Quel impact a eu la révolution sexuelle des années 60 à 80? Quel sens avait cette forme de libération?
Jusqu’au milieu du 20e siècle, la sexualité était très encadrée, voire taboue. Des siècles de religion mal comprise en avaient fait surtout un objet de péché et de gêne, même à l’intérieur du couple. Dans plusieurs pays d’Europe, les femmes portaient une chemise de nuit avec seulement une ouverture au niveau du pubis, et cela encore en partie au 20e siècle. Des couples ne voyaient jamais leur conjoint-e nue, de leur vie! Il y avait une réelle distorsion sur la sexualité, distorsion dont la deuxième moitié du siècle a voulu se débarrasser en rouvrant les portes du plaisir et d’une certaine liberté.Dans ces années audacieuses la sexualité s’est vécue comme une révolte sociale et philosophique. Une prise en main de sa propre expérience. Un décloisonnement des relations, un refus des hypocrisies. Quels modèles avions-nous? Des rigides et des hypocrites. Le triangle amoureux femme-mari-amant-e était caché mais très populaire dans le théâtre de vaudeville qui le glorifiait. Nous avons tenté de sortir de l’ombre, mis la vie au grand jour, découvert nos contradictions. Nous reprenions possession du désir, de notre désir, source d’autonomie et d’identité différenciée du moule socio-culturel dominant.
La révolution sexuelle était
une révolution culturelle.
La sexualité était redevenue un lieu d’extase et de découverte de soi. Un lieu de révolte aussi contre une société vécue comme rigide, autoritaire et hypocrite. La transmission entre les anciens et les jeunes était brisée : trop de décalage entre les mots et les actes. Nous devions reconstruire des repères, traverser les grandes eaux de la vie, faire l’expérience personnelle des choses. Dans cet élan libérateur, la sexualité était le lieu d’une insoumission à l’autorité morale étouffante, réductrice, qui avait perdu tout crédit. Une révolte saine contre l’hypocrisie et les tyrans en tous genres. La religion avait enfin desserré son étau dirigiste qui tuait la conscience individuelle sous prétexte de l’élever. La perversion n’était pas dans la libération sexuelle, mais dans les autorités d’alors qui avaient fini par détruire les bases de la maison Europe. Le droit des puissants et ses armées avaient ruiné, ensanglanté l’Europe, la belle Europe. Les bains de sang du vingtième siècle étaient l’aboutissement logique des tyrannies politico-religieuses du dix-neuvième siècle. Le fascisme rouge ou brun était la forme extrême de l’autorité pervertie. Il fallait, oui, il fallait construire une nouvelle Europe, une nouvelle morale, une nouvelle manière d’être en relation, une nouvelle parole.
Dans ces temps jubilatoires le plaisir vint en libération de l’esprit. L’armée pacifique des insoumis jouisseurs réclamait l’ici et maintenant de son corps et la responsabilité de sa vie. Quelle insoumission, quelle révolte magnifique, quel éveil, c’était jubilatoire, oui ! Jouir de la vie pour être au cœur de la vie.
Le féminisme de l’époque chevauchait sur cette liberté sexuelle qui rendait le plaisir à la femme.
Bien sûr, cette liberté a choqué les vieux barbons. Mais imaginez qu’à l’époque une fille-mère était rejetée de la société, elle avait “fauté”. Etre en couple et avoir des enfants sans être marié était limite immoral. Bref, la libération des carcans d’oppression sur la sexualité. Car la sexualité avait été de longue date l’un des domaines où l’oppression atteignait l’individu sans son intimité.
Aujourd’hui, l’époque vit dans la psychose de ce qui touche à la sexualité. On ne parle que de pédophilie, de viols, de pornographie, comme si c’étaient la conséquence de cette libération. Mais il faut savoir que cela a toujours existé, que ce n’est pas nouveau. L’érotisme dévoilé existait déjà en de nombreuses cultures. Montrer des gros plan de coït n’était que démasquer l’hypocrisie qui montrait au cinéma des couples en fornication, mais où on ne voyait que les visages - je pense par exemple à “Un homme et une femme”. Si on les montre au lit, pourquoi choisir de ne montrer que les visages, et pas le reste? Hypocrisie. Cela dit, la pornographie s’étant centrée elle aussi sur une seule partie de l’anatomie, elle est hélas bien réductrice de la beauté de la sexualité.
Mais au fond, à part les gros plans, quelle différence y a-t-il entre la pornographie actuelle et le théâtre de vaudeville qui depuis deux siècles ne fait que parler du triangle mari-femme-amant-e? Cette pornographie bourgeoise ne valait pas mieux.
Alors oui, il y a eu une certaine libération de la sexualité. Elle n’est pas encore aboutie, car il faut la repenser, la cadrer sans revenir en arrière. Le retour en arrière est pourtant parfois perceptible. Et je suis surpris de constater que les féministes professionnelles actuelles sont devenues aussi puritaines qu’à des époques que l’on aurait pu croire révolues. La pin-up Betty Page est décédée: elle a certainement fait plus pour que les femmes reprennent leur droit à l'existence que les interdictions d'affiches jugées sexistes alors même qu'elles sont souvent pudiques, et en tous cas pas plus impudiques que les affiches avec des hommes nus.
La sexualité est belle, elle se fait selon le désir mutuel des partenaire, elle n’est pas sale, au contraire, elle est sources d’extases intérieures autant que physiques.
Et tant pis si je choque quelques puritaines.
Commentaires
Bonjour! Y a-t-il censure sur mon billet de ce matin? Il n'apparaît pas dans la liste comme d'hab. Je l'ai republié, idem. Il est bien dans ma liste des billets, mais pas visible ailleurs, alors voilà je me fais un peu de pub avec ce commentaire!
Bonjour!
Nous voyons bien votre billet hommelibre, pour notre plus grand plaisir.
"La révolution sexuelle était
une révolution culturelle."
C'était, c'est surtout une révolution anti-chrétienne. Le christianisme condamne le sexualité "pour le plaisir". Il ne légitime celle-ci qu'à une fin de procréation. Le christianisme avait été expulsé de l'Etat. Il restait à l'expulser des cerveaux. Voilà c'est en partie fait.
La pornographie telle qu'elle est représentée est le corollaire de la répression de la sexualité voulue par l'idéologie chrétienne. C'est une sexualité mécanique privée de sentiments, découlant en droite ligne de la séparation du corps et de l'esprit qui est à la base du christianisme. Comme quoi cette idéologie religieuse continue à polluer les esprits, même de ceux qui entendent briser un tabou.
Bonjour à tous,
La pornographie, c'est aussi le culte de la performance, qui sied bien à notre société.
Nous avons accepté notre sexualité et pouvons la vivre sans honte. Par contre elle n'est pas toujours libératrice si elle se vit sans désir, pour être conforme ou pour être le/la plus désirable. Il y a là pour moi un danger.
Oui Pascale. Le désir mutuel est trop important.
Suis un peu hors wifi ce soir, je ne peux suivre autant que je le voudrais. Johann, oui et non, incomplet. J'y reviens dès que possible.
Du neuf et du frais pour vous ici, hommelibre:
http://chroniquesdamerique.blog.24heures.ch/archive/2008/12/13/quebec-alerte-rouge.html
J'ai bien aimé, bravo à Gary !
;o)