Je suis toujours émerveillé par le vivant. La vie est quelque chose d’incroyable. Imaginons un instant que tout cela aurait pu ne jamais exister: pas d’univers, pas de Big Bang, pas de matières ni de particules. Aucun atome ou molécule, ni de complexité qui se développe.
Pas d’humain avec sa si magnifique complexité. Tout scénario est imaginable, et cette question est lancinante: pourquoi y a-t-il eu quelque chose plutôt que rien? Et pourquoi cela, cette vie si impressionnante d’intelligence et d’adaptation, et si cruelle puisque pour vivre la plupart des espèces doivent se nourrir d’autres espèces ou familles biologiques? La polyphagie du vivant me laisse toujours interrogateur.
L’évolution de la particule simple vers la molécule qui est déjà un début de complexité, puis le saut de la molécule à la cellule et les êtres unicellulaires. Puis nouveau saut de l’unicellulaire vers le multicellulaire, soit un saut dans une complexité encore plus grande.
Rien que le cerveau: des milliards de cellules, organisées, interconnectées et interactives, pour produire une forme de conscience, de l’information, pour réguler les centaines d’autres milliards de cellules du corps. Pour produire la pensée, la parole, le décryptage des émotions, l’organisation humaine, l’art, la musique, l’écriture qui défile en ce moment sous mon clavier et à l’écran, la guerre, la paix!
Et bien le passage vers la complexité, justement, s’est produit plus tôt que l’on ne pensait. Les scientifiques le situaient il y a environ 700 millions d‘années, donc relativement récemment . Or des fossiles découverts au Gabon par Abderrazak El-Albani et une équipe de chercheurs permet de dater le saut vers la complexité, véritable début d’une vie organisée, il y a environ 2,1 milliards d’années.
Le Monde y consacre un article:
«Surtout, la datation des fossiles - 2,1 milliards d'années - paraît insensée. Car, si la vie stricto sensu est apparue tôt dans l'histoire de la Terre - il y a sans doute quelque 3,8 milliards d'années -, les scientifiques penchaient jusqu'ici pour une émergence beaucoup plus tardive des formes de vie complexes. Les premiers fossiles en attestant étant datés de 600 millions à 700 millions d'années seulement. Il y a 2,1 milliards d'années, seule l'existence d'êtres unicellulaires - en particulier des bactéries et des archées - était présumée.»
Les êtres multicellulaires auraient donc déjà vécu une longue, longue vie, par étapes successives.
Et depuis lors, c’est la même matière qui se recycle, la même mémoire qui s’enrichit et se complexifie au fil des espèces et de leur évolution.
Quelque part en nous, nous portons les informations de cette époque, une mémoire ancestrale, et toute notre construction s’est faite sur les éléments les plus simples qui existent depuis le début de l’univers. Quelque chose en nous se souvient peut-être de ces temps anciens. Y a-t-il un moyen d’accéder consciemment à cette mémoire? Cette interrogation me fait toujours rêver.
Image: AFP/KAKSONEN.
Commentaires
Dans la conclusion de leur livre "Le visage de Dieu", qui vient de paraître aux éditions Grasset, les frères Igor et Grichka Bogdanov, remontant jusqu'au Big Bang (et se demandant ce qui a pu être ou ne pas être avant le Big Bang), écrivent ceci: > (pp. 252-253).
Vertige.
Dans la conclusion de leur livre "Le visage de Dieu", qui vient de paraître aux éditions Grasset, les frères Igor et Grichka Bogdanov, remontant jusqu'au Big Bang (et se demandant ce qui a pu être ou ne pas être avant le Big Bang), écrivent ceci: "De même que tous les êtres vivants sont précédés d'une information génétique qui "code" leurs caractères physiques, l'Univers pourrait ainsi être précédé d'une information cosmologique qui, elle aussi, ""code"" ses caractéristiques et les grandes lois physiques. Comme tous les codes, ce ""programme cosmologique primordial"" se réduirait à un système d'instructions et de données numériques" (pp. 252-253).
@ Mario;
Merci. Je les ai entendu à la télévision, et j'ai trouvé leur approche très intéressante. Une approche du divin totalement différente de celle des religions. Dieu sans les religions. Cela fera peut-être partie de la profonde transformation que les humains effectuent: dans l'image et la compréhension d'eux-mêmes (avec entre autres les neurosciences), du monde avec la physique et la physique quantique, de l'univers.
Parfois j'ai l'impression que nous sommes au point d'une révolution sans pareille des connaissances et de la compréhension de la vie, que nous sommes bien engagés dans ce processus, mais que nous avons encore nos réactions de Tyrannosaure - et d'ailleurs c'est le cas. Un Tyrannosaure qui court dans un magasin de haute technologie...
A propos de "Dieu sans les religions", j'aime beaucoup l'approche d'Hubert Reeves, l'astrophysicien bien connu, telle que formulée dans une interview accordée il y a quelques années au mensuel de l'Eglise protestante vaudoise "bonne nouvelle":
“Pour les chrétiens et les juifs, Dieu est une personne. Vous le priez, il vous écoute. Ce n’est pas la conception des taoïstes, qui se réfèrent à une entité organisatrice. L’image de ce qui se passe après la mort diffère aussi. Ces questions m’ont fait douter du fait que la religion dans laquelle j’ai été élevé détenait seule la vérité. Tout cela m’a paru provincial. Ce n’était pas à la hauteur de la réalité. Nous sommes devant quelque chose de mystérieux, au-delà de nos capacités mentales. Un peu comme si vous tentiez d’apprendre la géométrie à votre chat.”