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Pour les Inrocks, tous les migrants sont des héros

Le discours politique français s’enrichit d’un nouveau mot. On connaissait déjà nauséabond, utilisé pour discréditer un adversaire politique quand on n’a plus d’arguments, ou quand on veut le stigmatiser. Mais oubliez nauséabond: le magazine branché Les Inrocks vient d’inventer spongieux.

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Nauséabond se dit d’une odeur qui provoque des nausées, qui écoeure. Ça rappelle le Chirac de 1991 quand il parlait des voisins immigrés:

« Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur, eh bien le travailleur français sur le palier devient fou. »

Dix ans auparavant, en 1981, le communiste Georges Marchais avait déjà lancé l’alerte, sans succès, sur la question du nombre de migrants accueillis en France: 

« En raison de la présence en France de près de quatre millions et demi de travailleurs immigrés et de membres de leurs familles, la poursuite de l’immigration pose aujourd’hui de graves problèmes. Il faut stopper l’immigration officielle et clandestine. »

Le mot magique nauséabond permet d’éviter toute confrontation d’idées et de conception avec l’Autre, le différent. Le jugement moral et la stigmatisation, la mise au ban de la société, sont des moyens d’exclure de la communauté morale ceux qui ne pensent pas comme il faut. Les pourfendeurs du nauséabond sont entre eux avec leur langage. Ils tentent même d’être viscéraux, comme pour légitimer leur posture par une sorte d’instinct primaire: en effet nauséabond fait appel à un réflexe physique vomitif – et excluant – du plus terrible effet.

Nauséabond est généralement utilisé quand on parle d’immigration en étant otage du jugement public et des bons sentiments. La gauche des Inrocks montre un peu plus sa soumission à une morale publique très convenue, trop peu réfléchie. Elle s’arc-boute contre tout discours limitatif sur l’immigration, peut-être par besoin identitaire: opposition à la droite ou l’extrême-droite, crainte d’être identifiée à celles-ci, plus qu’en raison d’une analyse dépassionnée. Le sujet est clivant et marque les camps. 

 

  

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Mais jusque là cette gauche n’avait pas encore dégommé Michel Rocard. Pourtant il avait osé braver le dogme de la « France, terre d’accueil ». C’était en 1981. L’ancien Premier ministre déclarait:

« Il y a, en effet, dans le monde trop de drames, de pauvreté, de famine pour que l’Europe et la France puissent accueillir tous ceux que la misère pousse vers elles. »

En inscrivant la misère dans une globalité mondiale, il avait réussi à valider l’idée que le grand nombre est accablant pour la France ou l’Europe. Presque en même temps, François Mitterrand déclarait sans ambages que le seuil de tolérance des Français à l’égard des étrangers avait été atteint. Pour mémoire:

« - Justement, monsieur Mitterrand, est-ce que vous acceptez, comme une grande majorité de Français, cette notion qu’il y a en fait un seuil de tolérance ? Est-ce que c’est une notion que vous acceptez ?

- Ne me demandez pas mon avis sur le caractère moral, bien que j’aie quelque opinion, mais le seuil de tolérance a été atteint dès les années 1970 où il y avait déjà 4100000 à 4200000 cartes de séjour à partir de 1982. » 

« On ne peut accueillir toute la misère du monde. » Michel Rocard avait ainsi relégitimé l’action de l’État et justifié une régulation des flux de population. Comme personne n’osait tacler l’ancien Premier ministre à cause de la stature intellectuelle et morale qu’on lui accordait, la phrase est restée en vigueur jusqu’à Mamoudou Gassama. Mais aujourd’hui les Inrocks dégagent Rocard.

 

 

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Le journaliste Pierre Siankowski écrit en effet, en date du 29 mai:

« L’acte de Mamoudou Gassama vient détruire le discours spongieux et dégoûtant de ceux qui ressassent l’éternel argument de la “misère du monde”, des “quotas” ou autres stupidités. »

Spongieux remplacera-t-il nauséabond dans le discours de stigmatisation et d’exclusion? On verra. En l’état, l’adjectif spongieux est peu signifiant. Mais, associé à dégoûtant, on imagine volontiers un cloaque.

Faut-il déréguler l’immigration, comme les Inrocks le laissent implicitement penser, ou comme d’autres à l’extrême gauche en font profession de foi? Ou comme le suggère implicitement Jacques Toubon, défenseur des Droits, quand il prône en 2017 un devoir « d’accueil inconditionnel »? Le sentimentalisme qui sous-tend cette déclaration et le jugement moral négatif sont-ils devenus la règle? Ou est-il permis de penser autrement sans être traité de noms d’oiseaux?

Pas pour les Inrocks. Le magazine branché ne craint d’ailleurs pas la surenchère. Il élargit le concept et se déclare admiratif de « tous ces héros, qui ont choisi de quitter leur pays et de remettre leur existence en jeu pour tenter d’obtenir le droit de mener une vie meilleure, ailleurs et loin de chez eux. »

Les migrants illégaux qui tentent leur chance en Europe seraient donc des héros. Parce qu’ils risquent leur vie dans leur périple.

 

 

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Mais qu’est-ce qu’un héros? « Homme, femme qui incarne dans un certain système de valeurs un idéal de force d’âme et d’élévation morale », « Homme, femme qui fait preuve, dans certaines circonstances, d'une grande abnégation » (cnrtl.fr).

Dans l’acception courante du terme, un héros n’agit pas seulement pour soi. Il se met au service d’une cause qui le dépasse. Or ici les migrants ne se mobilisent pas pour une cause moralement supérieure mais pour disposer de conditions économiques meilleures que dans leurs pays d’origine.

Je relève que certains des médias qui aujourd’hui célèbrent le héros, représentent des milieux politiques et culturels qui, depuis trente ans au moins, démolissent la notion même de héros et d’héroïsme. On est en droit de se demander quelle boussole ils suivent.

Les Inrocks sont étonnamment spongieux avec les idées délétères et la haine de soi occidentale. Et peu regardants du fait que ces migrants vont manquer à leur pays et les maintenir dans une dépendance de l’occident.

Je ne soutiens ni un verrouillage total des frontières ni une dérégulation illimitée. Les échanges de populations et de cultures sont choses positives quand ils sont mesurés à l’aune du ressenti des autochtones et des moyens d’accueil et de subsistance à disposition. Je considère que dans une migration il y a le migrant et l’accueillant. Rien ne justifie que la réalité et le ressenti de l’accueillant soient méprisés ou stigmatisés quand il suggère de poser des limites numériques à une migration.

 

 

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Cette question régalienne doit être traitée avec rationalité, pas avec des jugements moraux. D’ailleurs, les Inrocks seraient probablement mal à l’aise si on leur demandait « Combien? » de migrants il est souhaitable d’accueillir. Car tout est là: combien?

Et en corollaire: lesquels? Pour éviter la constitution de vastes poches communautaristes et faciliter leur intégration, il est souhaitable de diversifier l’origine des demandeurs.

Par des propos déraisonnables et paternalistes, les Inrocks encouragent d’autres migrants à braver les lois pour venir en Europe et soit se noyer en route, soit y vivoter sans perspective d’avenir pour la plupart.

Les journalistes des Inrocks ne réalisent-ils pas que leur sollicitude valide un peu plus la dépendance de l’Afrique à l’égard du reste du monde et alimente l’image d’un continent définitivement sous perfusion? Est-il encore possible d’envisager une Afrique indépendante et prospère, offrant subsistance et avenir à ses populations? Ou doit-on, par une expression compatissante et misérabiliste, parler encore de cette « pauvre Afrique »? Quelle tristesse.

Pendant ce temps la traite d’êtres humains prospère et les trafiquants du désert et de la mer s’enrichissent.

 

 

 

Catégories : Politique 7 commentaires

Commentaires

  • L'Europe devient une Afrique bis avec le niveau de vie qui va avec...

  • Installez-vous en Pologne ou en Hongrie, garantis ohne réfugiés.

  • Quel plaisir de lire une dénonciation de ces facilités qui consistent à remplacer des arguments intellectuels par du vocabulaire tiré du monde des sens, presque toujours les plus proches de ce qu'il y a d'animal en nous, les odeurs et les sensations tactiles.

  • Autrement dit, l’Afrique est foutue, il ne sert à rien d’espérer quoi que ce soit.

    La seule issue est l’immigration. L’homme blanc chrétien est la seule planche de salut.
    Ce n’est pas raciste, puisque ce sont Les Inrocks qui le disent.

  • @ Arnica: cela revient en effet, implicitement, à cela.
    Le journaliste ne réalise pas qu'il participe à alimenter ce désespoir.

    @ Mère-Grand: "remplacer des arguments intellectuels par du vocabulaire tiré du monde des sens": très joliment et clairement dit.

  • Les "Inrocks" sont d'un ringard...
    L'Afrique s'avère être un terrain d'avenir pour toutes puissances comme pour leurs habitants - un truc que les pires exploitants ont capté.

    Ce que nombre d'africains formés en HE (hautes écoles) occidentales (US ou françaises ou autres) comprennent dans un sens ou l'autre (soit: exploiter en normes écologiques, en équilibre des ressources, sans abus ni paternalisme - ou l'inverse).

    Pire, diraient quelques survivants des accros aux salaires versés par Bolloré (maître de nombreux ports africains): quantité d'entrepreneurs et ingés hyper diplômés émigrent de France en Afrique pour y développer leurs projets, car ils savent pouvoir les mener à bout, et à court terme

    boostés ces individus, sachant qu'en France, ils se feraient bouffer par l'admin fiscale française. à long terme.

    Décidément ces Inrocks, après leur soutien en glorification d'un chanteur qui a tué sa compagne en la battant, n'ont pas changé leur terrain-cible et se complaisent dans leur business d'exemplaires les plus bas d'une humanité aux semelles trouées.

  • Les Inrocks sont très peu lus, je doute de leur capacité à forger l'esprit des Français. Je doute d'ailleurs de plus en plus que l'ensemble des médias français soient capable d'influencer réellement la pensée en France. A part celle des vieux. Mais les vieux meurent.

    Quant à Mamoudou, son acte héroïque valait bien une invitation à l'Elysée. Et on imaginait mal le Président clore l'entrevue en disant à l'intéressé de se rendre aux policiers l'attendant devant le Palais. Et c'est bien ce qu'il aurait dû faire s'il n'avait pas choisi de le régulariser. Pour le coup, je soutiens donc le choix d'Emmanuel Macron, tout comme celui de ne pas en faire une généralité. Sa politique reste donc spongieuse. Tant pis pour les Inrocks.

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