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Le professeur Sornette veut prévoir les crises financières

Non, non, ce ne sont pas des sornettes. Si, si, il s’appelle vraiment Sornette. Didier Sornette. Il dirige une équipe dans un laboratoire de l’Institut technologique de Zürich. Les travaux de cette équipe cherchent à établir une prévisibilité des crises financières.

crise4-etapes-evolution-bulle-speculative.jpgLes partisans du marché pur et dur partent de l’hypothèse que les acteurs du marché sont des gens rationnels et donc qu’il va vers l’auto-régulation et vers l’équilibre. C’est ce que l’on nomme la main invisible du marché. Dans cette perspective, si crise il y a elle est due à des phénomènes qui n’ont rien à voir avec le système.

Pour le Professeur Sornette, au contraire, le système est naturellement instable et les crises sont causées de l’intérieur, par les comportements des acteurs du marché amplifiés par le système:

«Nous avons affaire à des comportements moutonniers, des effets de foule. Ces interactions conduisent à l’emballement et à l’instabilité. Comme pour un tremblement de terre, les tensions s’accumulent jusqu’au krach».

Son équipe utilise une méthode de prévision tenant compte des emballements du marché et des bulles, considérées comme répétitives.

Selon Wikipedia: «Une bulle économique, ou bulle de prix, ou bulle financière, ou bulle spéculative, est un niveau de prix d'échanges sur un marché (marché d'actifs financiers (actions, obligations), marché des changes, marché immobilier, marché des matières premières, etc.) très excessif par rapport à la valeur financière intrinsèque (ou fondamentale) des biens ou actifs échangés.
crise1-supbprimes.jpg
Dans ce genre de situation dite parfois « exubérante », les prix s'écartent de la valorisation économique habituelle sous le jeu de croyances des acheteurs.

Il y a bulle à partir du moment où la logique de formation des prix devient essentiellement auto-référentielle et où le raisonnement d'arbitrage entre les différents actifs ne s'applique plus : un prix démesurément élevé aujourd'hui se justifie uniquement par la croyance qu'il sera plus élevé demain, alors que la comparaison avec les prix d'autres actifs ne peut le justifier.

Ce genre de comportement plus ou moins irrationnel des marchés, créant des anomalies de prix, fait partie des phénomènes qu'étudie la finance comportementale.»


Le Professeur Sornette et son équipe ont donc fait des prévisions à 6 mois sur 4 actifs financiers. Ils les ont mis sous scellés et ressortis récemment. Deux des prévisions étaient exactes, deux contenaient des erreurs. Pour les erreurs, dans un cas la bulle a éclaté plus tôt que prévu (Merryll Lynch) et dans l’autre, le cours du coton, la bulle a continué contrairement aux prévisions.

bulle-de-savon-1.jpg50% de réussite: la méthode n’est peut-être pas fiable. Les paramètres utilisés pour réaliser ces prévisions ne sont peut-être pas les bons, ou pas complets. Ou simplement l’hypothèse est erronée. Toutefois le questionnement sur les bulles et les emballements est très pertinent. Quand, par effet de masse, une entreprise cotée en bourse prend X fois plus de valeur que ses actifs et que la valeur de sa production, il y a problème. Et danger pour l’entreprise. Cela permet peut-être de réaliser des bénéfices dans la vente d’action à la hausse, ou dans la vente de l’entreprise, mais il faudra forcément une correction, un ajustement, avec une perte aussi conséquente que la hausse. Dans ce système, sans régulation des emballements et des bulles, les poussées de fièvres sont faciles et les krachs nécessaires, comme des purges. Ne miser que sur la hausse c’est comme croire qu’il n’y a pas de descentes sur le grand 8.

Le Professeur Sornette et son équipe vont continuer leurs recherches en établissant des prévisions pour un plus grand nombre d’acteurs financiers. Si leur méthode s’affine et produit des constatations fiables et répétitives, cela permettrait de mettre le doigt sur des défauts du système et de les corriger pour limiter l’effet d’emballement et les bulles.

A l’heure où il est question de régulation et de stabilité à long terme du système financier, cette recherche a le mérite de se donner des moyens et de tenter de vérifier ses hypothèses. A suivre.


A lire dans Science & Avenir de juin.



J -3 à Tripoli. Inch’Allah!...

Catégories : société 7 commentaires

Commentaires

  • Merci pour ce billet hommelibre, je n'avais jamais entendu parler de ce professeur Sornette. C'est possible que ça aboutisse à la création d'un outil de prévision économique fiable. Mais je doute qu'il soit jamais utilisé. Il ne sera sans doute jamais étudié dans les universités non plus. Car les prévisions économiques n'ont jamais eu pour but la fiabilité. Au contraire, elles sont délibérément trop optimistes, afin d'influencer les marchés à la hausse ! Autrement dit, elles n'ont pas pour but d'empêcher la création de bulle, mais au contraire, de les faire enfler de plus en plus.

    Pourquoi je dis ça ? Parce que statistiquement, même si elles étaient faites totalement au hasard, les prévisions économiques devraient de temps en temps tomber juste. Un taux de 0% de réussite, taux vérifiable si on prend la peine de se référer aux prévisions des années précédentes, ne s'explique donc que par une manipulation des résultats. Une fois qu'on a compris ça, on ne fie plus qu'à sa propre impression pour juger de la conjoncture et pour décider quoi faire de son argent...

  • Bonjour Kad,

    Se fier à soi-même, c'est réaliste individuellement. Le problème est que l'effet d'emballement existe - spontané ou fabriqué - et qu'il fait des dégâts, de même que les bulles qui surévaluent la valeur d'une entreprise.

    Jouer la hausse pour gagner en sachant que la baisse devra venir corriger les bulles, c'est jouer au yoyo avec l'outil économique. Quand une entreprise est cassée uniquement par la spéculation ou par une baisse brutale, c'est no future.

  • C'est un domaine passionnant, dans lequel l'alliance de l'anthropologie de René Girard (cycle mimétique) et des modèles mathématiques de Benoît Mandelbrot (géométrie fractale) semble promise à un brillant avenir.

  • Raphaël: yes!

  • Que le professeur Sornette existe ou non, merci de rappeler que les comportements humains sont peu guidés par la rationalité, et que les modèles économiques qui nous envahissent pêchent donc par excès de confiance en une qualité bien rare en vous comme en moi.

  • @ PJR:

    Si si il existe vraiment!

    http://www.google.ch/#hl=fr&source=hp&q=pr+didier+sornette+z%C3%BCrich&aq=f&aqi=&aql=&oq=&gs_rfai=&fp=fbb918978a530c8c

    Pour la rationalité, et oui. Mais l'irrationalité a aussi sa fonction créative. Il faut donc pallier au peu de cette qualité en cadrant les activités à trop grand risque collectif, comme la spéculation financière. Si la liberté et la conscience suffisaient, je ne dirais pas cela. Mais hélas...

  • Tous les modèles économique se sont prouvé faux par l'histoire elle même. Il faut donc arrêter les analyses qui prévoient des situations dans des conditions jamais remplis.

    Il faut tout simplement ajuster l'économie au monde actuel et constamment y pratiquer des ajustements perpétuels...

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