménard a fait dans l’humour décalé. L’affiche (image 1) est évidemment provocante. Une femme attachée sur les rails panique à l’arrivée d’une locomotive à vapeur. Le texte dit qu’avec un train plus rapide elle aurait moins le temps de souffrir.
La levée de boucliers a été générale. Ménard aurait versé dans « l’ignoble » et « l’odieux » selon la gauche morale – en particulier l’ancienne ministre des droits des femmes (concept purement démagogique), Laurence Rossignol, qui a même porté plainte auprès du Procureur de Béziers. Il ne manque que « nauséabond » pour que le vocabulaire bêtifiant et excluant soit complet.
Pierre Pouëssel, préfet de l’Hérault, ajoute de son côté: « Le maire de Béziers a, une nouvelle fois, lancé une campagne d’affichage marquée au sceau de la vulgarité. Il se sert du corps de la femme pour faire passer des messages populistes et la met en scène en victime de violences.
Alors qu’une femme sur trois est victime de violences au cours de sa vie, M. Ménard ne mesure toujours pas la souffrance physique et psychologique qu’engendrent ces atteintes à leur intégrité, pas plus que la mobilisation contre ces violences faites aux femmes qui est une priorité du gouvernement. »
Le chiffre est bien dans la doxa maximaliste actuelle, mais invérifiable comme d’habitude.
Les moralistes se déchaînent à bas prix, car il n’y a vraiment pas de quoi en faire un fromage. Dans les années 1970 la pub de Charles Jourdan (image 2) n’avait pas fait scandale. Mais la victimisation féminine est un dogme dont on ne s’affranchit pas facilement. La violence faite aux femmes, vaste généralisation communautariste et exclusive, est passée par là. Au point ou « Mardi, le Collectif national pour les droits des femmes, a annoncé avoir introduit un référé liberté contre le RobertMénard pour faire retirer en urgence les affiches. »
Ménard affirme ne pas être au courant d’un horrible fait divers survenu en juin dernier: « Début juin 2017, un homme a tué sa compagne âgée de 34 ans en l’attachant sur les voies ferrées à l’approche d'un train, avant de se suicider. »
Le rapprochement est certes cruel. Mais cette image d’une femme attachée sur des rails fait partie d’une iconographie héritée du western, univers auquel Robert Ménard se réfère en justifiant cette affiche. Il ajoute qu’il ne voit pas vraiment de différence entre l’image de son affiche et celle qui illustre une chanson de Taylor Swift sortie en 2011, Mean (image 3).
Cette iconographie humoristique est ancienne et figure parfois dans des bandes dessinées ou des films. Pourtant aucun groupe féministe, aucun ministre communautariste de genre n’a réagi à l’image de Mean. La même image n’aurait donc pas la même valeur selon par qui elle est présentée? Dit autrement: ce n’est pas l’image elle-même qui pose problème, mais la personne qui s’y réfère?
La confusion intellectuelle, l’esprit partisan et la culture victimaire font le bonheur des culs serrés. Que l’on soit pour ou contre les thèses de Ménard, il faut reconnaître qu’ici il a fait fort. Et ne pas y voir de second degré est une malhonnêteté intellectuelle crasse.
Cette levée de boucliers par le Camp du Bien est d’autant plus amusante qu’en général ce sont des hommes, et non des femmes, qui finissaient ligotés sur les rails. Ou traînés derrière un cheval jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Ah mais, ça c’est normal: ce sont des hommes.
Commentaires
C'est de l'humour Hara-kiri. C'est vrai que Choron est mort, Cavanna est mort, Reiser est mort, etc, etc...
Ils sont tous Charlie mais pensent que c'est une revue de boy-scout...
Quitte à me répéter, nous nous contentions autrefois de juger que quelque chose était de mauvais goût ou simplement idiot (généralement exprimé par un adjectif de tous lettres que je n'utilise pas étant donné ses connotations machistes).
Il est vrai aussi qu'en matière d'idéologie la panoplie était moins vaste et qu'il y avait moins de causes pour moins d'avocats.