Etrangeté du temps, de ses multiples et successifs paysages qui se déroulent tels des décors peints par une armada d’artistes dont on ne sait s’ils se sont vraiment mis d’accord préalablement sur l’oeuvre.
De ce flou initial parsemé de lait régurgité et des seins de la mère dont nous perdons tout souvenir, surgissent peu à peu des traces, des lieux furtifs, des portions de visages, premiers bouts de mémoire.
«Enfance
Au jardin des cyprès je filais en rêvant,
Suivant longtemps des yeux les flocons que le vent
Prenait à ma quenouille, ou bien par les allées
Jusqu'au bassin mourant que pleurent les saulaies
Je marchais à pas lents, m'arrêtant aux jasmins,
Me grisant du parfum des lys, tendant les mains
Vers les iris fées gardés par les grenouilles.
Et pour moi les cyprès n'étaient que des quenouilles,
Et mon jardin, un monde où je vivais exprès
Pour y filer un jour les éternels cyprès.»
Guillaume Apollinaire
Puis l’apprentissage des codes, des personnages, de la liberté ou de la souffrance. Ah, ces rêves d’envol, et ces ailes si lentes à pousser!
Et l’adolescence quand le désir s’éveille, quand la fille devient femme et le garçon en perd le nord!
"Le cancre
Il dit non avec la tête mais il dit oui avec le cœur il dit oui à ce qu’il aime il dit non au professeur il est debout on le questionne et tous les problèmes sont posés soudain le fou rire le prend et il efface tout les chiffres et les mots les dates et les noms les phrases et les pièges et malgré les menaces du maître sous les huées des enfants prodiges avec des craies de toutes les couleurs sur le tableau noir du malheur il dessine le visage du bonheur.
Jacques Prévert"
Puis le début du temps de l’adulte, un autre voyage commence.
Et Brel, qui a chanté ce temps, d’un voyage à l’autre, à sa manière.
PS: Et Max Göldi, dans sa prison, sans savoir ce qu’il fait là comme un ado ayant perdu le nord.