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De Berlin à Jérusalem: d’un mur à l’autre

9 novembre 1989. Je me souviens. J’écoutais France-Infos en rentrant après le travail. J’habitais alors derrière le Salève. D’Etrembières à La Muraz, la route tourne souvent. Je frottais mes yeux humides pour ne pas manquer un virage.

berlin3.jpgA la radio, émission spéciale sur émission spéciale. Les reportages en direct se succédaient. Le speaker annonçait un moment historique. On entendait des Allemands crier. Pas des cris militaires, ni des cris de douleur ou des cris de haine. Non: des cris de joie. Une joie qui montait de tout un peuple dans le ciel de Berlin, qui voyageait par les ondes, envahissait la voiture.

J’ai mis la radio très fort, ouvert ma fenêtre, et je criais par la fenêtre: «Le mur tombe!» C’était plus qu’une euphorie: une libération. J’étais un berlinois, nous étions tous berlinois. Dans cette fin d’après-midi de novembre le monde changeait. Des dizaines d’année de tension, de haine réciproque - nous savions ce qu’était le régime communiste avec ses millions de morts et de déportés dans les goulags - tombaient en poussière sans effusion de sang.

L’espoir d’un autre monde porté par les années 70 se matérialisait en un seul jour. La dictature cédait par impuissance. Le bain de sang de Budapest, l’écrasement du printemps de Prague, n’étaient plus des échecs de la liberté, mais des signes précurseurs. Le soir, à la télévision, l’image de ce couple arrosé par des lances à eau, mais debout sur le mur, symbolisait la liberté attaquée mais droite sur ses jambes.
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Etait-ce trop beau? Nous étions-nous aveuglés sur Tien-An-Men cinq mois plus tôt? Sur l’apartheid qui durait encore? Mais qui n’a pas cru en un monde différent à ce moment? Les humains cultivent volontiers la mémoire de leurs drames. Mais combien plus faut-il se souvenir de ces moments de liberté!

Et puis, le temps passe vite. Les difficultés de la réunification nous ont rappelé à la réalité. Mais comment prévoir ce qui était à venir?

2005. Israël commence à construire un mur autour de son territoire. Autant je soutiens le droit d’Israël à vivre en sécurité, autant j’attends un vrai pays pour les Palestiniens. L’immense espoir de paix suscité par Rabin et Arafat était mort. Le nouveau mur était un cruel symbole après la chute de l’ancien. Les Hommes veulent-ils vraiment la paix?

D’autres murs se créent. La guerre est passé de Berlin à Manhattan et Kaboul. La joyeuse liberté des hommes et des femmes est devenue une mitraillette par Justice interposée. L’ouverture entre les peuples est devenue un minaret-missile sur une affiche. Pourquoi, comment les humains en viennent-ils à cela?

berlin1.jpgLe travail continue. La paix en soi, autour de soi, dans le monde. Faire chuter les murs que nous construisons jour après jour dans nos têtes, avec tellement de bonnes raisons.

Allons, pas d’amertume. L’amertume est une défaite. Le monde est ce qu’il est.

Continuer à croire, à avoir envie, à créer en soi la place d’un autre monde, à le mettre en place autour de soi. Brique à brique. «Le monde construit trop de murs, pas assez de ponts» disait Albert Einstein. Le mur, c’est là d’où nous venons.

Ce qui nous attend est peut-être plus bleu que le ciel, ou plus rouge que le sang. Mais il faut garder en mémoire ces moments de liberté. Les garder comme des joyaux, plus précieux que toutes les mines de diamant, que tous les puits de pétrole, que tous les lingots entassés dans les banques. Que tous les blindés alignés derrière les barbelés que nous déroulons inlassablement.

L’époque est aux murs. Peu m’importe d’être à contre-courant. Je garde mes rêves. Etre dans ce monde n’oblige pas à être de ce monde. J’aimerais n’être pas de ce monde. Mais j’en suis aussi. A moi donc de travailler à en changer l’image. Le monde est à l’image de ce que chacun en fait. Le monde n’appartient pas aux chefs de guerre. Il appartient  à tous. Ou a personne. Il est bien plus libre que ce que les lignes Maginot de notre esprit n’imaginent.

Les lignes Maginot n'ont pas d'imagination. La liberté, oui.

 

 

 

PS: Le mur qui sépare les otages suisses de Kadhafi de leur familles est invisible. Mais il est aussi large que le désert...

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Catégories : Politique 2 commentaires

Commentaires

  • Avec l'anniversaire de la chute du mur de Berlin,il est souvent évoqué les autres murs " de la honte " comme celui d'Israël envers les palestiniens ou celui qui bordes sur la frontière mexicanoaméricaine.

    On peut regretter ces deux derniers,mais là,il s'agit avant tout des murs sécuritaires,alors que celui de Berlin fut construit pour empêcher les allemands de l'est de quitter l'arrière du rideau de fer.Cela fait quand même une différence.

    D.J

  • d.j., vous avez raison sur cette différence. Cette dimension concrète est malheureusement réelle. Mais sur un plan philosophique ou spirituel, le symbole est identique: séparer les humains et les dresser contre eux-mêmes. c'est la réalité, oui. Mais voilà, je suis un grand rêveur...

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