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Crash : l’insoutenable légèreté de Boeing

Selon le ministre éthiopien des transports Madame Dagmawit Moges, les crashs des deux Boeing 737 Max 8 présentent de troublantes similarités. De son côté Sully,  le capitaine Sullenberger,  héros de l’Hudson, ne mâche pas ses mots.

crash,boeing 737 max 8,ethiopian airlines,sully,airbus,mcasMCAS

Certes l’enquête sur le récent crash ne fait que commencer mais déjà des éléments similaires ont été révélés au public. Ces éléments proviennent à la fois d’observations d’autres pilotes sur le déroulement de la catastrophe, et d’une première lecture des boîtes noires.

Ces premiers éléments semblent fiables mais devront être confirmés. Pour cet appareil amélioré de Boeing le système de stabilisation est pointé du doigt:

« L’enquête sur l’accident de Lion Air a pour le moment mis en cause un dysfonctionnement sur le système de stabilisation en vol destiné à éviter un décrochage de l’avion, le MCAS (Manoeuvering Characteristics Augmentation System).

Le MCAS, conçu spécialement pour les 737 MAX afin de remédier à des moteurs plus gros et plus lourds que ceux équipant les 737 d’ancienne génération, met l’avion en "piqué" lorsque l’appareil est en décrochage afin de regagner de la vitesse. Mais il semblerait que l’appréciation du décrochage soit erronée. »

crash,boeing 737 max 8,ethiopian airlines,sully,airbus,mcasSi l’informatique des deux avions a noté abusivement un décrochage, les appareils ont alors piqué contre l’avis du pilote afin de reprendre de la vitesse. Mais étant en phase de décollage et donc près du sol, ces piqués semblent avoir désorienté les pilotes qui ont perdu la maîtrise des avions.

Cette fonction du 737 Max 8 est mise en oeuvre par le programme informatique contraignant de l’avion. Aussi incroyable que cela paraisse ce risque de décrochage ne semble pas avoir été repéré lors des tests des appareils.



Sully

On peut penser que Boeing devrait tout anticiper, surtout avec l’expérience acquise par l’avionneur. Cela n’a pas été le cas, soit à cause de modèles informatiques défaillants à détecter ce risque, soit pour d’autres raisons. Dès lors on peut penser que l’avion n’était pas prêt à être mis sur le marché.

L’autre raison a été suggérée par Sully. On se souvient du capitaine Chesley B. Sullenberger. Il avait posé son avion sur l’Hudson, sauvant tous les passagers. Clint Eastwood a réalisé un film sur ce héros américain: « Sully » (image 3).

Sur sa page Facebook et relayé par l’agence Sputniknews,  le capitaine met en cause plus particulièrement la formation des pilotes:

crash,boeing 737 max 8,ethiopian airlines,sully,airbus,mcas« Dans un message publié jeudi sur Facebook, le héros du «miracle de l’Hudson River» Chesley B. Sullenberger III a critiqué la mauvaise conception de l’avion Boeing 737 MAX 8, l’incapacité de la société Boeing à réparer ses erreurs et l’extrême insuffisance de la formation des pilotes, essentielle selon lui pour faire face aux cas imprévus.. (…) Il a été signalé que le premier officier sur ce vol n’avait que 200 heures d’expérience en vol, une petite fraction du minimum aux USA, et une quantité ridiculement faible pour quelqu’un dans le cockpit d’un avion de ligne. »

Un expert russe pointe pour sa part la concurrence entre Boeing et Airbus, en cause selon lui dans le manque de finitions du 737 Max 8.


Expérience

Selon Makar Axenenko, ancien pilote militaire et pilote de ligne:

« Il devront finalement résoudre les problèmes de fiabilité des derniers modèles des avions de ligne Boeing, qu’il s’agisse de la fiabilité et des délais de la mise en exploitation du Dreamliner, ou de la fiabilité du 737 MAX. Rappelons que ces deux modèles ont été mis au point avec une hâte incroyable pour rattraper Airbus. »

crash,boeing 737 max 8,ethiopian airlines,sully,airbus,mcasEnfin des pilotes s’étaient déjà exprimé, en désaccord avec la politique de Boeing pour cet appareil:

« Une chose est certaine: avec l’old-fashion cockpit du 737-200 qui fut le mien en 1981, dans cet avion dépourvu de bidules électroniques qu’on appelle progrès, l’avion ne serait pas allé au tapis!" Et il ajoutait un fait qui risque de revenir comme un boomerang dans la figure du constructeur: « La situation a été compliquée par Boeing qui n’a pas jugé utile de donner des explications aux pilotes sur ce nouveau système, ni dans son manuel d’opération ni dans les stages de qualification sur cet avion. »

Sully insiste enfin sur le facteur personnel et l’expérience des pilotes:

« …tous ceux à qui est confiée la vie des passagers et de l’équipage en étant pilote d’un avion de ligne doivent être armés de la connaissance, de la compétence, de l’expérience, et du jugement pour pouvoir gérer l'imprévu et être le maître absolu de l'avion et de tous ses systèmes, et de la situation. »

Ce n’était pas le cas du Boeing d’Ethiopian Airlines. Pilotes insuffisamment formés, mal préparés aux situations exceptionnelles? Lacunes, travail bâclé de Boeing tant dans la formation des pilotes au nouveau système que de dans les tests de fiabilité? S’il faut attendre la fin de l’enquête pour confirmation, il y a déjà de très sérieuses présomptions dans ce sens.


 

Catégories : Divers 14 commentaires

Commentaires

  • "cet appareil amélioré de Boeing le système de stabilisation est pointé du doigt:"
    Cet appareil n'est pas amélioré, c'est un cercueil volant. Comme le moteur plus économe en carburant est plus gros, il ne peut pas être placé sous l'aile, mais en avant, ce qui entraîne une instabilité qui conduit au décrochage dès que l'inclinaison de l'appareil (montée ou virage) est supérieur à une certaine valeur relativement faible (14 ou 15°). Cette instabilité liée à la structre de l'avion est compensée par un logiciel relié à une sonde. Le logiciel calcule le risque de décrochage, et s'il estime qu'il existe, il agit sur les commandes pour garder l'appareil dans le domaine de vol. En montée, l'avion n'est pas sensé "piquer du nez", sauf si la sonde d'inclinaison donne de fausses informations, mais seulement réduire l'inclinaison. A noter qu'il semble n'y avoir qu'une seule sonde.

    Pour gagner du temps et du fric, plus de 300 personnes ont été sacrifiées. Jamais je ne monterai dans cet appareil, quelles que soient les "amméliorations" apportées, car c'est la structure-même qui est en cause.

    Pour aller plus loin:
    https://www.moonofalabama.org/2019/03/boeing-the-faa-and-why-two-737-max-planes-crashed.html
    http://www.unz.com/jthompson/boeing-737-max-an-artificial-intelligence-event/

  • En lien avec l'aviation, même si ce n'est pas le même sujet qu'ici, le blog voisin d'Avia News débute un dossier sur le bio-kérosène. Prometteur semble-t-il.

    http://psk.blog.24heures.ch/archive/2019/03/18/premier-vol-reussi-pour-un-bio-kerosene-revolutionnaire-867119.html

  • "Pilotes insuffisamment formés, mal préparés aux situations exceptionnelles?"
    Boeing va bien sûr essayer de mettre la faute sur les pilotes. Sauf qu'un décollage n'est pas "une situation exceptionnelle". Boeing a triché, boeing va devoir payer.

  • J'aime bien les explications plus vulgarisées de cet ancien pilote . Vas y Aldo !

    https://www.youtube.com/watch?v=eVaKyjxuGm8

  • Aoki@ Il me semble que Daniel a dit en quelques phrases ce que Aldo met 23' à expliquer. Bon, on en sait un petit peu plus et cela n'en est que plus inquiétant sur le plan de la capacité des ingénieurs Boeing. Pourquoi faire jouer le trim sur toute sa longueur ? Cela paraît tout simplement aberrant...
    Mais l'explication de Daniel sur la position des moteurs est suffisante pour condamner l'appareil...
    En fait, on veut tout résoudre par l'informatique, y compris les contre-sens aéronautiques. Mauvaise attitude...

  • "Mais l'explication de Daniel sur la position des moteurs est suffisante pour condamner l'appareil..."
    Oui, absolument. Le corps de l'appareil et la position des ailes date d'au moins 50 ans. Alors que pour l'Airbus 320 de conception plus récente il a été possible de fixer les nouveaux moteurs moins énergivore mais plus gros sous les ailes (plus grande distance au sol). On obtient l'Airbus 320 NEO. Voyant un marché leur filer sous le nez Boeing a voulu faire vite, sans changer la structure de base du 737. Ce qui évitait les procédures d'homologations qui prennent... du temps. Et la conception d'un patch logiciel pour éviter un décrochage alors que tous les avions commerciaux peuvent affronter des inclinaisons de 20° sans problème. (J'ai lu quelque part qu'un pilote chinois a pu sauver son appareil en mettant hors service le logiciel MCAS. Encore faut-il savoir le faire et en avoir la présence d'esprit. Car la formation des pilotes a aussi été complètement négligée.)

    Maintenant la FAA - dissonance cognitive - a continué à dire que cet appareil était "safe". Il a fallu l'ordre de Trump pour finalement immobiliser au sol ces appareil aux USA et le Canada a suivi.

    Un élément qui démontre que les USA sont en pleine décrépitude technique et organisationnelle. Il y a quantité de pièces détachées qu'ils ne sont plus en état de produire.

    Et il y a la 5G...

  • "Encore faut-il savoir le faire et en avoir la présence d'esprit."
    Tout est là, Daniel. Les pilotes doivent apprendre des milliers ou des dizaines de milliers de choses sur le plan informatique et ils ont quelques secondes pour réagir quand cela arrive, en plein stress...
    Les gros rigolos français s'empressent de faire oublier le vol Rio-Paris. Bien sûr, à la base, il y a la grosse lourde stupidité et arrogance françouaise (on ne va pas se laisser emmerder par des cumulo-nimbus, a éructé le cdt de bord et il est parti se coucher...). Mais les boîtes noires ont été retrouvées : les pilotes ont tiré à fond sur le manche alors que toutes les sirènes de décrochage hurlaient ! Ces pilotes ne seraient pas capables de piloter un petit avion monomoteur de base...
    Et en trois minutes, ils sont passé de 10'000 mètres à 0, fracassant l'avion dans l'océan. Les boîtes noires révèlent qu'ils ne savaient même pas que l'avion n'était plus en pilotage automatique...

    Moralité : il y aura encore des milliers de morts tant que l'interface robots-humains existera. Il n'y a qu'une solution : des avions entièrement sans pilote. Ou alors entièrement avec pilote...
    Mais attendez un peu les résultats sur les routes, cela ne va pas être joli-joli...

  • Selon cette info relayée par la RTS les pilotes n'auraient reçu qu'une formation de deux heures sur iPad.

    https://www.rts.ch/info/monde/10302363-sans-simulateur-les-pilotes-de-boeing-737-max-s-entrainaient-sur-ipad.html

    " ... les syndicats des pilotes des sociétés American Airlines et Southwest Airlines ont demandé à plusieurs reprises à Boeing la création d'un simulateur spécifique pour le modèle 737 Max, mais sans l'obtenir.

    Dans les faits, le timing semble avoir été mauvais. Les données nécessaires à la construction du simulateur n'ont été disponibles qu'au moment où les appareils étaient déjà prêts à voler. De son côté, la Federal Aviation Administration (FAA), agence gouvernementale américaine en charge de l'aviation civile, n'a pas jugé nécessaire un entraînement spécifique des pilotes."

    "Le plus souvent, les pilotes s'entraînent sur des simulateurs très coûteux lorsqu'il s'agit d'aborder de nouveaux avions. Dans le cas du nouveau Boeing, les régulateurs semblent avoir considéré qu'il s'agissait-là uniquement d'un dérivé de précédents modèles, qui ne justifiait donc pas d'entraînement spécifique.

    Résultat, des pilotes ont eu droit à une formation de deux heures sur iPad et à un entraînement dans un faux-cockpit, qui ne bougeait pas comme les simulateurs traditionnels."

    Les changements ont en fait modifié le profil et l'équilibre en vol de l'avion. Cela ne peut être considéré comme un dérivé.

  • "Les changements ont en fait modifié le profil et l'équilibre en vol de l'avion. Cela ne peut être considéré comme un dérivé."
    Exact. C'est un cercueil volant.

    "(on ne va pas se laisser emmerder par des cumulo-nimbus, a éructé le cdt de bord et il est parti se coucher...)."
    Exact.
    L'avion était en décrochage parce que trop incliné en montée (tirer sur le manche). Quand le cdt est revenu, il aurait dû virer le co-pilote et prendre les commandes. Il a dit ce qu'il fallait faire, sauf erreur deux fois, mais le co-pilote a continué à tirer sur le manche alors qu'il fallait le pousser. Quand enfin il a été fait ce qu'il fallait faire, il était trop tard. Etaient-ils dans leur état normal?

    Maintenant pour le 737 max, un boycott de cet appareil serait le bienvenu. Pour la sécurité de tout le monde. Un tel appareil pourrait tout aussi bien tomber sur une zone habitée.

  • Il est possible que le boycott ne soit pas nécessaire. Les clients ne voudront plus voler sur cet appareil, c'est déjà dans l'esprit de certains journalistes. D'autre part j'ai lu quelque part qu'un appareil interdit de vol dans ces conditions a peu de chance d'y survivre.

    Boeing pourrait être amené à abandonner la production. L'aberration de ce modèle est maintenant très évidente: une structure forcée, déséquilibrée, que l'on doit compenser (mal) par un pansement informatique, ça fait désordre...

    On peut trafiquer sa mobylette mais pas un avion de ligne.

  • Boycott: définiton:
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Boycott

  • Dans la pratique un refus personnel de consommer un service considéré comme dangereux pour sa propre vie n’est pas un boycott au sens de wiki. C’est une réaction de protection individuelle.

    Wiki:

    « À l'origine, le boycott est le choix de ne pas acheter des produits dont les conditions de production ne sont pas jugées justes », « le boycott ou chantage au non-achat. »

    Dans le boycott il y a une intention de moraliser ou de contraindre une firme qui ne produit pas de manière juste. L’intention est explicite et portée par une ou des organisations ou personnalités qui lancent un appel au boycott. Cela devient alors une action de masse, un boycott.

    Dans le premier cas, le simple refus, il y a un souci de préserver sa propre existence, indépendamment de savoir si la fabrication de l’appareil est « juste ». Cela n’obéit à aucun mot d’ordre ni considération politique ou morale.

  • Constat:

    - On préfère filer des Ipad que de former réellement les gens. L'expérience est devenu un vilain mot dans l'entreprise... cela arrange la trésorerie.

    - Airbus ne va pas profiter des problèmes de Boeing. Le constructeur européen a 10 ans de contrats assurés et pas les moyens pour augmenter sa production. C'est donc le Comac C919 qui risque de rafler la mise. Oui c'est un constructeur chinois.

  • Il faudrait insister sur le fait que la mise sur le marché du Boeing 737 a été validée non pas par l instance gouvernementale américaine (débordée de travail et pas de fric pour embaucher des ingénieurs et experts neutres, nous disaient-ils)

    Alors, qu a t il fait le gouvernement américain? Il a délégué l autorisation à un comité contenant une majorité d ingénieurs et d experts de Boeing...

    C est simple comme un Bonjour ...Vous comprenez pourquoi nous sommes des bandes de complotistes et anti-américains primaires:) !

    Bien à Vous.
    Charles 05

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