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Météo extrême aux États-Unis : « le froid c’est le chaud »

Vague de froid historique aux États-Unis? Oh, depuis quelques années elles sont toutes historiques. Historique est un  mot à la mode. Chaque année les incendies en Californie sont historiques. L’ouragan Irma était historique.

froid,hiver,usa,vortex,jet stream,réchauffement,climat,Courant jet et vortex polaire

Chaque événement météorologique est grossi par l’effet loupe. Pourtant les grands froids des hivers états-uniens sont plutôt la norme que l’exception. Pour des raisons simples. D’une part la topographie du pays déroule le tapis blanc aux vagues de froid polaire. Quand elles descendent du cercle arctique aucun océan ne les réchauffe, aucune montagne ne les freine.

De plus leur descente est facilitée par l’anticyclone de Californie qui tourne dans le sens des aiguilles d’une montre. Les Rocheuses contribuent, avec cet anticyclone, à freiner et disloquer le  jet stream, d’où cette situation en image 1 (clic pour agrandir).

Ce courant jet, en gris, tourne à grande vitesse et haute altitude (près de 10’000 mètres) autour du pôle. Plus haut, vers 16’000 mètres, se trouve un autre courant dit « vortex ». Quand le courant jet ondule trop ou se disloque, l’air froid s’engouffre dans la brèche (image 2). Rien de nouveau. Situation classique et connue, que j’ai  documentée ici.

froid,hiver,usa,vortex,jet stream,réchauffement,climat,Pourtant une théorie apparue il y a quelques années revient ces jours. Selon cette théorie le réchauffement de l’atmosphère serait la cause de ces descentes de froid polaire. En décembre 2017 la RTBF affirmait le lien sans aucun doute possible.



Caractère chaotique

Mais en 2019 Science & Avenir retrouve le chemin de la prudence:

« Il y a des indices selon lesquels c’est lié au changement climatique, mais il faut préciser que c’est encore sujet à débat. »

En résumé (image 3) le réchauffement des régions polaires diminue le différentiel de températures d’avec la zone tempérée, ce qui affaiblirait le jet stream. Celui-ci alors laisserait passer les poches d’air froid vers le sud au lieu de les contenir au nord.

froid,hiver,usa,vortex,jet stream,réchauffement,climat,Christophe Cassou, chercheur au CNRS, interrogé pour Le Monde en 2014, déclarait:

« Quand le vortex polaire et le Jet Stream se renforcent, en hiver, ils peuvent présenter un caractère chaotique : ils forment des méandres qui peuvent descendre très au sud. En se déplaçant ainsi, ils laissent alors pénétrer l’air froid vers des latitudes moyennes. »

Se renforcent? Ce n’est pas ce que dit la théorie. Il conclut en l’invalidant encore plus:

« Sous l’effet du changement climatique, les latitudes polaires se réchauffent plus vite que les latitudes moyennes (Europe ou Etats-Unis par exemple). Les différences de températures entre l’Arctique et les latitudes moyennes vont donc diminuer, ce qui devrait affaiblir le vortex polaire.



Le froid c’est le chaud

Sous l’effet de ce réchauffement, le vortex devrait également remonter un peu vers le Nord. La probabilité d’une vague de froid due à une oscillation du vortex, comme celle que connaissent les Etats-Unis, sera donc en théorie plus faible.

Mais dans le même temps, si le vortex polaire s’affaiblit d’ici la fin du siècle, il pourrait également laisser passer de petites descentes d’air arctique vers le sud. Au final, il n’y a pas de consensus scientifique sur la question. »

froid,hiver,usa,vortex,jet stream,réchauffement,climat,La probabilité d’une vague de froid due à l’affaiblissement du courant jet sera donc en théorie plus faible. Le spectateur que nous sommes a donc le choix de croire entre deux explications opposées d’un phénomène naturel. Ou de ne rien croire et de prendre la posture de Saint Thomas: ne croire que ce que l’on voit.


La communication sur le climat et le réchauffement a de quoi faire paniquer et rendre fou. Et pas à cause du danger hypothétique (alors que l’état actuel des températures est proche des modélisations les plus basses et semble stagner depuis 20 ans).

Pour paraphraser Georges Orwell (1984) qui écrivait: « La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage », aujourd’hui on peut dire:

« Le froid c’est le chaud ».

Même si c’est contre-intuitif, plutôt tordu, et si pour le croire, il faut abandonner son sens critique et se masquer à soi-même l’insubmersible étonnement du chercheur profane.


 

P.S.: On note sur l’image 4, graphique des températures moyennes de janvier sur presque 40 ans à Chicago, que les hivers rigoureux ne sont pas exceptionnels – et ici ce ne sont que des moyennes mensuelles n’incluant pas les jours extrêmes.

 

 

 

 

Catégories : Environnement-Climat 3 commentaires

Commentaires

  • Avec les théories ou modèles expliquant les phénomènes climatiques, je me retrouve dans la même perplexité qu'avec les dissertations sur l'économie. C'est à dire totalement larguée.
    Comment y voir clair, puisque les variables sont multiples et qu'on n'arrive pas à anticiper des phénomènes totalement inédits ?
    C'est pour cela que je renonce à me ranger sous une théorie ou l'autre. D'ailleurs, à quoi cela servirait-il ? Si je comprenais tout, par une sorte de fulgurance improbable, est-ce que cela m'avancerait à quelque chose ?
    Il me semble qu'on ne maîtrisera jamais la part d'imprévu. Il faut vivre avec.
    J'ai l'impression de subir l'économie comme je subis la météo ( à ne pas confondre avec le climat, qu'on subit d'ailleurs également). Je vois bien que les glaciers de Suisse reculent de façon très visible de mon vivant, que la grotte de glace de du col de la Furka rétrécit et qu'il fait vraiment chaud en été. Ce sont des certitudes vécues. On est bien impuissants face à ça.
    J'ai remarqué qu'en général, les gens adorent le chaud et détestent le froid. Au fond, on pourrait dire que tout va bien pour la majorité de nos contemporains.

    Cela étant, s'il a effectivement fait entre -20 et -30 ° Celsius au Nord des États-Unis, ce n'est franchement pas incroyable. Si j'ai bien compris, il y a eu des pointes à -50 °C. Il me semble qu'en Sibérie ou en Mongolie, c'est assez courant.
    Je me demande pourquoi on s'émeut d'un phénomène ponctuel en ce qui concerne le froid, s'il n'est pas raisonnable de s'émouvoir d'étés très chauds successifs.

  • "J'ai remarqué qu'en général, les gens adorent le chaud et détestent le froid. Au fond, on pourrait dire que tout va bien pour la majorité de nos contemporains."
    J'ai failli écrire ce commentaire (en général, pas seulement cette phrase), vous l'avez fait bien mieux que moi, merci...

  • @ Géo,

    Parfois, on arrive aux mêmes conclusions, mais en empruntant des chemins différents.
    Vous avez un esprit scientifique et vous appréhendez les choses différemment que moi. C'est donc une vraie surprise que nous puissions être en accord sur un tel thème.
    Bonne journée ensoleillée alors , avec la vue sur la plaine du Chablais ;-)))

    J'ai lu ailleurs que vous avez la vue sur Monthey et les environs.
    Ce panorama m'a toujours semblé foncièrement acceptable, car il inclut la composante industrielle sans laquelle nous ne vivrions pas dans le confort actuel. De plus, il y a l'autoroute et le train qui animent le paysage aussi de façon sonore.
    Bien sûr, on aimerait que tout soit beau et parfaitement aux normes, sans lignes à haute tension et cheminées fumantes et il faut tendre vers ce but. Mais là, on est déjà dans des exigences anti-pollution et c'est un sujet qui fâche.
    J'ai toujours pensé que si on arrivait à diminuer les fumées qui sentent mauvais et dont on sait qu'il ne sont pas inoffensifs pour les poumons, on aura vraiment progressé. Ça pourrait même réduire une toute petite partie des émissions de gaz à effet de serre, qui sait ?
    Je ne vois pas de désavantage majeur à faire comme si on voulait une meilleure qualité de l'air et moins de nuisances en général.
    Je dis " faire comme si" parce que je ne suis toujours pas sûre que tout le monde soit convaincu que c'est important.

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