Les députés genevois vont plancher aujourd’hui sur la suppression du jury populaire. Un article de la Tribune, sous la plume de Catherine Focas, récapitule les arguments pour et contre.
Cette réforme judiciaire est provoquée par le nouveau Code de Procédure Pénale de la Confédération. L’un des volets est l’abandon du juge d’instruction au profit d’un Ministère Public (l’accusateur) renforcé. L’autre est la professionnalisation des audiences et donc l’abandon du jury.
Je suis d’emblée perplexe - et le mot est faible - devant l’ensemble de cette réforme. Le système judiciaire suscite déjà une large méfiance dans la population, comme l’a démontré l’enquête de satisfaction rendue publique l’an dernier. Les dérives du système, si elles ne sauraient concerner l’ensemble des juges, sont assez nombreuses pour qu’une autre réforme soit engagée: celle de la qualité et de la surveillance des magistrats, qui devraient être appelés à rendre des comptes devant une instance neutre et non devant le Conseil Supérieur de la Magistrature.
J’ai fait un billet sur le sujet au printemps dernier, je n’y reviens pas ici.
En ce qui concerne la suppression des juges d’instruction, on perd un garde-fou entre le citoyen et l’accusateur public. Par définition le Ministère public a la charge de prouver les éléments de l’accusation. L’instruction qui doit être menée à charge et à décharge va en prendre un coup - que l’on me corrige si je me trompe. On sait déjà que dans de nombreuses affaires la présomption d’innocence est bafouée. Ici, ne passe-t-elle pas directement à la trappe?
En ce qui concerne le jury populaire, il est certes faillible et influençable, soit par un président de Cour, soit par ses préjugés, soit par les émotions d’un procès. Il est intéressant de lire le petit livre d’André Gide, Souvenirs de la cour d'assises, où il relate son expérience de juré au début du siècle dernier. Ce serait pittoresque si ce n’était pas dramatique dans certains cas. Cette lecture pourrait inciter à supprimer le jury.
Pourtant les jurés sont un garde-fou contre l’arbitraire judiciaire. Quand une affaire est lancée, quand un procureur charge la barque de l’accusé, les jurés peuvent inverser le cours des choses. N’avoir que des juges devant soi est-il garant d’une lecture objective de l’affaire pour un accusé? Vu la tendance, j’en doute un peu. Il faudrait pour cela que tous les juges soient dotés d’une totale indépendance d’esprit à l’égard de leurs confrères. Peu font preuve de cette indépendance.
Les arguments contre le jury tels qu’énoncés par Me Olivier Jornot sont assez limites et laissent entendre que les jurés sont des gens stupides et incapables. Il y a en peut-être, mais de loin pas tous. L’affaire que j’ai connue personnellement m’a montré l’importance d’un jury indépendant.
Me Vincent Spira soutien au contraire l’institution du jury, qui pourrait être maintenu malgré les disposition fédérales.
Je demande aux députés de tout faire pour préserver le jury, garde-fou contre l’arbitraire judiciaire. Il y a d’autres réformes à envisager telles qu’énoncées dans mon billet sus-mentionné, et plus de moyens à donner à la Justice pour avoir plus de juges d’instruction.
Et surtout il faut superviser la justice, réaliser des audits par des commissions indépendantes, évaluer leur travail, et sanctionner les mauvais juges. Si l’on veut disposer d’une justice qui protèges les valeurs de la société et respecte les citoyens, la réforme envisagée ne va pas dans ce sens. Elle est peut-être pragmatique mais tout un pan fondamental, philosophique de la Justice tombe.
Commentaires
Je vais m'y employer cet après-midi en amendant l'article 137 du projet de loi pour que le jury populaire soit maintenu.
p.l.
Génial, bravo!
Bonjour,
Je me permets de vous renvoyer à deux de mes billets consacrés à la suppression du jury populaire http://enfaitetendroit.blog.24heures.ch/archive/2008/06/11/proces-de-f-l-a-vevey-le-dernier-jury-populaire.html
et à celle du juge d'instrution http://enfaitetendroit.blog.24heures.ch/archive/2009/01/08/suppression-du-juge-d-instruction-sarkozy-a-du-retard-sur-la.html.
Avec mes meilleurs messages.
Bonjour, merci pour l'info. J'ai lu vos deux billets et je constate avec soulagement que lots de l'instruction et pour tous les actes l'avocat sera présent dès la première heure, et que ce n'est plus le juge d'instruction qui arbitrairement peut décider d'une détention provisoire. J'ai pu malgré moi "apprécier" les dégât d'une juge d'instruction toute pleine de ses préjugés, bref, vous avez peut-être déjà lu sur mon affaire.
Bien à vous.