Grâce à un commentaire reçu hier, j’ai découvert l’importance d’un fait pouvant expliquer en partie l’incendie dramatique du Var. C’est la présence du loup dans les montagnes et les forêts des Maures et du Var, où le feu s’est déroulé comme un serpent.
On a confirmation de ce qui était pressenti: le débroussaillement a manqué (image 2).
« Cette année, la forêt n’a pas été entretenue, il n’y a pas eu de débroussaillement. »
Pour une raison inattendue:
« Pour expliquer le manque de débroussaillement, un éleveur local, Gilbert Villa, met en cause la présence du loup. «Avec les loups, on ne peut plus aller en forêt et faire le débroussaillement. Avec les troupeaux, on était payé pour débroussailler les pare-feux. Cela fait deux ans que j’ai arrêté à cause des loups. »
Oui, le loup est dans la place (lieux: image 1), depuis 2009. 13 meutes sont dénombrées et observées dans le département. 350 à 400 attaques de troupeaux font en moyenne 1’200 victimes par année.
En 2019, le Parisien avait enquêté:
« Les bergers et certains maires du Var tremblent. Depuis le début de l’année, les attaques de loups sur des troupeaux se multiplient et - phénomène nouveau - les animaux s’approchent de plus en plus des habitations et des centres-villes. À tel point que le préfet du Var a donné ordre d'abattre un loup trop curieux qui s’était approché trop près d’un camping, à Bormes-les-Mimosas (Var), sur le bord de mer. »
Le feu bon pour la biodiversité
Les troupeaux ne vont plus en forêt, le débroussaillement n’a plus lieu, et les forêts redeviennent très vulnérables.
Au fait, en combien de temps une forêt se reconstitue-t-elle? Beaucoup plus vite qu’on ne pense, et c’est la bonne nouvelle.
D’abord, le feu est bon pour les forêts. La plupart d’entre elles y survivent, soit naturellement soit par reboisement. L’image 3 du Canada montre: à gauche, la forêt juste après un feu; à droite, la même forêt régénérée quelques temps plus tard.
Le Service gouvernemental des Parcs du Canada nous rappelle ceci, que la télévision ne montre presque jamais. Ces extraits devraient nous enseigner une autre manière de voir:
« Le feu crée des conditions idéales à la croissance des végétaux et stimule leur régénération. En plus de renouveler et de diversifier la forêt, il crée une variété d’habitats pour différentes espèces d’insectes, de mammifères et d’oiseaux. Cette biodiversité est le signe d’un écosystème florissant, capable de perdurer. »
« L’intensité et la gravité des feux varient selon la température, le relief, le vent et d’autres facteurs. Dans les secteurs où la forêt est complètement rasée par le feu, on trouve çà et là des îlots d’arbres intacts ou légèrement calcinés.
C’est pourquoi l’on dit du feu qu’il accroît la diversité des écosystèmes au fil du temps. Les feux sont essentiels au rétablissement de la forêt, au même titre que le soleil et la pluie. »
« Les feux de forêt libèrent de précieux éléments nutritifs présents dans la litière du parterre forestier. Ils créent des ouvertures permettant à la lumière d’atteindre le sol, ce qui stimule la croissance de nouveaux arbres. »
Alors, contrairement à une émission de BFMTV annoncée pour cette semaine, les grands feux de 2021 ne sont pas une apocalypse climatique.
Il faut résister à la peur et au buzz médiatique avec des arguments raisonnables et fondés.
Ensuite les écosystèmes évoluent et les zones brûlées reviennent à la vie. En combien de temps?
2 mois après un incendie, les insectes reviennent et attirent les oiseaux prédateurs. 6 mois plus tard, les premières pousses de pins réapparaissent. Les abeilles et les rapaces repeuplent la forêt 9 mois après la catastrophe;
une année est requise pour que les graminées, les buissons des garrigues et les mousses refassent leur apparition;
au bout de 3 ans, les chênes-liège survivants retrouvent 75% de leur feuillage;
il faut 5 ans pour que toutes les espèces végétales soient de retour. Même laps de temps pour les souris et autres rongeurs;
en 10 ans, les nouveaux pins atteignent 3 mètres, mais pour que la forêt regagne son apparence originale, il faut attendre 150 ans, sans nouvel incendie.
On peut dire, ici pour la forêt méditerranéenne, que la forêt reprend globalement vie en cinq ans.
Pour le débroussaillement les troupeaux sont la meilleure solution. Mais dans cette région il y a conflit avec les loups. Comme quoi, même une mesure jugée écologique à l’époque, comme la réintroduction du loup, produit des effets pervers plus loin.
Enfin encore cette information. Selon le Dr Ofri Gabay, écologiste de la Société pour la protection de la nature en Israël (SPNI):
« Les écologistes conseillent à Israël de ne pas planter d’arbres après les incendies. » (ndla: de 2016)
« De nouveaux arbres, ainsi que les actions impliquées par leur plantation, pourraient abîmer les écosystèmes naturels et inhiber la régénération du paysage, ont-ils expliqué. (…) D’un point de vue écologique, ces feux ne sont pas un désastre. La nature peut les gérer elle-même, sans aucune intervention humaine. »
Le Dr Gabay a ainsi;
« … conseillé de laisser la nature prendre le dessus, particulièrement dans les zones ayant de faibles niveaux de végétation naturelle. La seule intervention humaine nécessaire est d’enlever les espèces invasives, comme le mimosa doré, qui ont tendance à se propager après des incendies. »
Encore un avis qui ne confirme pas l’Apocalypse.
Le feu fait peur. Une ferme qui brûle, c’est l’Apocalypse pour une famille. Mais le feu fait aussi du bien et fait partie de l’évolution des écosystèmes.
Pour l’anecdote je termine avec la morille de feu. Au Québec on peut chercher ce champignon sur des terres ayant subi un incendie assez fort.
Comme quoi.
Commentaires
Remis la bonne photo en image 3.
quel est la solution pour qu'il y ai à nouveau débroussaillement ?
" Le feu bon pour la biodiversité"
À long terme, peut-être, si une forêt ne brûle pas à nouveau avant 150 ans ou même quelques siècles.
Et à condition que les surfaces brûlées soient limitées, avec des zones épargnées, pouvant servir de refuges et de réservoirs à la vie forestière, et non dérapant en incendies gigantesques comme cela arrive de plus en plus souvent.
Mais si l'on considère le feu comme favorable à la biodiversité, il faudrait alors encourager les incendies de forêts… ce qui serait un non sens !
Surtout à l'heure où la biodiversité diminue rapidement et partout, – la sixième extinction en cours –, attendre des décennies, voire des siècles, le renouvellement d'une zone forestière, c'est long…
@ Leclercq:
Il semble que la protection des troupeaux ne fonctionne pas, même avec plusieurs chiens Patou.
https://www.varmatin.com/temoignage/on-a-tout-essaye-plus-rien-ne-marche-la-detresse-des-eleveurs-face-aux-attaques-de-loups-dans-le-var-621090
En Alpes-Maritimes, une brigade du loup, armée de fusils à vision infrarouge, aide les bergers sur le terrain, avec j’imagine un coût important pour la collectivité:
https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/alpes-maritimes/alpes-maritimes-brigade-loups-protege-troupeaux-armes-1682530.html
On a recensé des attaques jusque dans le Tarn.
Le préfet du Var propose des options:
option 1 : gardiennage renforcé
option 2 : parc de regroupement mobile électrifié
option 3 : chiens de protection
option 4 : parc de pâturage de protection renforcée électrifié
option 5 : analyse de vulnérabilité.
http://www.var.gouv.fr/operation-de-protection-de-l-environnement-dans-a1328.html
L’alternative est le débroussaillement mécanique et manuel, là où c’est possible, avec un coût également. Et dans certains cas des feux préventifs contrôlés.
@ Pierre-Alain:
On n’encouragera pas à brûler les forêts, bien sûr. À cause de la présence humaine trop dense presque partout. Pourtant c’est bien ce qu’il a dû se passer dans des temps reculés, Antiquité ou préhistoire. On peut supposer que des mégafeux ont eu lieu au temps du réchauffement minnoen ou romain, ou même médiéval, et rien ne les arrêtait.
Dans la page Feux de forêts de Wikipedia on peut lire:
« Dans la période récente, notamment après la maîtrise du feu par les premiers hommes, les incendies de forêts ont parfois été très importants, à échelle continentale comme en Australie. Des preuves archéologiques, et des témoignages écrits historiques le montrent, y compris pour des périodes récentes dans le nord de la France, par exemple en forêt de Saint-Amand14. Des historiens ont spécifiquement étudié cette question, dont en France Henri Amouric15. Les archives montrent un risque relativement cyclique (des décennies relativement calmes succédant à d’autres plus propices aux feux). »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Feu_de_for%C3%AAt
La cohabitation entre les mammifères, dont les humains, et le feu naturel est problématique. Ils s’excluent mutuellement. Autrefois une forêt brûlait comme elle en avait besoin, et se régénérait ensuite. Nous n’avons plus cette option libre et lente, qui met notre existence en péril dans certains endroits. Les contraintes que nous imposons sont-elles vraiment utiles à la nature, aux forêts en particuliers? La réponse est que quoi qu’il en soit, nous ne laisserons pas brûler.
Il y a une dimension philosophique et écologique conjointes dans ces incendies.
La répétition est gênante, de notre point de vue à court terme. Le réchauffement assèche plus et rend les forêts plus vulnérables, mais il ne cause pas tout.
Tout cela est complexe.
Sur la sixième extinction, je suis très circonspect. Mais c’est un autre sujet.