Dieu n’est pas plus valaisan que je ne suis chanoine. Mais c’est en Valais que la célèbre phrase du philosophe Nietzsche a été peinte en grand, sur la montagne: «Dieu est mort». Et c’est dans Le Matin de ce jour en page 19 que le dessinateur humoristique Racalbuto en fait un comic strip dont je m’inspire pour le titre de ce billet.
Alors, Dieu: mort de rire? Attention, il y a du blasphème dans l’air. On ne se moque pas de Dieu. Et pourquoi pas? Après toutes les manières dont on nous l’a présenté depuis des millénaires, l’imaginer rire n’est certainement pas la plus repoussante.
Pourtant il devrait pleurer. Pleurer sur l’état du monde et sur le coeur parfois si noir des humains. Mais imaginer Dieu pleurer, c’est insupportable. Car il devrait pleurer depuis si longtemps qu’il serait enfermé dans une tristesse infinie. Et puis il y a un risque de déluge permanent: les larmes de Dieu font les grands orages. Ou la montée des océans.
On pourrait l’imaginer en colère contre la Création et surtout contre l’humain. Mais je crois qu’on a déjà donné sur la colère de Dieu. Alors mieux vaut l’imaginer riant de bon coeur. A en mouiller ses yeux. Car le fou-rire contracte les glandes lacrymales mais pas au point de déclencher le déluge redouté. Ouf!
Dieu est donc mort de rire. Et nous sommes la cause de ce fou-rire, les acteurs malgré nous du spectacle désopilant que nous lui donnons. Lui qui nous imaginait comme le sommet de la Création, aussi parfait que lui puisque qu’il nous a fait à son image selon les textes, il a d’abord eu un long haussement de sourcils, comme étonné du résultat. Puis peu à peu cet étonnement s’est transformé en sourire, puis en rire, pour au final devenir cette hilarité sans fin.
Il rit de tous ceux qui parlent en son nom, tous ces épiciers du spirituel qui vendent chacun leur religion comme étant la meilleure. Il rit de voir autant de prophètes drainer derrière eux autant de foule prêtes à en découdre. Il rit du rougeoiement de la Terre quand les guerres de religions ensanglantent les prairies et les déserts.
Il rit de voir des chefs religieux imposer leur interprétation et leur volonté à des adeptes soumis. Il rit encore plus de voir comment des croyances incroyables ont pu se répandre sans le moindre sens critique. Il rit toujours de voir l’incompréhension entre les peuples, les conflits soigneusement alimentés, les frères qui se déchirent, les amants qui se blessent, les vieux abandonnés, les enfants maltraités, les voleurs, les assassins et tout le toutim.
Et surtout, Dieu fait preuve d’une exceptionnelle lucidité, une lucidité telle qu’elle ferait croire en lui sans passer par le catéchisme: Dieu rit de lui-même.
Car, à voir l’humain aussi imparfait, et ayant fait l’humain à son image, il se rend compte qu’il est donc lui-même très imparfait. Il préfère en rire, signe d’humilité, plutôt de d’en faire une dépression, signe d’orgueil.
Et il se demande encore comment les humains peuvent croire en un Dieu aussi imparfait...
Image 1: Nietzsche. 2: Guernica, de Picasso.