Jérôme Kerviel a donc été reconnu coupable de tous les chefs d’accusation. La sanction claque comme un mauvais réveille-matin. Les réactions contrastées montrent que différentes analyses sont possibles. Il y a ceux qui chargent l’homme, et ceux qui chargent le système. J’ai quelques difficultés à savoir ce qui est juste.
Il semble que Kerviel ait outrepassé le cadre de sa fonction en engageant des montants pour lesquels il n’avait pas reçu mandat. C’est une faute professionnelle. Il a actionné son ordinateur, a pris personnellement des risques, il est donc juridiquement responsable de ses actes. Il n’avait pas de pistolet sur la tempe.
Mais il se trouve que l’époque n’est pas favorable aux faiseurs d’argent, banques ou traders. Ceux-ci choquent par leur cynisme et les montants hallucinants qu’ils mettent en jeu, en oubliant peut-être un peu vite que cet argent est le fruit du travail de millions et de millions de gens qui n’ont pas la maîtrise de ce jeu de monopoly en 3D. Quand aux banques elles donnent la très désagréable impression d’irresponsabilité dans des opérations qu’elles ont parfois elles-mêmes engagées, comme la spéculation sur des créances pourries.
Alors oui, il y a un climat peut favorable aux faiseurs d’argent. Et dans cette débandade de financiers pris dans la crise et dans des pratiques curieuses, chacun tente de se disculper comme il peut.
Que Kerviel soit responsable de ses actes, ok. Mais il aurait été encouragé, puis pris dans une spirale. C’était sa ligne de défense. Dans quelle mesure aura-t-il été encouragé? On ne le saura jamais. Si ce fut le cas on imagine bien que les responsables de la banque l’auront fait sans laisser de trace. Et sa naïveté - ou son aveuglement cupide - aura été de ne pas exiger une couverture.
Attaquer la banque c’était attaquer le système. Le système favoriserait la folie des traders? Et alors? Rien ne les oblige à sortir du cadre. Soit ils ont une éthique personnelle et professionnelle, soit ils ne l’ont pas. En l’occurrence la cupidité de Kerviel a été plus importante que son respect de lui-même. Alors, le faire passer pour une victime, c’est pousser le bouchon un peu loin. Le système est un bon prétexte pour abandonner sa propre responsabilité. Le système est fait d’humains qui l’alimentent. Il ne se fait pas tout seul.
Marre d’entendre à la radio des économistes incriminer le système! On attend des individus responsables, pas des gamins qui jouent les victimes de Big Mother. Kerviel est un prédateur parmi d’autres prédateurs. Comme Picsou il n’avait plus que des $ dans les yeux. Et s’il avait gagné, je mets ma main au feu qu’il ne se serait jamais plaint d’être une victime.
Ah oui, au fait, s’il avait réussi? S’il avait fait gagner 5 milliards d’euros et qu’il n’y ait pas eu la crise? Tout le monde l’aurait encensé? Je le pense. Il reste qu’il aurait aussi joué avec l’argent des autres, de ceux qui bossent et nouent à peine les deux bouts. Mais on pardonne tout aux gagnants. Là, il a perdu. Rien ne lui est épargné.
Cela dit cette condamnation pourrait faite école. Quand un établissement financier prend des risques très importants et perd de l’argent, ne devrait-il pas payer, et ceux qui ont couvert ces opérations ne doivent-ils pas rendre des comptes sur leurs biens personnel? Cela en ferait peut-être réfléchir. L’idée c’est juste de vivre dans une société qui encourage la responsabilité individuelle - pilier indispensable du libéralisme social grâce auquel nous disposons de beaucoup de liberté.
Si Kerviel est jugé responsable, les dirigeants des grandes banques qui ont couvert la titrisation de créances trop difficilement recouvrables à des gens mal informés devrait aussi être jugés. Quand une tribune s’effondre dans un stade de foot, on cherche les responsabilités: qui sont ceux qui ont fabriqué, monté cette tribune? Y a-t-il eu négligence passive ou délibérée? Vendre des créances dont la seule solvabilité repose sur une montée permanente de l’immobilier, ce n’est qu’un pari. C’est comme vouloir faire tenir un échafaudage avec du papier collant. On espère juste que ni le vent ni les mouvements des spectateurs ne viendront faire bouger l’ensemble. Le vrai libéralisme a des limites. Sans quoi, on pourrait aussi encourager les détenteurs de fonds à faire des bénéfices sur des virus informatiques - ou sur des aliments avariés.
Cette condamnation vise probablement en partie à donner une leçon aux traders. Peut-être en faudra-t-il aussi une aux dirigeants d’établissements financiers. Parce que, quand-même, il est permis de se demander comment la banque a pu ne rien voir alors qu’il semble qu’elle ait été avertie des montants démesurés engagés par Kerviel.
4,9 milliards d’euros. 170’000 ans pour rembourser! Jérôme pourrait se laisser pousser les cheveux et et faire la quête en jouant de la (Ker)vielle à roue dans le métro. Un hurdy gurdy man garde un charme indéniable. Et les citoyens de base paieront les errements délibérés des autres.
Commentaires
OK.
Mais il est un peu facile d'arguer que J.Kerviel tente de se faire passer pour une victime.
Le fait est : ce qui lui pèse dessus est un peu lourd! Suffit de voir les commentaires de professionnels qui sont du côté de la barrière où il était pour voir que pour eux il n'est pas concevable qu'il ait pu prendre de telles positions sans que personne ne le voit.
Ce qu'il faut savoir, c'est que cette finance est totalement dématérialisé, il l'a dit lui-même, on perd toute notion de valeur, le nombre de zéros importe peu! Avec 300 euros, vous ouvrez un compte Forex ou CFD et pouvez jouer avec un levier de 50 à 200! C'est bien quand on gagne, mais quand on perd!....
Car lui, a reconnu ses torts, il n'a rien nié...alors c'est facile après de lui tomber dessus, et de le rendre responsable de la crise financière! Lui-même a expliqué que de toutes façons, on les poussait à aller toujours plus loin car sinon ils se faisaient taper sur les doigts! Alors quel choix cela donne-t-il si ce n'est de continuer encore plus??
Cupidité?? Faudrait-il que ça lui ait rapporté personnellement plus, il y aurait d'autres façons d'escroquer plus rentables pour lui et moins risquées.
Le trading, c'est un concours, à celui qui en gagne le plus.
et c'est ce qu'on veut aujourd'hui.
La SG, à cette époque, a enregistrée une perte sèche de 2,6 milliards sur les subprimes, annoncée début Février 2008. Ne sont-ce pas aussi les petits actionnaires, les clients, qui ont supporté cette erreur de gestion??
La SG était à fond sur tous ces produits dérivés, et J.Kerviel a joué avec les options, ce qui permet cet effet de levier. D'ailleurs, tout particulier peut perdre son fric sur ce marché, à haut risque, mais qui n'a plus rien à voir avec l'économie "réelle". On n'est plus dans le même paradigme.
Si vous saviez l'ampleur colossale de la bulle de produits dérivés, et tout ce qu'on ne nous dit pas mais qu'on peut savoir en grattant un peu sur le net concernant le fonctionnement de la finance à l'arrière, ce qu'il a fait, n'est pas grand chose par rapport à ces flux qui circulent et dont l'économie réelle ne profite pas.
Alors pourquoi lui en vouloir d'avoir fait perdre un argent qui n'existe pas, à des gens qui gagnent un max avec nos fonds propres, et de l'argent qui n'existe pas ????
Victimé?? Non il ne l'est pas. Il a confessé sa faute, il assume.
Mais bouc émissaire, ça, il n'y a aucun doute là dessus!
Car lui a tiré leçon de son expérience...au moins un repenti!
alors que ceux qui le chargent!...loin d'en être sûr.
et je ne parle même pas de ceux qui nous gouvernent!