Bruit de sonnette dans la nuit. Une voix angoissée à l'interphone:
- Bonsoir, laissez-moi monter!
Pas de réponse, juste un halètement entrecoupé de sanglots. J'insiste. La voix, féminine, reprend:
- Laissez-moi monter s'il vous plaît. Je suis si mal. On pourraît me reconnaître!
Cette détresse m'émeut et j'ouvre l'entrée de l'immeuble. Quelques instants plus tard elle entre. Sous sa voilette, Ségolène ressemble à une madonne échappée de Lourdes. Sa voix est étranglée. Je suis surpris.
- Vous?! Si je m'attendais à vous voir! Que puis-je pour vous?
- J'ai une grosse grosse problémation, je ne sais plus comment m'en sortir. Régulièrement je provoquache, je m'époumonnelle, je dis n'importe quoi, mais en retour tout le monde me critiquèle. Pourquoi ne m'aimasse-t-on pas? Pourquoi suis-je pareillement rejetée? On me hait, on me jette dans les flammes, on me poursuit, on me persécute! Je vis dans l'horreur chaque seconde. J'ai même vu Nicolas III l'usurpateur pénétrer mon intimité domiciliaire.
- Ah, Ségolène, je vous ai entendue et vue dans les médias, et j'avoue comprendre la perplexité de vos concitoyens. A part les groupies et fans idolâtres qui vous encensent, vous ne trouvez plus grâce auprès des gens qui réfléchissent. Vous, lumière de la virginitude, sauviteuse de la France! Quelle ingratitude. Je compatissionne.
Il faut savoir parler le langage des autres. Je parle donc le sien.
- Oui, ma souffrance est abracadabrantine. J'ai besoin de vos conseils car je vous ai lu, vous m'incendiez régulièrement comme si j'étais Jeanne d'Arc, mais je reconnais vos compétencettes. Acceptez-vous de me coacher pour regagner la première place dans le coeur des français?
Je réfléchis. Son problème est vraiment complexe. Ses éclats publics me font douter de son bon sens. Dois-je la renvoyer chausser ses charentaises en attendant des jours meilleurs? Je lui offre un Pinot cuvée présidentielle et lui propose une piste (noire).
- Si vous lâchiez déjà votre féminismus bêlant – excusez-moi de vous parler ainsi mais je ne suis pas là pour vous faire plaisir, n'est-ce pas? Et si dans votre bravitude vous preniez votre couragitude à deux mains et cessiez enfin de vous éparpillonner dans ces interventions qui commencent sérieusement à faire sourire?
Elle fond en larmes sur son sac en crocodile LVMH. Elle semble si sincère derrière son masque qui, depuis le début de l'entretien, n'a pas lâché le sourire-cactus qu'elle arbore habituellement.
- Ma Ségolitude est terrible à supporter. Il y a en moi quelque chose de Tennessee. Pourquoi ne suis-je pas vraiment aimantée? Pourquoi tant de hainitude? Dites-le moi, aidez-moi, je n'en peux plus. A force de donner le change mes joues se sont pétrificationnées, j'ai mal aux maxillaires supérieures (il n'y a rien d'inférieur chez elle), je prends de l'Arnica mais rien n'y fait. J'aimerais tant m'abandonnationner dans les bras de la France et jouir pleinement de la plus hautaine vue. Je serais une maîtresse parfaite.
Je m'interroge, regarde où elle a posé son fouet, et en profite pour l'interroger dans le même élan.
- Dites-moi Ségolène, cherchez-vous un coach, un thérapeute ou un mec?
- J'ai déjà un psy, mais je ne comprends pas: il baisse les bras et ses épaules tombassent dès que j'entre dans son cabinet. Il me dit que j'en aurai pour au moins quinze ans. Cela fait 2023, pas 2012! Il n'y aura pas d'élection en2023! C'est insupportable, je souffre!
- Bah, lui dis-je pour la rassurer, ce ne sera pas une souffrance plus grande que celle que vous avez infligée à des centaines d'hommes enseignants entre 1997 et 2002.
- Ne me parlez pas de cela, dit-elle. C'est ma cauchemaritude. Dites-moi plutôt comment faire pour être la numéro un sans avoir besoin de dire autant de bêtises.
Je réfléchis, la regarde des pieds à la tête, soupèse son look et sa gestuelle. Enfin je lui dis:
- Vous pourriez déjà faire plus dans la modernitude. Je vous suggère d'opter pour la minijupe en jean, avec une coiffure légèrement plus punk. Vernis à ongles violet, talons de 22 centimètres, visage très blanc style manga. Oui, choisissez la mangapunkattitude. Je vous assure, on ne parlera plus que de vous. Vous pourriez même passer chez Drucker et chanter "Toute première fois", les mains devant les yeux et le corps déhanché. Ce serait enthousiasmant.
- Non, non, pas punk, c'est de la ringaritude!
- Alors allez-y carrément sexy, mettez en valeur vos atouts féminiques sans le dire, l'air de rien. Habillée sans fioritures ni goût de luxe, et sans votre armure virginale. Regardez les français droit dans les yeux… Soyez accessiblesque, Ségolène, et chantez-leur la Marseillaise en petite tenue!
A ce moment mon portable sonne.
- Allo? Oui, bonsoir Bertrand. Comment allez-vous? Je suis si heureux de vous entendre. Un instant, je vous reviens.
A Ségolène:
- Excusez-moi, je dois vous laisser, j'ai Bertrand Delanöe au bout du fil. Reprenez rendez-vous pour continuer notre travail. Et n'oubliez pas: naturelle, simple, accessiblesque et sans armure.
lui dis-je en la raccompagnant. Je suis soulagé de la voir partir: sa Ségolitude me semble indécrottable. Puis je reprends mon portable.
- Alors Bertrand, comment ça va? Ah… Bien… Les libéraux vous suivent? Notre stratégie a bien fonctionné, tant mieux. Que puis-je pour vous cette fois? Ah… oui… attirer les sportifs… ok, alors voilà mon idée..
(Fin du premier épisode).
Commentaires
Est-ce un scénario dystopique ?
Que faut-il faire pour éviter de tels cauchemars ?