Je n’éteindrai pas d’appareil ou de lumière pendant une heure samedi soir. Je n’adhère pas à l’idée d’un acte symbolique pour économiser de l’électricité.
La diminution est si insignifiante que même sa valeur symbolique est discutable. En raccourci, si pour « sauver la planète » il faut revenir à la bougie, non merci. Pendant ce temps, heureusement, les aéroports restent éclairés, ainsi que les parkings, les hôpitaux, entre autres.
Plutôt que d’éteindre on devrait pousser à développer de nouvelles ressources, fiables, stables. Renouvelables ou non. Eteindre une heure donne un faux aspect vertueux à l’action, et recèle en creux un message régressif.
Je lis également que l’édition 2021 de Earth Hour est dédiée à la forêt. Observons le langage. Selon le WWF:
« Pour cette 15e édition, Earth Hour sera dédié aux forêts. L’objectif est simple : attirer l’attention sur la déforestation, qui continue d’évoluer à des rythmes alarmants. »
Rythme alarmant de la déforestation? Les infos que j’ai trouvées ne vont pas dans ce sens.
Par exemple en Suisse, où les forêts représentent 32% du territoire. En 2020:
« … les forêts gérées se sont rapprochées de leur état naturel et le pays compte davantage de forêts mixtes aux essences et aux stades de croissance variés. De telles forêts présentent une plus grande résistance à la sécheresse, aux tempêtes et aux infestations d’insectes, selon le rapport. »
Ou aussi en 2015:
« L’aire forestière est en augmentation, elle s’accroît chaque année d’environ 5400 ha (≈surface du lac de Thoune). »
Et encore:
« Les forêts suisses grandit bien. Surtout en montagne. Et cela depuis environ cent cinquante ans, alors qu'un alarmisme répété, durant les années 80, leur prédisait une mort assurée. Les surfaces forestières ont en effet augmenté de 30 à 50% en Suisse depuis un siècle et demi. Cette expansion s'est faite presque exclusivement dans les zones de moyenne altitude … »
L’image 2 (© ETH-Bibliothek, Sammlung Documenta Natura, Hans Kobi; Roger Huber) montre une clairière en moyenne montagne dans l’est de la Suisse. En haut, en 1989. En bas, 11 ans plus tard. Elle s’est reboisée spontanément, presque entièrement. En seulement 11 ans: la résilience de la nature est puissante et rapide.
Et en France?
Selon Le Point la forêt progresse:
« Représentant entre 8,9 et 9,5 millions d’hectares en 1830, la surface forestière française atteint 14,1 millions d’hectares en 1985, et 16,9 millions d’hectares en 2018, soit environ 31 % du territoire métropolitain. Cela équivaut au niveau de la fin du Moyen Âge. En métropole, la superficie forestière progresse de 0,7 % par an depuis 1980. »
En Europe en général aussi:
« L’Europe est le continent qui a expérimenté le plus important gain de couverture forestière. Depuis les années 1950, la surface forestière a augmenté de 300 000 km², soit l’équivalent de la surface de l’Italie8, parfois naturellement (on parle de forêts secondaires), parfois par des plantations artificielles ».
Bon, le WWF précise plus loin qu’il parle des points chauds. Ah bon? Alors ce n’est pas « LA » forêt, mais certaines forêts. D’autres vont bien, sont en croissance quantitative et qualitative. Certaines forêts incendiées se renouvellent naturellement comme en Australie et laisseront place à de belles nouvelles forêts dans l’avenir.
De nombreux programmes de reforestations sont à l’oeuvre dans le monde.
Il est donc inexact d’affirmer que « … la déforestation, [qui] continue d’évoluer à des rythmes alarmants…. ».
Au contraire les forêts semblent se porter de mieux en mieux dans de nombreuses régions (sous réserve d’effet locaux de sécheresses), soit grâce à l’intervention humaine, soit spontanément comme en Europe, ou la plus grande part du reboisement est naturelle et s’opère sur d’anciens pâturages abandonnés.
L’image 1 (Wiki, Tom Corser) montre le Jura et ses belles alternances de forêts et de pâturages.
Enfin, les industriels travaillent depuis des dizaines d’années à produire des appareils à moindre consommation. Acheter ces appareils est un acte plus performant pour économiser l’énergie qu’éteindre une heure.
L’alarmisme constant, ici pour les forêts, maintient l’idée que rien n’est fait et qu’en conséquence nous allons dans le mur.
C’est abusif. La campagne du WWF, qui sert à rappeler son existence aux donateurs, est opportuniste et non pas scientifique. Ses responsables ne peuvent l’ignorer.
Faut-il dès lors bannir le WWF hors du camp du Bien? Bannissement, annulation, mise à l’écart du débat: pourquoi ne pas leur appliquer la cancel culture à la mode?
Commentaires
Merci pour ce billet! Le bon état des forêts, voire leur croissance, ne serait-il pas un résultat de l'augmentation du... CO2?
Il semble que mentir pour une bonne cause, ne soit pas mentir. Cela ressemble à "l'intérêt supérieur de pays" utilisé pour couvrir certaines manoeuvres peu reluisantes.
Certes, il est probable que le WWF, mente un peu par omission pour la "bonne cause", cependant cette "bonne cause" mérite soutien !
Car, si la forêt avance en Suisse et en Europe, suite à la diminution de l’élevage en montagne et de l’agriculture dans les zones difficiles, la couverture forestière recule presque partout dans régions tropicales.
Ainsi, et malheureusement, le bilan mondial de la forêt est toujours très négatif !
Même si la forêt mondiale diminue légèrement moins rapidement depuis quelques années (à vérifier), la situation demeure alarmante et il ne faut pas se cacher derrière l’avancée des forêts européennes.
Voir le tableau ci-dessous :
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9forestation#/media/Fichier:Deforestation.png
François Gervais, dans son dernier ouvrage, Merci au CO2, explique qu'il y a bel et bien un bénéfice à retirer du CO2, ce gaz nourrissant la végétation en général, et les plantes nutritives en particulier. Il ajoute, dans une émission de Sud radio, que la "fixette" sur le CO2 est due à « un énorme business », se comptant en milliards ! Concluant qu'il n'y a aucune urgence climatique!
https://www.youtube.com/watch?v=oxql8o1v-oA
Je partage votre opinion en relevant ceci : comment se fait-il que les enseignes lumineuses sur les toits et devantures des commerces, hôtellerie comprise, restent allumées toutes les nuits 365 jours sur 365 ?
Il faut modifier notre façon d'éclairer nos intérieurs et l'exemple est donné par le Val-de-Ruz /NE :
"Le programme a été lancé à Coffrane le 10 mai 2019, suivi progressivement par les autres localités. Val-de-Ruz a précisé que le fournisseur d’électricité Groupe E a joué un rôle important dans le cadre de la réalisation de ce projet. Ce dernier a reprogrammé un à un quelque 700 luminaires de façon à ce qu’ils s’éteignent de minuit à 4 heures 45, tout en conservant un éclairage aux abords de 76 passages piétons".
Les Verts, toujours si prompts à vouloir interdire les SUV dans les villes - par jalousie ??? - et vouloir augmenter l'essence, sans penser un seul instant que dite augmentation sera répercutée sur les prix à la consommation, en oubliant que les petits budgets souffriront encore plus de la cherté des biens de consommation indispensables à tous et que les enfants, dont les parents ayant de la peine à nouer les deux bouts, souffriront en premier !!!
@ Pierre-Alain:
La cause est importante, oui. Mais je refuse le traitement de l'info dans une perspective émotionnelle, quand on est une organisation mondiale recevant de larges subventions, et écoutée par les politiques.
L’amalgame de toutes les forêts est techniquement faux et psychologiquement perturbateur. Il faut un état des lieux différencié. Le public veut savoir précisément, et donner avec circonspection.
Et puis à force cela développe un sentiment d’impuissance face à la trop grande et dramatisée description des choses. Je me demande quand nous allons passer en phase de dé-pression collective, surtout après la pression mise ces dernières années.
Je remarque déjà que les chaîne télé baissent le ton sur les extrêmes météo. La vague de douceur qui vient sera forte pour début avril mais elle est présentée avec bonheur et sans lier le réchauffement ni dramatiser.
Le décalage entre une présentation amalgamée et exagérée d’une part, et la très lente évolution du monde réel (forets, etc) d’autre part, fait que ce processus de déprime me paraît inévitable. La très grande peur veut des solutions rapides, qui sont impossibles. D'où frustration, impuissance et déprime. Ou activisme radical pour certains.
Il faut présenter les choses de manière modérée, précise, localisée, avec débat autour de la réelle dangerosité d’une situation, sur la liberté des gouvernements, sur les aspects économiques, et débat sur les manières de reforester (la discussion continue entre scientifiques).
Il faut noter aussi qu’en Afrique certains gouvernements agissent réellement pour l’environnement. Il y a la grande muraille verte, destinée à ramener de l’humidité sur le Sahel et à créer des emplois.
En Ouganda la population des gorilles augmente, au point où on les a baissé d’un cran dans la liste des espèces menacées. Cela tient à un changement d’attitudes des habitants à l’égard des gorilles, mais aussi à une moindre coupe dans les forêts.
L’Institut Jane Goodall est très actif dans la préservations des gorilles, et donc dans la protection des forêts et l’intégration des économies locales dans le système de préservation des forêts.
Au Niger 5 millions ha de forêts ont remplacé des zones désertiques grâce à une nouvelle technique.
https://www.lesechos.fr/thema/articles/reverdir-les-zones-desertifiees-la-technique-du-faiseur-de-forets-1180202
Dans l’ouest de la Tanzanie, région de Kigalye: la reforestation a permis de faire revenir les primates.
https://www.esri.com/about/newsroom/arcnews/geodesign-restores-chimpanzee-habitats-in-tanzania/
La culture sur brûlis peut être réglementée. De plus les forêts se régénèrent rapidement. La forêt humide africaine a failli disparaître il y a 2’500 ans, puis elle s’est restaurée.
https://theconversation.com/comment-les-chimpanzes-ont-sauve-la-foret-tropicale-africaine-145606
D’autres projet à venir ou commencés existent. C’est parfois compliqué en Afrique, le suivi peut être aléatoire.
Par contre en Malaisie la situation est préoccupante. Pour l’Amazonie le débat est plus vaste, il implique une charge émotionnelle forte, je n’y viens pas ici. Pour l’Australie, les forêts reviennent déjà. Pour la Sibérie, les grands feux ne sont plus traités par les autorités. On peut donc estimer qu’un renouvellement naturel de la grand forêt sibérienne a repris.
Bref, on ne peut pas faire une annonce alarmiste sans autres. L’état des lieux est inexact et la solution hors de portée des simples gens.
C’est donc moins évident qu’il n’y paraît.
Bien à vous, bonne journée.
Je vous remercie pour votre réponse nuancée.
En effet, il y a quelques bonne nouvelles dans certains pays africains. Gardons espoir et évitons qu'un trop grand pessimisme n'aboutisse à l'abandon et à la fuite dans l'impuissance assumée.
Cependant, point encore d'optimisme en Malaisie et en Indonésie, en particulier sur l'île de Bornéo, où la forêt et la biodiversité qui lui est liée, sont mises à sac par les plantations de palmiers à huile et l'exploitation du bois à outrance.
La forêt est également mise à mal en Papouasie occidentale, occupée illégalement par l'Indonésie depuis 1969.
Quant à l'Amazonie, la déforestation se poursuit pour le fourrage des bovins… à destination de l'Europe.
Donc, la "bonne cause" est encore à soutenir ; et c'est chacun de choisir le moyen qui lui paraît le plus approprié.
Le problème avec les actes symboliques, c'est que précisément, ils ne sont que symboliques. Cela ne coûte rien et cela permet de s'acheter une conscience. On en a vu un exemple de grande envergure avec les applaudissement à 20h pour les soignants. Les vrai gestes coûtent quelque chose à celui qui les fait.