Ayant de longue date été sensible à la notion de transparence, la question des révélations faites sur Wikileaks m’interpellent. Le premier billet que j’ai posté sur le sujet exprimait la gêne qu’elles m’inspirent. Je rebondis aujourd’hui sur l’article du Matin de ce jour: «Quand Wikileaks rêve d’un monde sans secret».
Cette histoire est intéressante dans ce qu’elle implique de personnel au-delà de l’affaire politique. On apprend aux enfants à dire la vérité, à ne pas cacher les choses, donc d’une certaine manière à ne pas garder de secrets susceptibles de déranger les parents.
En même temps cette forme de transparence incite au mensonge à cause de ce qu’elle impose de dépendance vis-à-vis de l’autorité parentale. Cette dépendance est une négation de l’autonomie de l’enfant en développement. Le mensonge peut donc, dans certains cas, apparaître comme une manifestation de l’autonomie: la préservation d’un jardin secret, même au prix de trahir la vérité. Je ne pense pas que ce soit une bonne façon de développer l’autonomie. Mais je constate qu’elle existe.
L’adulte ne fonctionne plus comme l’enfant. Garder des informations pour lui seul fait partie de son système de fonctionnement. Il n’a pas de comptes à rendre. Sauf à qui il veut, quand il veut, comme il veut. Personne ne doit le contraindre à montrer publiquement des éléments de sa vie privée. La notion même de vie privée, si ancrée dans presque toutes les cultures (exemple: on lave son linge sale en famille), montre clairement qu’il y a une délimitation à la diffusion de l’information.
Il était politiquement admis que les Etats et leur diplomates ont droit à une marge de discrétion dans leur manière de gouverner. Pour différentes raisons, la «raison d’Etat» a toujours existé. Sans elle nombre d’accords ne verraient jamais le jour. Des négociations de paix ne commenceraient même pas. Les tractations qui ont parfois lieu dans l’ombre n’existeraient plus s’il y avait une transparence politique totale. La discrétion peut donc avoir une réelle utilité. Le problème est quand elle cache des actions peu morales voire inavouables, et quand les Etats agissent contre toute éthique dans le dos des citoyens. Il est difficilement acceptable d’être appelé à respecter une éthique et de voir que ceux qui sont les garants des lois - et donc de cette éthique - s’en moquent.
Une transparence politique est-elle viable? Ne fragiliserait-elle pas l’Etat qui la pratiquerait? Si par exemple une tractation appelée chantage devait avoir lieu pour sauver des vies, serait-elle possible si nous en étions informés? Accepterions-nous ce chantage? Ne le refuserions-nous pas au nom de l’éthique? Ou alors, si nous l‘acceptions, ne deviendrions-nous pas nous aussi des gens à l’éthique aléatoire? Des complices?
Au fond, les mains sales de la diplomatie cachée ne nous préservent-elles pas de salir les nôtres?
Allons plus loin et admettons que la diplomatie ne soit plus autorisée à oeuvrer en secret. Soit. Transparence, éthique, tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes. En espérant que d’éventuels ennemis ne profitent pas de cela pour prendre l’ascendant sur nous. Mais admettons que le monde soit gentil et qu’il n’y ait plus d’ennemis. Pourquoi limiter la transparence à la diplomatie? Pourquoi ne pas l’étendre?
Par exemple: afficher sur internet nos maladies, nos préférences sexuelles, nos orientations politiques, la copie de nos bulletins de vote, ce que nous pensons du voisin, etc, etc. Car après tout il n’y a pas de raison que l’on n’exige pas du simple citoyen ce que l’on attend du diplomate.
J’hésite. Ce monde-là serait-il un forme de paradis ou serait-il plus proche de 1984 et de Big Brother?
Mon précédent article sur le sujet est ici.
Commentaires
La différence entre les révélations sur les peoples par les paparazzi et les croustillantes affaires sur les diplomates et chefs d'Etat par Wikileads est la peine infligée. Et elle est de taille: la peine de mort pour l'auteur de Wikileaks.
Il faut se méfier des dirigeants de ce monde. Ils n'ont pas d'humour, Il ssont prêts à tuer pour un mot d'esprit et comble de l'ironie, ce sont leurs propres potins, leurs propres manies qui sont révélés au grand public.
"afficher sur internet nos maladies, nos préférences sexuelles, nos orientations politiques, la copie de nos bulletins de vote, ce que nous pensons du voisin, etc, etc."
N'est-ce pas déjà le cas sur "fesses bouc" ? Ou fesses overbooked c'est selon.
A part cela, je suis aussi de l'avis que cette action de déballage tout public me parait ambigüe quant à ses ressort et résultats.
Pourquoi Julian Assange court-il de tel risque ? Par simple amour de la vérité ?
Je n'y crois pas un seul instant. Il tendrait même à affaiblir le gouvernement Obama plutôt progressiste en la matière. Mais pas les autres ?!?
Je crois que Julian Aussange se fout complétement du résultat de ses actes, seul le pouvoir que cela lui donne pour le moment le motive réellement. Il est devenu quelqu'un; avec l'appui tout autant ambigu des médias.
Ces révélations sur les dessous diplomatiques ne sont de loin pas un scoop, par contre il fait mousser son monde en distillant au compte gouttes ses informations qui ne nourrissent que l'aspect voyeur qui sommeille en chacun. La mode de la télé réalité qui envahi le politique tout simplement.
Ses idéaux ne sont pas crédibles. Ou si j'y prête une réalité , il faudrait le définir comme un pacifiste cyberterroriste. C'est sa seule ligne cohérente.
Que j'aime soudain "Eloge de l'ombre" de Tanizaki !
Jetez un oeil là-desss :
http://www.liberation.fr/monde/01012305696-hackers-vengeurs-et-espions-en-diligence
J'aime beaucoup votre analogie entre l'enfance et l'age adulte, mais je crois qu'il y a une différence entre faire des choix personnels, qui eux sont basés sur nos préférences, et des choix collectifs, qui eux sont basés sur le bien être de la société.
Lorsqu'un diplomate négocie un traité de paix, les implications de ce traité ne se limite pas à la personne elle même ou au gouvernement, mais à la société toute entière. Il ne s'agit pas de garder ou pas des secrets, mais de ne pas jouer un double jeux.
Les secrets sont, comme vous le dites, "nécessaires", mais lorsque l'on apprend que les EEUU a manipulé l'accord de Copenhagen, ou encore que l'attaque à Google par le Gouvernement chinois ait bel et bien été produit pour des raisons politiques, je trouve que l'élite politique se montre incapable de gérer le pouvoir qu'on leur a conféré.
Pour moi, c'est une remise en question du système démocratique qui est en jeux.
L'alternative? Je me pencherais vers un système participatif, "Participatory Economics" (http://zcommunications.org/zparecon/parecon.htm)
Merci pour vos réflexions.
L'éloge de l'ombre, C'est bien japonais ça. Encore un livre à lire.
Quant au rôle des diplomates, des ambassadeurs, personne n'est dupe. Je me souviens, lors de l'affaire des fonds juifs en Suisse, l'Amérique avait mis en poste à Berne une ambassadrice américaine.... d'origine suisse.
Etait-ce pour mieux se fondre dans le paysage helvétique ou tactique politique? Je n'ai pas osé lui poser la question.....
Je vous prie de diffuser ce message aussi largement que possible
Lancement d'une initiative populaire pour la réciprocité dans les rapports avec les musulmans
http://blogdesamialdeeb.blog.tdg.ch/archive/2010/12/06/lancement-d-une-initiative-pour-la-reciprocite-dans-les-rapp.html
La transparence et la vérité sont plus importants que la justice.
S'il y a injustice, au moins soyons dignes d'en être informés.
Puis le système démocratique n'a pas changé depuis quand? Rien en politique n'a évolué en coordination avec la technologie.
Je ne peux pas croire qu'on ne puisse permettre au peuple d'exercer le droit de vote plus efficacement et d'améliorer le mécanisme de participation démocratique quand il est déjà depuis longtemps possible de gérer le compte en banque de chaque individu au millième de sou près, en temps réel, à l'échelle du globe.
Monsieur Assange peut fort bien ouvrir un nouveau compte auprès de Postfinance.
Il lui suffit d'adopter l'entité juridique de droit suisse la moins chère et la plus simple : une association au sens des articles 60 et suivants du code civil suisse.
Postfinance sera alors confrontée à une personne suisse, domiciliée en suisse et avec une adresse suisse.
Exemple de statut
http://www.cagi.ch/fr/service-ong/modele-de-statuts.php
Je recommande plutôt d'établir le siège de l'association en une commune vaudoise. Ils ont un formulaire fiscal simplifié. De toute manière une pareille association, puisque sans but commercial, ne paye pas d'impôt.
Justement, il a menti en disant qu'il était domicilié en Suisse et Postfinance a fermé son compte!
Comme quoi, côté transparence, il a encore du chemin à faire le Julian...
@ Hommelibre:
Pfffiouuuu! Ça carbure sec!!! ;o)
Je ne vous suis pas entièrement (pas du tout?) dans votre analyse du phénomène WikiLeaks... C'est grave Docteur..?!? ;o)
Il me semble que vous mélangiez certaines notions: vous voyez en WikiLeaks la graine d'un Big Brother qui dévoilerait jusqu'à nos secrets les plus intimes.
Vous oubliez simplement que les mails de diplomates, les mots "en off" de politiciens n'ont quasiment plus aucuns rapports avec la notion de sphère privée ou intime, disons, d'un simple péquin... À tel point qu'ils étaient connus bien avant les fuites de WikiLeaks! Soit tout le contraire de ce que vous craignez; pas de trace de vos/nos/leurs secrets intimes sur WikiLeaks...
Cela dit, la presse "People" et les paparazzi en général ont d'après moi bien plus de tendances "Big Brotherisantes", fascisants que le site de Julian Assange... Et cela sans que quiconque trouve à redire! Bien au contraire!!
De plus ce dernier, "s'attaque" à des états, à des personnages publics et non à des citoyens lambdas... Ce serait donc plutôt le contraire d'un régime, d'un état, appelez-le comme vous voulez, de type Big Brother!
Pour anecdote, votre discours ressemble à celui de Hubert Vedrine, l'autre jour chez Frédéric Taddéï; il a fait appel à des notions comme la déontologie, la survie de la civilisation (sic!). Il voit en WikiLeaks, la "dictature de la transparence" (tiens?!), et en ces défenseurs, des "ayatollahs de l'information" (j'ai beau me retourner, pas de Julian Assange ou ses sbires derrière moi!! Qui a dit dommage?)... C'est tellement plus beau, plus efficace quand on utilise des formules emphatiques! Ça fait peur à la ménagère de moins de 50 ans! "Barbarerie", "nouveau 11 Septembre", ça claque!
Outre le fait que ce Don Quichotte du petit écran condamne de fait tout journalisme d'investigation, journalisme fondé tout ou partie sur les fuites, les documents volés, il semble vouloir cantonner l'information à sa plus simple expression; à savoir une presse apparentée à "La Pravda" et des journalistes à l'écoute de la voix de leur Maître. Je cite de mémoire: "les vrais journalistes d'investigation n'ont que faire de documents volés (...) les vrais professionnels savent tirer parti des communiqués officiels (sic!!!) pour établir des articles pertinents" Plus faux cul, tu meurs!
(Le lien de l'émission en question: http://ce-soir-ou-jamais.france3.fr/index-fr.php?page=emission&date=2010-12-02 )
Bref, il reste fidèle à lui-même: le brave toutou à son tonton ;o), qui déjà léchait... la main de Mitt'rrand lorsque ce dernier organisa le plastiquage du Rainbow Warrior en juillet 1985...
Pourtant je ne l'ai jamais entendu condamner les vols de documents bancaires qui ont permis au gouvernement français de traquer des fraudeurs du fisc ayant des comptes en banque en Suisse!!! Et cette remarque vaut pour les autres gouvernements, américains, allemands, italiens, pour ne citer que les plus faux jetons, qui se targuent de faire la chasse aux receleurs de documents volés! Quelle bande de trous du c*l!
À ce titre, un autre exemple, ô combien éclairant: l'affaire des fonds en déshérence. Toute l'affaire a pu enfin éclater au grand jour grâce, ou à cause, selon ses tendances idéologiques, au vol de documents privés, par un employé "indélicat". Documents destinés à être détruits dans le plus grand secret!!! Dans ce cas précis, l'employé voleur a été protégé et récompensé par le gouvernement américain... Comme quoi, la main droite ignore ce que fait la main gauche!
Si l'on revient à l'argument du "Big Brother" en puissance qu'est, selon vous, WikiLeaks, et bien personnellement, je verrais plus en Google ou en FaceBook ces fameux Bigs Brothers... Rassembler des données personnelles de clients privés, et les revendre aux plus offrants... Cela me parraît bien plus dangereux! Et quand les "victimes" livrent de leur plein gré ces informations, c'est d'autant plus abracadabrantesque!
Dernier point (Ouf!), concernant la nature des données révélées par WikiLeaks, visant uniquement (il ne me semble pas, mais bon...) des démocraties, et les U.S.A. en particulier; cela provient de l'origine de la source des fichiers informatiques remis à WikiLeaks, à savoir le soldat U.S. Bradley Manning. D'après ce que j'en sais, ce dernier n'a pu de fait avoir accès qu'à un ordinateur de l'armée américaine et par là même aux documents s'y trouvant. Outre la troublante facilité avec laquelle un simple soldat isolé a pu mettre la main sur un tel nombre de fichiers secrets (?), cela peut expliquer la partialité et l'orientation certaine de cette affaire.
La suite au prochain numéro...! ;o)
Bonne soirée.
=:oB
Ahhhhhhhh mais qui peut encore croire à des « coïncidences » pareilles ??? C’est énoooooooorme!!!
Le procureur suédois en charge de l'enquête a assuré mardi qu'elle n'avait pas l'intention de l'extrader vers les Etats-Unis s'il était renvoyé en Suède. "L'enquête criminelle n'a rien à voir avec WikiLeaks. Cela le concerne lui (Assange), personnellement", a dit Marianne Ny, selon le quotidien Aftonbladet
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Ahhhhhhhh mais qui peut encore croire à des « coïncidences » pareilles !!!!! C’est énoooooooorme !
Le procureur suédois en charge de l'enquête a assuré mardi qu'elle n'avait pas l'intention de l'extrader vers les Etats-Unis s'il était renvoyé en Suède. "L'enquête criminelle n'a rien à voir avec WikiLeaks. Cela le concerne lui (Assange), personnellement", a dit Marianne Ny, selon le quotidien Aftonbladet
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@barbie forever
Je n'ai pas de sympathie pour Assange, mais il faut bien avouer qu'apparemment cette plainte de viol tombe à pic et de plus semble cousue de fil blanc.
Encore une juge comme HL les aime.
http://www.europe1.fr/International/Assange-le-scenario-du-sexe-par-surprise-328317/
@ Hommelibre:
Ravi (Shankar?) de (tenter de) faire avancer le schmilblick...! ;o)
Qu'equ' p'tites réponses à votre post ci-dessus:
"Mais devrait-on demander cette transparence aux Etats et pas aux individus?"
Je suis d'avis que oui; les États doivent être transparents. Les individus, pas forcément. Pour moi, l'état doit être au service des citoyen(ne)s, au sens large, qui le forment, qui lui ont délégué leurs pouvoirs. Et non l'inverse. Je sais, c'est plutôt anti-Kennedy (Mon dieu! Suis-je tombé si bas?) et son fameux " Ask not what your country can do for you - Ask what you can do for your country "... Cependant, cela ne signifie nullement que je fais l'apologie de la déresponsabilisation individuelle et de l'assistanat généralisé... À mes yeux, l'individu passe avant l'état, c'est tout. Mais je ne suis pas non plus pour la loi de la jungle, pour le chacun pour soi... Pffffff! Un brin compliqué tout ça!
Concernant WikiLeaks et l'affaire Dutroux, je n'étais pas au courant. Mea culpa. Ça m'apprendra à écrire sur un sujet sans en avoir fait entièrement le tour au préalable! Deux claques et au lit! Zzzouu! ;o)
D'accord avec vous; dévoiler publiquement les noms, les adresses, les numéros de téléphone de personnes privées n'est pas acceptable. Dans ce cas précis, WikiLeaks se met au niveau d'un pouvoir, d'un état omniscient, omnipotent. Bref, totalitaire!
Cela dit, il me semble qu'en ce qui concerne les 250'000 dossiers U.S., Julian Assange a préalablement traité avec différents journaux (le “New York Times” aux Etats-Unis, le “Guardian” en Grande-Bretagne et “Der Spiegel” en Allemagne) et leur a proposé de filtrer les informations sensibles (noms, adresses, n° de téléphone, etc...). Tant lui que ces journaux n'ont publié les fichiers bruts, d'un bloc...
Cela pose le problème de la "pureté" des sources, des informations divulguées, de leur traçabilité. Le soldat à l'origine des fuites a-t-il fait un tri préalable? On sait que WikiLeaks l'a fait... Le site aurait-il dû offrir la totalité des fichiers à la communauté du web? La question reste ouverte...
J'apprécie, dans mon petit confort d'occidental, j'en conviens, le léger côté anarchiste de WikiLeaks et de sa cohue de hackers... La touche de nihilisme également présente, n'est pas non plus pour me déplaire! Il y a là un côté enfantin, irresponsable, qui m'amuse, qui m'attire. Je me berce d'illusions, c'est fort probable. Je doute que ces personnages, ces "characters" comme on dit en anglais, soient en réalité aussi romanesques et libertaires qu'ils le sont dans mon imaginaire. Ils ne peuvent être qu'à l'image de l'humanité; divers et variés, faits de zones d'ombres et de lumières.
Julian Assange n'est sans doutes pas le chevalier blanc qu'il prétend être... Quelles motivations poussent ainsi un homme à se mettre de la sorte sur le devant de la scène (internationale)? Lui seul le sait... Une chose est sûre; un vengeur masqué n'enlève jamais son masque, sous peine de disparaitre!
Néanmoins, je serai toujours plus prompt à prendre la défense d'un individu isolé, face à un état, à un système, que l'inverse...
Bref, comme dirait Leatherface dans "Massacre à la tronçonneuse": Scie you soon! ;o)
=:oB