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Le bon père de famille

L’expression peut sembler vieillotte ou ringarde. Cela rappelle un temps où le père avait encore une place forte dans la famille et la société. En latin on dit Bonus pater familias.

 

pere,pere de famile,pater familias,bonus pater familiasRaisonnable

Le latin, pourquoi? Parce que l’expression désigne un homme dont le comportement est sous contrôle.

« Il s’agit en effet d’un principe de droit hérité des Romains. À l’époque, le ‘bonus pater familias’ qualifiait une personne raisonnable et prévoyante qui s’assurait qu’il n’arrive rien à la famille, le concept de famille s’étendant au patrimoine. »

Selon Wikipedia:

« La notion de bon père de famille (ou bonus pater familias selon un latinisme d’usage courant dans les milieux juridiques) est un concept de droit civil. Il s’agit du comportement qu’aurait un individu abstrait dans une situation donnée, servant de norme générale pour mesurer l’adéquation de la conduite d’un individu concret placé dans la même situation afin de déterminer l’existence ou la mesure d’une éventuelle faute. »

On voit que l’expression a une portée juridique. Elle contenait d’ailleurs implicitement la bonne mère de famille, de qui l’on attendait le même comportement normé. Elle a cependant disparu de la plupart des codes civils d’Europe, comme en Belgique où l’expression est remplacée par Personne prudente et raisonnable. La mesure a été contestée:

« Certains, dans le monde juridique, parle d’une réforme qui n’a pas de sens, menée pour des raisons liées au "politiquement correct", estime Joachim Bourry, avocat au barreau de Bruxelles. "A savoir qu’on ne voulait pas faire référence à une personne du genre masculin qui régnerait sur sa famille. Le problème, évidemment, c’est qu’on va renvoyer la patate chaude aux cours et tribunaux qui vont devoir définir maintenant ce qu’est une personne prudente et raisonnable alors que le concept de bon père de famille existait lui déjà. »


pere,pere de famile,pater familias,bonus pater familiasGenre = sexe

En France la députée EELV Brigitte Allain avait milité pour le remplacement de l’expression en 2014. Son argument principal:

« Cette expression attribue à l’homme, père de famille, la qualité d’être bon gestionnaire. C’est une pure discrimination, stéréotype de genre. De surcroît, être bon père de famille ou bonne mère de famille consiste avant tout à nouer un lien affectif et éducatif avec les enfants. C’est tout à fait différent de la capacité à gérer un patrimoine public ou privé. »

Pour moi il n’y a pas de stéréotype à proprement parler mais une fonction symbolisée par le père duquel on exige un comportement quasiment exemplaire. Mais toute personne en charge de famille devrait faire preuve des mêmes qualités.

Le remplacement par une formulation plus neutre (non-genrée) ne change pas l’esprit du texte, ni n’étend son application. Ce remplacement est sans doute logique. Il est surtout dans l’air du temps. Toutefois, en liant le père au genre masculin afin de le supprimer du texte, la députée fait elle-même dans le stéréotype et admet que le genre n’est pas indépendant du sexe.

Autre hypothèse: en délaissant la tentation d’y voir un effet du mâle dominant, et sous couvert de droit civil, ne voulait-on pas ainsi inciter les hommes à devenir des pères et époux responsables et prudents, ce qui laisserait supposer qu’ils ne l’étaient pas avant?

En tous cas ce sont des règles, des conditionnements sociaux dont le non-respect avait des conséquences désagréables. Il n’était pas permis aux hommes de faire n’importe quoi pouvant porter préjudice à leur famille ou aux biens familiaux. Cela devrait aller sans dire.

 

 

Catégories : Philosophie, Politique, société 10 commentaires

Commentaires

  • "Bonus pater familias."

    Pour ceux qui se poseraient la question, "familias" est un génitif archaïque (qui rappelle le génitif féminin en grec ancien) devenu par la suite "familiae".

  • L'adjectif "bon" devrait être défini dans la loi.
    Il me semble que ce terme est connoté affectivement ou psychologiquement. C'est également trop général à mes yeux.
    Si on a laissé son enfant skier sans casque et qu'il en a subi de graves conséquences, je pense qu'il est plus précis de dire " cette mère a été imprudente et pas raisonnable d'avoir laissé son enfant faire du sport sans prendre les précautions d'usage". Dire qu'elle n'a pas été "bonne mère" ne me semble pas décrire la situation de façon correcte.

    Il serait intéressant de savoir si le concept de "bon père de famille" était utile et opérant dans la loi qui a été remplacée.
    Donc, dans un cas de conflit familial, est-ce qu'on pouvait dire que tel ou tel a agi en bon père de famille / en bonne mère
    de famille et ainsi, le reste de ses agissements est acceptable.

    Bien sûr, remplacer "père" par "personne" peut être vu comme un acte lourd, mais si l'autorité parentale est partagée, il faut tout de même ajuster les textes. (Pour les familles dans lesquelles la mère est seule avec un enfant, le bon père de famille est inopérant.)

    Longtemps, "être une bonne mère" signifiait qu'il fallait être parfaite. Il y avait l'injonction du dévouement et de l'infaillibilité. Puis Winnicott a amené la notion de "mère suffisamment bonne" qui désigne l’attention normale portée par une mère à son bébé.
    On sent bien que les adjectifs comme "bon" ou "normal" sont sujets à interprétation. Idéalement, le père et la mère seraient normaux et suffisamment bons !
    Etre père ou mère n'est pas simple et j'ai l'impression que ça devient de plus en plus exigeant dans ce monde dans lequel on évalue tout !
    On voudrait avoir les cinq étoiles du bon père ou de la bonne mère. Mais n'est-il pas imprudent de se placer en position d'être évalué ?

  • Oui cela devrait être simple Calendula:

    "Idéalement, le père et la mère seraient normaux et suffisamment bons !"

    D'ailleurs je pense que cela fonctionne le plus souvent ainsi. Mais il serait utile de connaître le contenu précis du terme "Bon", par exemple par des jurisprudences. Il faut apprécier ce qui est le bien familial.

    Je pense qu'à l'époque on ne chargeait pas ce mot "Bon" d'autant d'affect qu'aujourd'hui. Aujourd'hui on parle de bonne personne ou de belle personne pour montrer une approbation affective et morale, ou pour dire de nous-mêmes que nous sommes une bonne personne par rebond.

    Aujourd'hui on entend le mot "bienveillance" partout, alors que la bienveillance devrait se montrer d'elle-même sans être dite, discrètement pour éviter de l'utiliser comme auto-valorisation et qu'elle est en vrai bien plus présente qu'on n'imagine. Le narcissisme moral de notre époque influe sur l'interprétation de manière que je trouve réductrice.

    "Prudent et raisonnable", cela laisse supposer qu'on ne vend pas sa maison pour aller se saouler tous les soirs, laissant les siens dans le dénuement. Ou qu'on ne laisse pas ses enfants sans éducation ni soins. Ou qu'on ne tape pas sa femme ni son mari., Des choses de base.

    Il y aura toujours interprétation. Par exemple un amateur de nature non préparé à la haute montagne serait imprudent d'y aller en chaussures de ville et d'y emmener ses enfants non préparés eux aussi et sous-équipés Par contre un alpiniste chevronné saura préparer ses enfants et les équiper de manière adéquate. La même action est dans un cas imprudente et déraisonnable, dans l'autre cas elle est prudente et raisonnable.

    Cette expression donne le cadre de ce qui est considéré comme socialement acceptable, sans tout définir trop précisément afin de laisser place à une appréciation circonstanciée. C'est cette marge d'appréciation qui nous faits intelligents puisque l'on doit trouver une réponse juste, réfléchie et qui tient compte des intentions et de divers facteurs qui ne peuvent tous être prévus dans la loi.

    Pour ce qui est des familles monoparentales dirigées par une mère, je comprends et admets volontiers votre argument.

    Aujourd'hui on ne considère plus que les statuts sont des fonctions génériques, même si le masculin utilisé à l'époque était davantage un neutre qu'un terme genré excluant l'autre genre. C'est comme ça.

  • Merci Henry.

  • @hommelibre,

    Je ne suis pas sûre de comprendre :
    Le "bon père de famille" serait un neutre qui inclurait également la "bonne mère de famille" ?
    Je crois que dans le droit romain, le pater familias était vraiment vraiment le père et c'était lui qui détenait le pouvoir.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Pater_familias

    "Le pater familias était l'homme de plus haut rang dans une maisonnée romaine, qui détenait la patria potestas (puissance paternelle) sur sa femme, ses enfants et ses esclaves. Cette potestas était « de vie ou de mort », et était viagère : elle ne s'éteignait, sauf adoption, qu'à la mort. Il s'agit également de l'homme le plus vieux de la famille. Le respect est donc un élément primordial de la figure du pater familias."

    Cela étant, on n'est pas obligé de se référer à ce modèle.

    "Bon" est un concept souple et "père" signifie les deux parents ?
    Je serais davantage pour un langage légal précis.
    Je ne vois pas l'avantage de dire "père" s'il s'agit des parents et "bon" s'il s'agit d'être responsable et prévoyant.
    Au moment d'un jugement, je pense que tous ont avantage à ce que le langage soit incontestable.

    Mais il se peut que j'aie mal compris.

  • Calendula,

    J’ai manqué de précision. Ce que je dis concerne les deux siècles derniers, depuis que Napoléon a inscrit la formule dans le Code civil. Du temps des romains je ne sais si des femmes avaient la gestion de la famille, mais ce n’est pas rare au XIXe siècle.

    On sait que le code Napoléon a mis les femmes mariées en tutelle de leur mari, mais toutes n’y étaient pas soumises, et bien des hommes n’étaient pas favorables à cela. D’ailleurs les guerres ont décimé beaucoup d’hommes et les femmes se sont retrouvées à diriger seules leur famille.


    Un avocat a écrit ce qui suit:

    https://www.village-justice.com/articles/hommage-bon-pere-famille-une-modification-terminologique-une-autre,30786.html

    « Pour autant, le reproche de sexisme fait à l’expression de « bon père de famille » n’était sans doute pas justifié. Si, en effet, l’expression tirée du droit romain se référait au comportement d’un homme qui était à l’époque romaine le pater familias, il ne paraît pas contestable qu’à notre époque l’expression avait changé de signification pour s’appliquer indifféremment à un homme ou une femme et signifiait plutôt la référence à un « bon chef de famille » qui peut être indifféremment aujourd’hui, le père ou la mère selon les cas. »

    Et aussi:

    « … sur le rôle et l’utilité du « bon père de famille » c’est une erreur de croire que l’on pouvait le remplacer à l’identique par l’expression de « gestion raisonnable ».

    Le "bon père de famille" était en effet un standard de comportement, à la fois, traditionnel, universel, souple, polyvalent et évolutif, permettant de l’adapter à toutes les situations et à toutes les époques, ce que ne fait pas son substitut, sans qu’il soit besoin de longues démonstrations pour s’en convaincre. »

  • Merci pour ces précisions.

    On se trouve dans une sorte de débat de principe.
    On peut valoriser le fait que rien ne change au niveau des mots, même si la réalité a évolué.
    Il y a des cas où c'est compliqué de féminiser un nom de métier ( sapeuse pompière ...) mais dans le cas du "bon père de famille" comme concept légal, je ne vois pas où serait le problème.
    D'ailleurs, on ne féminise pas, on voudrait remplacer par le mot " personne", si je comprends bien.
    L'avocat en question écrit donc ceci :
    "Le "bon père de famille" était en effet un standard de comportement, à la fois traditionnel, universel, souple, polyvalent et évolutif, permettant de l’adapter à toutes les situations et à toutes les époques, ce que ne fait pas son substitut, sans qu’il soit besoin de longues démonstrations pour s’en convaincre. »

    Son argumentation ne me convainc pas ! Je dois être une tête de mule. :-))) Je serais curieuse de savoir s'il a des collègues ou des juges pour trouver que ce terme est utile et souple dans la pratique de leur métier.

    Cet avocat trouve donc adéquat, sans aucune nuance, qu'on utilise le terminus technicus de "bon père de famille" pour parler de situations dans des familles monoparentales, des couples de femmes avec des enfants et même simplement pour des législations qui connaissent l'autorité parentale partagée. "Personne responsable et prévoyante " ne décrirait pas assez bien la situation.
    A mes yeux, la problématique du droit de la famille est autrement plus complexe qu'un concept remontant à des époques où le père était le seul responsable de la famille.
    Et où la bonté avait peut-être un autre sens qu'aujourd'hui.

    Je n'entre pas dans le débat du sexisme, il me semble inutile. Tant il est clair que la famille du XXIème siècle n'est pas celle du XIXème, ni même du XXème. On peut le déplorer, mais c'est vraiment une réalité qui dépasse le débat lexical.
    En Suisse, la question ne se pose plus, puisque des votations concernant le mariage et la procréation ont eu lieu. Et le terme technique en question ne se trouve plus dans le code civil, si j'ai bien compris.

  • Merci Homme Libre. A Genève, les mondialo-gaucho-verdo-wokistes s'en prennent non seulement au père de famille, mais désormais aussi à Dieu qu'ils veulent démasculiniser. Moi je les mettrais en boîte très facilement, car en parlant de Dieu, Jésus lui-même l’appelle toujours son père! Cela vous inspirera peut-être une suite au présent billet:

    https://www.dreuz.info/2022/01/demasculiniser-dieu-geneve-reagit-a-ce-projet-de-leglise-protestante-258595.html

  • Je suis quelque peu surprise de lire cette expression "bon père de famille" pensant naïvement sans doute qu'elle n'existait plus.

    Vous écrivez : " ... fonction symbolisée par le père duquel on exige un comportement quasiment exemplaire " : Or, le droit définissant l'homme et la femme égaux, cette expression est quelque peu désuète.

    En revanche, elle doit continuer à exister dans le cadre d'une séparation voire d'un divorce, permettant à l'Homme d'être qualifié de "Bon père" lorsqu'il a la garde des enfants parce que trop
    souvent on le voit uniquement comme un porte-monnaie qui s'ouvre une fois par mois ...

    Un de mes voisins est un "bon père de famille" et je puis assurer qu'il est dans ce cas exemplaire : il a mené une" bataille" pendant cinq ans contre des interventions des SPJ & Cie mais a tenu bon et ses deux fils sont fiers de leur père.

  • Dans mes jeunes années, lorsque j'ai loué mon second appartement, le propriétaire m'a demandé de vivre "bourgeoisement". C'est à dire raisonnablement sans créer de nuisances. L'expression m'avait bien plu même si je pense que les vrais bourgeois sont propriétaires plutôt que locataires.
    Pour le latin, la mère de famille était désignée par le terme "domina" (de domus) qui a donné pleins d'avatars : donna, dame, domination....

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