Ca souffle chez nos voisins français, il y a même des bourrasques. Sont-ce les effets du nuage de cendre? Le mot cendre me fait penser à mercredi des cendres, lendemain du carnaval dans le christianisme, jour de pénitence. Nous avons eu nos personnages voilés en Europe chrétienne: les pénitents du carême, et les pleureuses. Ces voiles étaient bien contextualisés et leur port était très précisément limité dans le temps. Le but n’était pas de se cacher.
Aujourd’hui le débat porte sur le voile intégral, soit le fait de se cacher délibérément. Se cacher comme un acte de déni culturel contre le mode de vie européen, comme un acte politique pour marquer clairement sa différence et son refus d’intégration. Car ne nous trompons pas, le voile intégral c’est cela. Et sur le terrain la violence du climat montre bien que cette question n’est pas anodine, que le port du voile blesse quelque chose dans l’évolution de la conscience et de la pensée occidentale, et qu’il y a volonté de commettre cette blessure par le port du voile.
Sur le terrain donc, l’association "Ni putes ni soumises a organisé" un débat à Montreuil sur le port du voile intégral.
«en présence notamment de Manuel Valls, le député-maire PS d’Evry, du sénateur apparenté communiste Pierre Brard, ainsi que de militantes féministes, mais aussi de femmes portant le voile simple ou intégral et d’islamistes.
Ce débat, qui avait réuni une centaine de personnes, a débuté dans une ambiance difficile et houleuse du fait de la présence des membres du mouvement pro-palestinien Cheikh Yassine.
Très rapidement les coups ont remplacé les insultes.
Les organisateurs ont alors décidé d’arrêter le débat et de faire appel aux forces de l’ordre.»
A Saint-Nazaire aussi cela a castagné, entre deux femmes: une française et une voilée (remarquons que c’est la seule identité possible puisqu’il n’y a plus d’autre signe distinctif. Peut-on même être sûr que c’était une femme?). La première aurait dit:
« Vivement une loi pour qu’on ne voit plus de Belphégor ». Elle conteste avoir tenu de tels propos.
Elle aurait ajouté à l'intention de cette femme voilée :
« Va dans ton pays », selon le procès verbal de gendarmerie.
Une échauffourée entre les deux femmes a eu lieu.
L’avocate aurait frappé la femme voilée, avant que celle-ci donne une gifle à la fille de l’avocate.»
En débat chez Taddéi hier soir sur France 3 j’entendais les femmes voilées comparées à des ectoplasmes. C’est vrai qu’elle ne représentent plus qu’une vague forme, une ombre. L’ombre de l’humain. Le voile intégral est le monde de l’ombre, du caché, du refus de la rencontre avec l’autre.
Certains déplorent que ce débat soit disproportionné en regard des problèmes économiques actuels et qu’il y a plus urgent à s’occuper. Peut-être. Mais peut-être est-ce devenu aussi important, même si cela ne concerne encore que peu de personnes. C'est l'occasion d'un débat de société. La France a trop longtemps refusé de voir en face la question de l’immigration, la laissant à Le Pen et donc en faisant un tabou pour toutes les autres formations. L’humanisme obligatoire à l’égard du tiers-monde interdisait de se demander si cette immigration était digérable. Se poser la question était déjà passer pour raciste. Mais aucun pays au monde ne peut absorber une immigration sans la cadrer et la limiter.
Aujourd’hui il y a indigestion et l’on s’en étonne. Aujourd’hui le Vivre ensemble est questionné et l’on trouve que ce n’est pas le bon débat? On crie à l’islamophobie, alors que les européens commencent à avoir de la peine à se sentir chez eux. Les frontières existent encore. On peut avoir comme objectif la mondialisation communiste et l’abolition des frontières entre des pays assimilés et colonisés politiquement, mais la réalité est plus complexe. Et le débat sur la différence, le soi et le non-soi, les frontières, le vivre ensemble (et donc l'identité), les signes nécessaires de reconnaissance mutuelle, n'est pas un débat d'arrière-garde ou raciste. Il faut oser parler de tout ou prendre le risque d'explosions sociales terribles.
La différence entre soi et l’autre ne s’abolit pas d’un claquement de doigt. D’ailleurs l’autre, dans le cas précis les femmes en voile intégral, ne veulent pas abolir cette différence et cette frontière. Au contraire, avec le voile elles intensifient encore plus cette frontière, matériellement, elles empêchent de voir comment gérer la différence puisqu’on est ici dans une différence qui n’est plus identifiable: on ne peut ni les regarder ni leur parler.
Pourquoi vivre caché quand notre culture tend à mener les choses à la lumière?
C’est sur cette notion de vivre caché des autres que je reviendrai dans un prochain billet.
PS: Pas la peine de se voiler la face: l'otage suisse de Kadhafi ne rentrera pas en Suisse avant la fin de son emprisonnement. Et espérons qu'il rentrera à ce moment-là.