Déréglée, la météo ? TF1 l’affirme, les archives l’infirment.
Ce mardi 3 octobre le 13 heures de TF1 ouvre sur un résumé météo. On annonce une baisse des températures. Puis reportage sur la tempête Philippe qui déverse des trombes d’eau sur la Guadeloupe, précisément la région de Basse-Terre.
À Vieux-Fort on a relevé 314 mm de pluie en 24 heures. C’est beaucoup. Notons que les fortes pluies ne sont pas si rares dans la région. Plus au nord, au Raizet près de Pointe-à-Pitre, on a mesuré 596 mm en 24 heures, en 1981. Et 597 mm en 1977, ou encore 696 mm le 20 mai 1979.
Après le reportage la présentatrice, Marie-Sophie Lacarrau, revient sur l’annonce météo du jour: une grosse chute des températures dès mercredi. La vidéo est en fin de note, à partir de 2’50’’.
« La météo qui se déchaîne, on l’a compris, qui se dérègle. »
Pourquoi? Parce qu’on attend une chute de température de 12° environ. Conne si cela était exceptionnel. Ça ne l’est pas, et c’est plutôt un bon signe, signe que les courants aériens nous renvoient plus souvent les masses d’air atlantiques, comme par le passé.
Mais voyons cela. D’abord, quelle est la règle à laquelle la météo devrait se plier sans nous inquiéter? Un temps calme, vent moyen, peu de pluie, pas de tempêtes, pas de ces secousses auxquelles l’humanité est pourtant habituée depuis la nuit des temps?
Que s’est-il passé en cinquante ou cent ans pour que nous ayons oublié les fureurs du ciel? Comment croyons-nous que se sont formés les riches plaines qui nous nourrissent? Par des phénomènes météorologiques extrêmes, entre autres, certains probablement plus extrêmes qu’aujourd’hui.
Et cela continue. La relative stabilité climatique de l’Holocène, qui heureusement ne connaît plus les variations de températures de 5° à 10° en plus ou en moins en quelques décennies comme il y a environ 14 000 ans, n’est pas exempte de phases extrêmes. Nous voudrions contrôler le climat, mais nous ne le pouvons pas.
Quand j’étais gamin j’entendais parfois dire dans ma campagne: le temps est détraqué, il n’y a plus de saisons. Vrai ou non? Je cherche alors dans les archives.
Tiens, par exemple l’année 1945 dans l’ouest de l’Europe. Je n’étais pas né mais les chroniques existent. Elle fait partie d’une décennie très chaude et sèche, avec des années record. Cette période montre des similitudes avec l’actuelle: vagues de chaleurs successives, sécheresses répétées, variations brusques.
Cela pourrait correspondre à un cycle d’environ 70 ans, qui est aussi celui d’un phénomène connu en météorologie: l’Oscillation atlantique multidécennale. Tous les trente ans environ les températures de l’océan Atlantique s’inversent entre le nord et le sud. Il y a comme une respiration: plus chaud, moins chaud, etc. Cela influe sur la météorologie de l’Europe, avec des phases plus sèches et d’autres plus humides.
Mais revenons à l’année 1945 telle que décrite dans la chronique du précieux site météo-paris.com. Quelques extraits courts:
Janvier, vague de froid, 20 jours de neige sur les 3/4 de la France.
Février doux, le troisième plus doux du siècle.
Chaleur exceptionnelle à mi-avril, 32° à Perpignan, 30° au Mans. Selon le site, « seule la vague de chaleur du mois d’avril 1934 a été plus forte. »
Début mai, vague de froid et neige jusqu’à Bordeaux. Fraisiers et pommes de terre sont gelés.
Du 7 au 17 mai: vague de chaleur: 36° à Montpellier, 32° à Paris. L’image 2 montre une configuration que les lect·eu·r·ice·s (hum hum…) de ce blog connaissent déjà: l’aspirateur à chaleur composé de l’anticyclone à l’est et une dépression à l’ouest. L’idéal pour aspirer l’air chaud du sud. C’est toujours la même chose qui se passe dans nos actuelles vagues de chaleur.
Fin juin: canicule, 42° à Montpellier, et orages violents avec grêlons de 400 gr dans la Loire. En juillet de nouveaux orages de grêles touchent les mêmes régions (ndla: comme cela s’est passé récemment en septembre en France).
Mi-juillet, des 37° et 39° sont légions.
Dans l’ensemble l’année 1945 est la plus sèche du siècle (après celle de 1921, année d’extrêmes météorologiques).
Je reviens maintenant à ma question initiale: quelle est la règle?
Elle est d’abord générale. L’inclinaison de la Terre favorise la chaleur en été et le froid en hiver. Entre ces deux pôles de très nombreuses situations sont possibles. Les variations font partie de la règle. Ensuite elle dépend de conditions de pression, mais aussi de topographies particulières.
On peut donc donner des fourchettes de températures sur plusieurs mois, des tendances, mais pas plus. Les automnes encore presque chauds et les hivers doux ne sont pas anormaux.
Par exemple, ce que l’on nomme l’été indien, ou été de la Saint-Martin en France. Entre le 20 octobre et le 11 novembre des vagues de chaleur peuvent remonter très au nord.
On voit sur l’image 3 et le gif animé ci-dessous une descente froide sur l’ouest des États-Unis, qui est associée à - et interdépendante d’un système qui fait en même temps remonter de l’air tropical du sud jusqu’au nord-est des USA et au Canada. Atteindre les 20° pendant une semaine au début novembre est possible. Pourtant c’est contre-intuitif: l'ensoleillement est faible à cette période, les températures devraient diminuer.
Cela montre aussi que les évasements du jet-stream, attribués un peu rapidement au réchauffement, existaient de longue date et font partie du nécessaire brassage des masses d’air. Ce brassage est nécessaire entre autres pour apporter de la pluie sur le plus grand nombre de territoires possibles.
Alors quelle est la règle?
Dérèglement n’est pas un terme approprié. C’est un des mots de la peur.
Jet stream: