Cinq jours après avoir été lancée, et relayée par une Juliette X très sûre d’elle sur C Politique, la rumeur du blessé grave caché par la préfecture se dégonfle. Hier on apprenait que l’un des principaux témoins s’est rétracté. Il n’y a pas eu de blessé grave.
Vendredi 20 avril la police fait évacuer la fac parisienne de Tolbiac. Dans la journée une rumeur commence à courir: il y aurait un blessé grave et introuvable. Des témoins ont vu une très grande flaque de sang. D’autres, une équipe de nettoyage de la ville effacer rapidement le sang.
La préfecture de Paris et les hôpitaux sollicités ont déclaré qu’aucun blessé grave n’a été amené en soins. Où est ce martyr potentiel? On le cherche partout. Mais on ne le trouve pas. Disparu!
On soupçonne le Pouvoir de cacher la merde au chat, par crainte de voir l’opinion se retourner contre lui.
Le 22 avril, soit le lendemain, Juliette X (elle a demandé à ce que son nom ne soit pas divulgué publiquement), réaffirme l’incident sur C Politique.
« On maintient ces accusations parce qu’on a des témoignages qui se recoupent, des témoignages nombreux qui se recoupent pour dire qu’il y a eu un blessé grave, qu’il y avait une flaque de sang qui a été visible… il y a des témoignages qui se recoupent. Après je ne vais pas dire exactement lesquels, etc, souvent ce sont des témoignages qui sont précaires, c’est difficile. Mais on est en contact avec des journalistes, avec des avocats, et nous on fait face à un mutisme complet de la part de la préfecture de police. »
À la question du journaliste: la préfecture et la ville de Paris mentent-ils, Juliette répond:
« C’est ce que je constate, tout-à-fait. »
Je précise que Juliette soutient ailleurs une idéologie de néo-apartheid: ségrégationniste, communautariste et racialiste, et défend l’interdiction de certaines réunions aux hommes blancs hétérosexuels:
« L’étudiante applique ensuite le même principe aux AG «en non-mixité de genre» : «c’est organisé par des femmes et des minorités de genre pour parler des oppressions et du sexisme, pour libérer la parole en dehors de tout ce qui est les hommes cis blancs qui peuvent être des oppresseurs. »
Ici, trois jours après l’évacuation, elle valide la rumeur du blessé grave alors que rien ne confirme l’info. Elle dispose de témoignages, certes précaires dit-elle. Mais assez sûrs pour prendre le risque d’alimenter la polémique en direct sur deux plateaux de télévision et pour accuser implicitement les autorités de complot.
Le journal en ligne Reporterre, fondé et dirigé par un journaliste très marqué à gauche, Hervé Kempf, a lui aussi plongé dans la rumeur. Le Média, journal de La France Insoumise de Mélenchon, en a rajouté, parlant d’un blessé dans le coma.
Voyons ces témoignages rapportés sur le site Reporterre sans aucune vérification journalistique minimale. Plusieurs ont été faits par des SDF qui vivaient dans la fac avec les étudiants grévistes, et que l’on n’a plus retrouvé depuis:
« … le blessé était Noir. (…) « Quand t’es français, ils te disent : “Avancez, avancez”, et te laissent tranquilles. Quand t’es pas français, ils profitent que tu passes devant eux pour te mettre un poing dans le ventre. Ça fait putain de mal… »
Un peu de prétendu racisme, ça ne fait pas de mal. Et cet autre « témoin » de rajouter:
« Un camarade a voulu enjamber le parapet pour se laisser glisser le long du mur. Un baqueux lui a chopé la cheville. Ç’a l’a déséquilibré, et le camarade est tombé du haut du toit, en plein sur le nez. On a voulu le réanimer. Il ne bougeait pas. Du sang sortait de ses oreilles… (…) Emmené par les pompiers, dans un état d’inconscience, on ne sait pas dans quel hôpital il se trouve. (…) « Les enfoirés ! Ils ont effacé toutes les traces de sang ! »
Les grands médias s’emparent de l’affaire et reprennent à leur compte le supposé coma très profond d’un étudiant entre la vie et la mort.
Mais hier Libé, qui a enquêté de son côté, racontait une toute autre version:
« Quant au troisième témoin de Reporterre, celui qui a vu la flaque, les étudiants ignorent qui il est. On apprendra par la suite qu’il s'agit de Leïla, l’étudiante qui racontait au Média que «la première chose qu’on a vue [...], c’est un gars devant les grilles, la tête complètement explosée, une flaque de sang énorme». Contactée par Libération, elle reconnaît pourtant avoir menti... tout en continuant d’affirmer qu’il y a bien eu un blessé grave. Mais elle ne l’a pas vu. »
En somme Leïla (image 3, et 5 avec ses amis de l’ultra-gauche parisienne), publiée sur Le Média mélenchonniste, est l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours (à voir sur Twitter ou sur Facebook). Une actrice géniale. On la croirait.
Reporterre, qui a le premier relayé ces témoignages, continue à enquêter. Aujourd’hui le média reconnaît que les témoignages étaient « fallacieux »:
« Disons-le tout net : après trois jours d’enquête, les témoignages décrivant comment la police aurait causé un blessé grave lors de l’évacuation de la faculté de Tolbiac, vendredi 20 avril, se révèlent fallacieux. »
Fallacieux? Selon le cnrtl.fr: « Qui cherche à tromper, qui est destiné à induire en erreur. » Reporterre aurait pu être plus prudent dans le lancement de cette fake news, mais reconnaissons qu’il fait aujourd’hui amende honorable.
« Fallacieux » témoignages... Stratégie de la tension, fake news: les politiciens français de demain commencent fort.
Et Juliette X? Une autre fois elle prendra peut-être le temps de vérifier avant de croire des personnes qui au final se révèlent peu fiables.
En attendant, adieu le blessé qui n’existait pas. Et bonjour au commentaire de Raphaël Enthoven: « L’étudiant blessé qu’on invente, c’est peut-être le mort que l’on souhaite ».
Adieu Leïla, étudiante à Tolbiac, adepte de Mélenchon. Elle qui a sinon inventé, du moins relayé et médiatisé un supposé coma augmenté d’une hémorragie interne.
Et adieu, Juliette. Un peu de prudence aurait été de mise. Des conditionnels, des peut-être. Choisie comme représentante du mouvement elle a été propulsée en première ligne médiatique. Malheureusement elle a imprudemment relayé une fake news.
Elle est jeune et je lui laisse le bénéfice de la maturation. Elle apprendra de cet incident, si elle parvient à relativiser la parole et l’influence de ceux qui l’ont formatée. Elle est jeune. Elle évoluera.
Peut-être.
Juliette et le blessé invisible, à 0'55'':
Commentaires
Comme enseignant à Tolbiac, je suis bien triste pour Juliette, que j'ai eue comme étudiante en travaux dirigés il n'y a pas si longtemps.
C'était une étudiante sérieuse, douée et appliquée, et il est infiniment regrettable qu'elle en soit venue à se répandre ainsi en inepties dans tous les lieux imaginables.
@ Un enseignant à Tolbiac:
Je vous comprends. Cela ne sert d'ailleurs à rien de l'accabler. Elle est probablement assez mal aujourd'hui, elle doit assumer quelque chose de difficile.