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Les nouveaux tabous de la modernité intellectuelle

La modernité technologique est simple à identifier: un appareil neuf est en principe moderne. Il contient les caractéristiques des dernières recherches. Un voiture dispose d’airbags et d’un système ABS: elle est moderne. Intellectuellement aussi il y a une modernité. Comment l’identifier et en quoi est-elle plus moderne qu’autre chose?

modernité2.jpgUn premier élément général de la modernité est qu’elle se pose en rupture assez radicale d’avec le passé. Elle utilise pour cela des adjectifs ou des expressions particulières. «Archaïque». Ce simple mot voudrait tout dire. Le déclassement par l’ancienneté est le coup de massue. Il offre un gros avantage à qui l’utilise: il évite d’avoir à analyser le contenu d’une idée. Son archaïsme supposé déclasse automatiquement son contenu.

Un exemple? La femme à la maison est un archaïsme. La modernité est: les femmes travaillent et sont indépendantes financièrement de leur conjoint. On n’évalue plus un choix par ses avantages ou ses inconvénients, mais par la vieillerie qu’il représente. S’il n’est pas récent, «moderne», il est périmé et mauvais.

Cet adjectif a quelques cousins. «Ringard» fait figure d’épouvantail intellectuel. Ringard c’est carrément hors-circuit. La honte! La honte, oui, car à défaut d’analyser le contenu d’une idée, d’exprimer pourquoi on la juge dépassée, et en quoi une idée nouvelle est meilleure, plus adaptée ou plus juste, on met de l’affect. «Ringard» c’est plein d’affect. En clair plutôt que de débattre on vous annonce qu’on ne vous aime plus. Vous êtes «ringard» donc pas digne d’estime ni d’amour. On vous exclut.

Il y a aussi une phrase-type: «Au 21e siècle», à quoi on peut ajouter ce que l’on veut: «Au 21e siècle cela ne devrait plus exister», par exemple. Comme s’il allait de soi que le passage d’un siècle change automatiquement la pensée ou le comportement humain. Ou comme s’il n’était de respectable que d’endosser une idée générale parce qu’elle serait plus moderne qu’une autre.

Ce clivage ancien-moderne n’a aucune valeur en lui-même. N’a de valeur que ce qui se démontre intrinsèquement, et ce qui peut être analysé. L’exclusion de l’ancienneté par une forme d’affect n’a aucune valeur en soi. Ce n’est qu’une illustration de l’exclusion adaptée à la pensée. Mais c’est toujours l’exclusion. Il contient les mêmes risques que tous les systèmes d’exclusion: l’intolérance, la dévaluation et le dénigrement, la certitude de détenir la vérité, la volonté d’appliquer cette vérité à tous, l’établissement d’un conformisme (de la modernité), et la perte du fil historique qui conduit une époque à développer une certaine façon de voir le monde. Cette rupture est évidemment garante de n’avoir aucun compte à rendre. Dire que les idées du passé sont périmées et donc qu’automatiquement leur contenu est à jeter, dédouane de la nécessité d’expliciter la pensée moderne et d’en poser des fondements intellectuels et principiels fermes accessibles à tout esprit qui veut approcher le monde par la compréhension plus que par l’émotion.


Quelques applications de la modernité - nouveaux tabousexclusion1.jpg

La modernité se lit dans quelques domaines privilégiés. En général elle affirme une chose comme absolue, et toute pensée qui dévie de cet absolu est mauvaise. La modernité définit un Bien et un Mal, un Bon et un Mauvais, un Correct et un Déviant. La charge émotionnelle fait office d’explication.

Le cas du racisme est exemplaire. Quand Eric Zemmour prend le droit de différencier l’origine ethnique de certains délinquants, les réaction outrées fusent. Mais outré n’est qu’un affect, pas une analyse. «C’est nauséabond», peut-on lire parfois. En quoi le terme «nauséabond» explique-t-il le désaccord principiel que l’on peut avoir avec Zemmour? Nauséabond signifie: qui suscite la nausée, soit un phénomène physiologique. Il est associé à l’idée de l’odeur et de la respiration. Il a comme synonymes «rebutant, repoussant, innommable, infect, abject, immonde», entre autres. En quoi par exemple, le mot nauséabond est-il une analyse ou un principe moral? En quoi pourrait-il discréditer une idée ou une pensée, sauf à rejeter et exclure totalement celui ou celle qui l’exprime?

Il n’y a ici que réaction affective, sans aucune valeur analytique et dépourvue de valeur morale particulière.

Il y a de meilleurs arguments que l’émotion (qui ne sera jamais un argument). Le racisme en tant que théorie de la supériorité d’un groupe humain sur un autre est une erreur intellectuelle: la génétique a démontré qu’il n’y a pas de différence raciale entre les humains. La supposée supériorité est une erreur morale en particulier parce qu’elle est conçue pour donner des droits et une domination à un groupe sur un autre, et qu’au nom du respect de l’autre il n’y a pas de place pour la domination.

Par contre, vouloir analyser un fait social en tenant compte d’une origine ethnique peut permettre de mieux comprendre l’autre dans sa différence. La culture, les coutumes, la religion, tout ce qui fait une ethnie, influencent les humains. Pourtant c’est devenu tabou.

La modernité a banni la notion de différence. Oser par exemple se questionner sur l’impact des différences biologiques entre hommes et femmes, et ne pas adhérer à la théorie d’indifférenciation, est rejeté par l’avant-garde auto-proclamée de la modernité. Un tel questionnement vaut à son auteur-e d’être insulté-e, suspecté-e de vouloir justifier une supposée domination masculine. Parler de différence hommes-femmes devient tabou.

La domination masculine est encore une théorie de la modernité. Qui n’y adhère pas ou la relativise commet une faute contre l’absolutisme de la modernité. Critiquer un certain féminisme serait haïr toutes les femmes. On voit particulièrement bien dans ce domaine, par les excès d’anathèmes et d’affect, que la modernité fonctionne non par une analyse ou un débat contradictoire, mais par l’émotion. On est pour et l’on est Bien, ou on est contre et l’on est Mauvais.

L’arrogance de la modernité se signale par la certitude d’avoir inventé un monde meilleur. La rupture d’avec le monde d’avant est un passage obligé pour être moderne. Pourtant, par ses anathèmes, ses outrances émotionnelles et son manque d’analyse comparative, la modernité ne fait rien d’autre que ce qui s’est déjà fait à d’autres époques bien plus anciennes.

Le siècle des Lumières a vu se développer des pensées à côté de quoi notre époque est une barbarie. Voir comment certains crimes sont traités, essentiellement sur le mode de l’émotion, sans conceptualisation de la raison qui en fait un crime, pourrait laisser penser que nous sommes revenus en arrière. La sauvagerie intellectuelle actuelle, empreinte d’émotion et d’affect, de jugement à l’emporte-pièce, d’exclusion, de nouveaux préjugés, de soustraction au vrai débat, n’est ni une avant-garde ni une modernité. La vraie modernité exige une transformation intérieure vérifiable signifiée par un détachement d’avec les comportements d’exclusion, de jugement, de domination. Collectivement, on en est loin.

Catégories : Philosophie 13 commentaires

Commentaires

  • "La modernité a banni la notion de différence. Oser par exemple se questionner sur l’impact des différences biologiques entre hommes et femmes, et ne pas adhérer à la théorie d’indifférenciation, est rejeté par l’avant-garde auto-proclamée de la modernité. Un tel questionnement vaut à son auteur-e d’être insulté-e, suspecté-e de vouloir justifier une supposée domination masculine. Parler de différence hommes-femmes devient tabou."

    cette réalité comme tu là pose ça fait froid dans le dos.

    "Par contre, vouloir analyser un fait social en tenant compte d’une origine ethnique peut permettre de mieux comprendre l’autre dans sa différence. La culture, les coutumes, la religion, tout ce qui fait une ethnie, influencent les humains. Pourtant c’est devenu tabou."

    michéle Tribalat en sais quelque chose

  • Bonjour,

    Je crois que vous avez tendance à confondre "tabou" avec d'une part "doxa", et d'autre part, "contradiction". Ainsi, parce qu'il est généralement admis aujourd'hui (doxa) qu'une des marques de la modernité se manifeste dans la possibilité pour la femme de travailler et de faire carrière (et non pas l'obligation, contrairement à ce qu'avancent certains masculinistes), vous considérez qu'il serait aujourd'hui tabou d'affirmer que la place naturelle de la femme est à la maison. Par ailleurs, que des gens s'indignent des jugements à l'emporte-pièce d'Eric Zemmour, vous prétendez que cette contradiction rendrait ses positions taboues. Or, que signifie le tabou? Il s'agit du "caractère d'un objet, d'une personne ou d'un comportement, qui les désigne comme interdits ou dangereux aux membres de la communauté." Ou d'une "interdiction d'employer un mot due à des contraintes sociales, religieuses ou culturelles." (Larousse) Pourtant, non seulement ces opinions sur les femmes ou les soi-disant causes ethnico-culturelles de la violence ne sont pas interdites, ni même considérées unanimement comme dangereuses, mais en plus, elles sont très largement relayées, aussi bien dans les cénacles politiques et sociaux, que dans les cercles intellectuels et journalistiques, ainsi que dans l'espace public large. Du coup, on peut difficilement parler de nouveaux tabous de la modernité.

    Si vous voulez parler de tabou, alors parlez plutôt de la violence à l'égard des enfants, ou à l'égard des vieilles personnes (alors que jusqu'au 18ème siècles, une personne ayant dépassé un certain âge pouvait facilement être soupçonné de sorcellerie et se retrouver torturée et exécutée.), du racisme, alors que jusqu'au milieu du 20ème siècle, il était communément admis comme une évidence, l'érotisme (et non pas la pornographie), la torture, etc. Toute société a des tabous, certains sains, d'autres malsains. Mais, c'est une constante de tout groupement humain.

    La réalité, c'est qu'il existe une vraie pluralité de points de vue dans nos sociétés démocratiques, mais ils n'ont pas le même degré de visibilité dans tous les milieux politiques, médias ou cercles socio-culturels. Les opinions que vous défendez sont largement répandues chez nombre de politiciens, de penseurs, de chroniqueurs ainsi que dans une frange non-négligeable de la population. La preuve est que vous pouvez facilement faire des liens vers des sites en tous genres les professant, des références à toutes sortes d'ouvrages grands publics, etc. Mais, il se trouve que des opinions diamétralement contraires ont aussi trouvé des milieux dans lesquels se développer et réussi à se faire entendre dans l'espace public. Suivant quel genre de gens, de médias et d'institutions vous fréquentez, vous pourrez vous retrouvez alternativement dans la majorité, puis dans la minorité. Il faut ajouter que l'espace public est aussi soumis à des effets de mode passagère et des épisodes ponctuels de déchaînement médiatique (autour d'un événement particulièrement extraordinaire), qui peuvent donner un avantage sérieux à un certain nombre de postures contre d'autres, avant que la tendance ne s'inverse quelques temps plus tard. Mais, apparemment, certains ne supportent pas cette diversité et de ne pas constamment dominer le débat et l'actualité. Et on les trouve aussi bien à droite, qu'à gauche!

    Ainsi, on constate que nombre de ceux qui dénoncent la modernité (mais de loin pas tous) tendent à considérer la contradiction, qu'elle soit purement émotionnelle ou argumentée, comme des formes insidieuses de censure. Dans le premiers cas, ils se plaignent d'attaques personnelles, tandis que dans le deuxième cas, ils accusent leurs contradicteurs de tenter de les écraser par un intellectualisme méprisant et snobe, coupant les cheveux en quatre et totalement déconnecté de la réalité. Eric Zemmour est un champion toutes catégories de cette stratégie de la complainte victimaire! Ce qui lui permet de ne pas avoir à rendre de compte pour les imbécilités, voir les ignominies, qu'il débite à longueur de chroniques et d'interventions médiatiques. En effet, quiconque lui en demande se voit immédiatement accusé soit d'attaques personnelles soit de bienpensance snobinarde. Le qualificatif de "bienpensant" étant en train de prendre à peu près la même valeur que celui de "fasciste" ou de "nazi" dans les polémiques et servant essentiellement à discréditer son interlocuteur.

    Les polémistes qui s'adonnent au terrorisme intellectuel sont issus de tous bords. S'il y a, à mon sens, des idéologies qui favorisent ce type de comportement, je pense qu'il s'agit avant tout de problèmes de personnalités, liées à la tendance à glorifier l'individu qui arrive à se rendre intéressant. Certains en sont ainsi arrivés à penser que pour exister dans l'espace public, il faut forcément faire dans la provocation-pavé, voir provocation-rouleau compresseur, en donnant constamment dans la surenchère la plus obscène. S'ils prennent régulièrement des volées de bois vert en retour, ce n'est pas seulement à cause des idées qu'ils professent, le plus souvent de simples jugements à l'emporte-pièce sans aucun égard pour ceux qui sont visés, mais aussi et surtout à cause de la violence souvent brute de décoffrage qu'elles recèlent! La liberté d'expression ne garantit absolument pas une réception positive et louangeuse, ni même ne dispense la personne d'assumer les conséquences de ses propos. Elle garantit seulement que leur auteur ne sera pas persécuté par l'état ou des concitoyens, ni agresser physiquement. Rien de plus.

    Cependant, il est parfaitement possible d'avoir des débats réellement contradictoires, basés sur des échanges respectueux, au cours desquels les interlocuteurs ne cherchent pas systématiquement à dominer le terrain en essayant de discréditer les personnes en face. Mais, ils sont rares dans les médias, parce que ça ne fait pas très spectaculaire. Pas d'éclats de voix, pas de grands mots ni d'accusations à tout-va. Juste des gens pas d'accord qui développent des argumentations opposées. On les trouve dans des médias comme France Culture, Arte, Wall Street Journal, Economist, Neue Zürcher Zeitung, certains blogs et plateforme d'échanges, etc. On les retrouve aussi dans certaines conférences universitaires (si,si, universitaire). Je sais, je prêche un peu pour ma paroisse ici, mais pour l'instant, je n'ai pas trouvé ce genre de qualité de débat ailleurs....

  • @Adriane,

    Je trouve vos nuances très pertinentes et intéressantes, cela dit en ce qui concerne Zemmour, il a quand même été l'objet de plusieurs plaintes et condamné.
    Ce qui contredit un peu votre affirmation "Elle garantit seulement que leur auteur ne sera pas persécuté par l'état ou des concitoyens, ni agresser physiquement. Rien de plus.
    En l'occurrence, il n'est pas certain qu'en droit, il fût vraiment condamnable. La doxa dominante a fait lieu de justice selon toute probabilité, c'était le prix d'une relative paix sociale.

    Tabou ... Doxa ... Ne serait-ce pas une histoire de degré sur une échelle de sensibilité émotionnelle ?

    Cette sensibilité émotionnelle se décline aujourd'hui en termes d'images. Qu'importe le contenu, c'est l'emballage qui sert de paramètre de tri immédiat. -J'aime /j'aime pas - j'adhère/ ou je rejette.
    L'image devenant le vecteur d'une réaction réflexe. On est loin de l'intérêt posé, avec une discrimination réfléchie.

    C'est en ce sens que j'apprécie ce billet

    Je suis heureux de constater avec vous qu'il persiste des lieux de débats qui restent dignes. Mais pour un peu, cela ferait presque ringard ... ;-)

  • Info pour tous :Le Trollistan de la TDG peut s’enorgueillir d’héberger un champion toutes catégories en la matière, jonglant avec les pseudos comme personne :Jadis Maurice puis Karl, puis Corto, Giona, Patoucha, Rambam (pauvre Maïmonide dont c’était le pseudo médiéval hors-blog), Adoucir, il fait ici et là de plus en plus fort sous la plume de “roule ta bille” et ses recettes culinaires …Chapeau l’artiste !

  • Ariadne,

    Je peux prendre vos remarques, en partie au moins.

    La doxa appelle le tabou. Toute doxa, je crois, se nourrit de tabou. On n'en est pas au point de l'interdit total, en ce sens la remarque de Aoki jette un pont entre doxa et tabou: question de degré. Par contre je pense qu'il y a déjà les ingrédients du tabou et que celui-ci se construit sous nos yeux: la charge émotionnelle, le jugement négatif, la mise au pilori, l'abandon de l'argumentation et l'implicite transgression de qui ne suit pas le discours dominant.

    Qu'il y ait débat, encore, oui. Tout le monde n'est pas encore soumis à la doxa et n'adhère pas encore au tabou en formation. Je cite d'ailleurs dans mon billet une avant-garde intellectuelle (auto-proclamée). Celle qui, bien que minoritaire en nombre, est très agissante culturellement par le biais de médias acquis au discours.

    L'exemple de la femme au travail est un des domaines où une nouvelle doxa se met en place, et où son corollaire ou instrument de pouvoir est d'engendrer un tabou répulsif équivalent. Je reconnais cependant qu'en Suisse le débat existe plus qu'en France par exemple.

    La blogosphère en France est assez largement dominée par cette "avant-garde" qui pense "comme il faut" et déverse sa violence sur toute pensée un peu différente. Un politicien français (Fabius je crois) avait une fois eu le culot de dire qu'en matière d'immigration le Pen posait de bonnes questions mais donnait de mauvaises réponses. Il ne l'a pas dit deux fois. Le Pen ou sa fille ne sont plus argumentés depuis longtemps, ils sont "immondes, nauséabonds".

    Je me suis permis de faire il y a quelques mois une petite série de billets sur le nationalisme, tentant de comprendre pourquoi il attirait autant d'électeurs et sa réelle dangerosité (je suis pro-européen). J'y parlais de Marine Le Pen, forcément, mais sans la diaboliser. Je me suis fait cataloguer de fasciste sur le blog français où j'ai répercuté ces articles. Idem en parlant de Zemmour. Un rapport sur les représentations ethniques de la criminalité existe en France, les USA l'ont publié, il a circulé sur le net. L'hypocrisie était de n'en pas parler.

    Et considérer Zemmour comme un raciste me parait bien entrer dans la fabrication du tabou. Quand la parole est elle-même atteinte, le tabou est bientôt entré dans les esprits. D'ailleurs vous quittez l'analyse raisonnée pour parler à son sujet "d'ignominie". On quitte l'analyse pour entre là dans l'affect.

    Les critiques à son égard sont peut-être pertinentes. Le côté spectacle est très présent. Comme pour toutes ces personnalités qui vivent du spectacle (et presque tous en vivent). C'est peut-être encore le spectacle qui nous protège de la totale dictature intellectuelle ou politique.

    Mais tous y sont: Sarkozy, Hollande, Aubry, Royal, etc. Et tous suivront la doxa pour rester à l'affiche. La fin du spectacle ce sont les émeutes anglaises, avec destruction, vol, pillage, morts, sans aucune dimension politique. Ou Marine Le Pen. Paradoxalement, ces gens peuvent être dangereux parce qu'ils cassent les règles admises, mais en même temps ils peuvent renverser les tabous, parce qu'ils sont encore sauvages.

    Les tabous peuvent être renversés par la violence (réponse à la violence qu'ils imposent), par la transcendance mystique qui se moque des règles et jeux humains, ou par l'analyse rationnelle inspirée et lucide.

    Nous avons encore le choix. Mais quel que soit ce choix il coûte en rejet par les tenants de la doxa et du pouvoir de la parole.

  • Ariadne, je relève sous un autre billet ce commentaire sur Zemmour:

    Il est question de la réparation des crimes nazis. L'auteure du commentaire pense qu'il ne peut y avoir réparation et que nous devons vivre avec.

    "Il y a juste eu « reconnaissance », ce qui n’effacera jamais l’ignominie et le nombre extraordinaire de morts.
    Sans compter le négationnisme et l’antisémitisme virulent dont certains font encore preuve librement avec force sur des blogs publics qui ne sont pas censurés.
    D’ailleurs, Zemmour a demandé la liberté de parole pour Fauriston et la suppression des lois mémorielles, c’est plutôt fort de la part d’un juif.
    Pour ma part, j’appelle ça de l’honnêteté intellectuelle : il attaque, accepte de prendre en retour et autorise la liberté de penser dont il fait preuve à tous, quelle que soit l’opinion développée."

    Je suis en accord.

  • @Aoki:

    Eric Zemmour a été poursuivi en justice à plusieurs reprises, et finalement, condamné il y a quelques semaines, parce qu'il joue constamment avec les limites de la liberté d'expression et qu'il a fini par les franchir et se brûler les ailes. Oui, il y a des limites à celle-ci, comme à n'importe quelle autre liberté, qui sont inscrites dans les lois que s'est données la France, de manière démocratique. Il se trouve ainsi qu'en plus de la diffamation et de la calomnie, les propos racistes ou appelant à la haine et à la discrimination y sont illégaux. En déclarant à la télévision qu'il est normal de discriminer ('discriminer, c'est distinguer'....ou un truc approchant....je mets des guillemets, mais seulement à moitié, parce que je n'ai pas la citation textuelle en entier en tête), il a violé la loi. Mais, il n'a jamais été persécuté, ni agressé physiquement pour avoir exprimé ce qu'il pensait tant qu'il restait dans le cadre légal. C'est ainsi que depuis 5 ans, il abreuve le PAF, la presse et la radio française d'énormités absurdes, voir parfois d'une incroyable violence, sans qu'il ne lui soit rien arrivé.

    @Hommelibre:

    Je maintiens ma distinction et la réitère. La doxa n'est pas le début du tabou. Loin de là. Les deux choses sont différentes et n'ont rien à voir. Ce qui peut arriver, c'est que la doxa crée ou renforce un tabou, mais la doxa n'est pas un bourgeon de tabou. En réalité, il s'agit simplement d'un ensemble de savoirs et de connaissances qui font consensus dans la majorité de la population. La doxa est ainsi souvent à l'origine de ce que l'on appelle le "bon sens populaire" et s'exprime souvent par le fameux "Tout le monde sait que...." (alors qu'en réalité, tout le monde ne sait généralement pas du tout ou pas grand-chose du sujet....). Le fait qu'il soit largement admis qu'une des marques de la modernité s'incarne dans la possibilité pour les femmes de faire carrière et de ne plus être restreinte au foyer n'empêche absolument pas les gens qui pensent le contraire de le dire haut et fort, et de répandre leurs réflexions en long et en large. Il n'y a qu'à voir l'UDC, qui n'arrête pas de le crier sur tous les toits, ainsi que nombre de publications, y compris par des femmes qui prétendent représenter une sorte de féminisme alternatif, sans compter tous ces psychologues, sociologues et compagnie qui trouvent que finalement l'émancipation socio-professionnelle des femmes n'est pas une si bonne chose après tout. S'il y avait réellement un tabou ou même un tabou en formation, jamais ni vous, ni l'UDC, ni aucun autre opposant à ce que certains qualifient de dérives socioculturelles de la modernité n'oseraient afficher de telles idées aussi ouvertement et fréquemment. Le fait que ces idées soient vivement combattues, dans les médias et dans l'espace public en général, par les féministes et les partisans de cette émancipation, ne signifie absolument pas qu'il y aurait un tabou, ou même un tabou en formation sur la question. Pas plus en Suisse qu'en France, en Allemagne ou ailleurs. La polémique et les grosses bagarres publiques ne sont en rien le signe d'un tabou! S'il y en avait un, vous seriez tous obligés de sans cesse prendre des précautions langagières, médiatiques, voir même idéologiques, de peur de vous faire persécuter par l'ensemble de la société, si ce n'est pas carrément de vous autocensurer. Et nombre de ces gens ne trouveraient même pas de plateforme médiatique d'expression! En effet, les tabous ont tendance à être incarnés dans les interdits sanctionnés par la loi. Le meurtre est un tabou, tout comme l'inceste, la pédophilie, etc. Cela signifierait que les éditeurs de presse, de livre, de contenus audiovisuels n'auraient alors pas le droit de laisser de telles idées s'exprimer.

    Or, que constate-t-on? Que loin de la censure, on a des discours souvent brute de décoffrage, quand ils ne sont pas carrément d'une incroyable violence à l'égard des femmes émancipées et de la modernité qu'elles prétendent incarner, balancées sans aucun problème sur tous les supports médiatiques et par tous les canaux de circulation possibles et imaginables. De la même manière, pour quelqu'un qui serait persécuté et victime de "tabous", je trouve qu'Eric Zemmour, à qui de nombreux gros médias déroulent un tapis rouge au quotidien, sans jamais lui demander de rendre le moindre compte des énormités qu'il débite un peu partout, on peut dire qu'il s'en tire plutôt bien! Sa liberté d'expression est loin d'être bafouée ou même atténuée. Nombre de militants progressistes rêveraient d'un pareil boulevard!

    Concernant la blogosphère, s'il y a un lieu où la pensée unique et les tabous n'existent pas, c'est bien dans ces espaces sociaux électroniques! Bien sûr, il y a des blogs qui défendent une vision du monde opposée à celle de Zemmour et autres nationalistes, mais, pour dire les choses un peu brutalement, so what? Les blogs comme "François de souche", "Riposte Laïque", "Bivouac-ID", sans compter tous les blogs néoncservateurs qui diffusent aussi une idéologie rejetant nombre d'aspects de la modernité, remportent de gros succès et sont parmi les blogs français qui recueillent le plus de visites. Et sur ces blogs, les gens qui défendent une vision du monde progressiste se font quotidiennement traités de marxistes, de nazi, de traîtres à la nation, et j'en passe et des meilleures. Cela s'appelle l'espace public libre et même libéré de toute modération traditionnelle, celle qu'exerçait les grands médias généralistes. Vous-mêmes alignez des liens vers une belle brochette de blogs, à la fréquentation significative, qui défendent une vision similaire à la vôtre et à celle de nombreux opposants à la "modernité". Je peux vous assurer que cette activité débordante en-ligne donne l'impression à bien des partisans de cette modernité que le Web est littéralement pris d'assauts par ceux qu'ils considèrent effectivement un peu trop vite comme des fascistes (la fameuse fascosphère). Sans compter que chaque forum ou fil de discussion sur les sites des médias plus officiellement établis sont régulièrement noyés sous des vagues de commentaires allant dans le sens de ces idéologies qui dénoncent les dérives de la modernité! Je dirais qu'on peut difficilement faire moins tabou!

    Pour ce qui est d'Eric Zemmour en particulier, il n'admet absolument pas les attaques ou les contre-attaques. Il n'y a qu'à voir son comportement dans l'émission de Ruquier où, pendant des années, il a usé et abusé du pouvoir que lui procurait sa position de chroniqueur-snipper! S'il tolérait réellement les opinions divergentes, jamais il n'aurait fait usage d'un tel terrorisme conversationnel, interrompant ses interlocuteurs à tout bout-de-champs, les persiflant voir les attaquants sous la ceinture de la manière la plus lâche imaginable, et intellectuel, n'hésitant pas à faire des amalgames, des raccourcis absurdes et à balancer des contre-vérités en rafales. Cette incapacité à faire face à la critique et à la contradiction s'est particulièrement révélée dans sa confrontation avec Caroline Fourest, qui est probablement une des seules invitées qu'il n'a pas réussi à déstabiliser avec ses manières de gros beauf prétentieux, et qui l'a renvoyé dans les cordes! A la fin de l'échange, il était simplement fou de rage. Donc, pour moi, Eric Zemmour évoque plutôt l'antithèse de l'honnêteté et de la rigueur intellectuelle. D'ailleurs, ces lacunes se sont révélées dans toute leur ampleur lors de son échange avec un autre invité qui ne s'est pas du tout laissé démonter non plus, mais qui, contrairement à Caroline Fourest, se révèle être une véritable machine de guerre rhétorique, doté d'un esprit incroyablement retors, d'une ruse incisive et d'une réelle roublardise, je veux parler de Tariq Ramadan. Face à lui, le chroniqueur s'est retrouvé à bafouiller comme un débutant et à approuver tout ce que disait le prédicateur!

    En réalité, ce que vous appelez tabou est simplement une tendance sociétale lourde et profonde qui vous déplaît. Il y a bien peu de chance que l'on revienne sur l'émancipation socio-professionnelle de la femme, quoiqu'en disent les détracteurs du féminisme, et s'il y aura probablement toujours des femmes au foyer, dépendantes économiquement de leur mari et se consacrant entièrement aux enfants, elles seront de plus en plus minoritaires. Or, dans un monde où tout s'affiche sur des écrans tapissant tout notre quotidien, cette position de minoritaire n'est certainement pas très confortable à tenir. D'autant moins qu'il s'agit d'une évolution désirée par la plus grande partie de la population et que ses partisans les plus convaincus la défendront bec et ongle. Ce qui, à mon sens, explique ce paradoxe par lequel des groupes entiers d'intellectuels, commentateurs de l'actualité, journalistes, citoyens, politiciens, etc., se plaignent d'être victimes de tabous et d'une soi-disant pensée unique, alors même qu'ils ont toute liberté de s'exprimer et d'étaler leur vision du monde dans tout les espaces publiques et médiatiques. Ce qui pose problème alors n'est pas tellement que leurs discours ne trouveraient pas de débouchés médiatiques ni même d'oreilles réceptives (ils ont bien une audience, et même significative), mais simplement qu'ils ont clairement le sentiment d'être malgré tout clairement à contre-courant de l'histoire. Le débat, par contre, est lui bien vivant et s'il y a des tabous dans notre société, ce n'est pas du tout sur ces thèmes qu'ils s'exercent, comme je l'ai déjà précisé.

  • Ariadne, qu'est-ce que cela veut dire, pour vous, progressisme ? Les blogs que vous citez sont surtout issus de la mouvance de droite nationaliste, même si certains de leurs commentateurs font froid dans le dos. Ils ne s'opposent pas à toute modernité, ils s'opposent au changement en profondeur (j'insiste sur le terme) des sociétés européennes, qu'il soit culturel, social, ethnique ou religieux, non pas dans son évolution naturelle mais plutôt par son imposition (d'après leur point de vue) par des élites politiques.

    Et franchement, autour de moi, de plus en plus de personnes 'virent' d'opinion, dans le sens où l'image d'Epinal multikulti vole en éclat jour après jour dans leur esprit. Pourquoi ? Ce sont pourtant des gens majoritairement de gauche. A mon sens, le problème est que l'arène politique et médiatique a contribué à polariser très fortement l'opinion 'électronique', par exemple se questionner sur certaines pratiques religieuses (voile imposé à des fillettes de 9 ans) sur un blog dit 'progressiste' m'a attiré un nombre incalculable de points Godwin.

    Dans l'autre sens, une vision humaniste du traitement des réfugiés est immédiatement taxé de gauchisme, droit-de-l'hommiste, traître à la nation, etc. L'UDC a certainement contribué, par ses campagnes pas franchement de bon goût, à radicaliser le camp d'en face, chacun s'accusant de nazisme et d'anarchisme dans une spirale incontrôlable. Doxa, politiquement correct, tabous, tout cela n'est que divergence étymologique : à mon sens, c'est la dégradation du débat politique qui a induit des Zemmour et des Houria Boutelja, par exemple.

  • @ Ariadne:

    Le mot «tabou» a pris avec le temps des significations plus nuancées. Le sens que vous lui donnez est juste et probablement originel. Mais aujourd’hui on admet la notion de tabou dans un usage plus social.

    Selon le Centre National de Ressources Linguistiques et textuelles (CNRLT), qui dépend du CNRS:

    - Interdiction de caractère sacré qui pèse sur une personne, un animal, une chose

    - Interdit d'ordre culturel et/ou religieux qui pèse sur le comportement, le langage, les mœurs.

    - Règle d'interdiction respectée par une collectivité.

    - Qui ne peut être fait, prononcé, touché par crainte, par respect, par pudeur.

    - Qui est l'objet d'une considération, d'un respect qui ne se discute pas.

    http://www.cnrtl.fr/definition/tabou


    On peut admettre, dans cet esprit, que le sens de tabou s’applique aujourd’hui aussi bien aux anciens tabous frappés d’un interdit «sacré» qu’à certains interdits culturels. Je maintiens donc mes propos sans rien y changer.


    Il était intéressant de voir comment les politiciens français ont fait à une époque un tabou de débattre avec JM Le Pen. Aller sur un plateau télé avec lui était exclu. Ainsi on lui a laissé le champ libre pour développer ses thèmes.


    Aujourd’hui, si certains scientifiques se posent encore la question de l’importance ou non des différences biologiques entre les hommes et les femmes par exemple, le fait de suggérer ce questionnement - sans même y répondre définitivement - provoque des levées de boucliers et des anathèmes de par les milieux les plus actifs intellectuellement.

    Que l’UDC soutienne la possibilité pour la femme de rester à la maison, peu me chaut. Sur ce point particulier, je me souviens avec bonheur d’avoir eu ma mère à la maison. C’est d’ailleurs elle qui gérait le budget, donc l’argent gagné par mon père.) Je ne vote en général jamais selon ses recommandations. Je cherche à fonder mes positions sur une réflexion qui ne soit pas redevable aux clivages politiques ou intellectuels. Je cherche d’abord ce qui me semble juste et fondé avant de savoir à quel bord cela «appartient».


    Je continue sur ce point que vous avez vous-même repris et qui a servi d’exemple dans mes propos. Que les femmes travaillent, ce n’est que remettre les pendules à l’heure. Elles ont toujours travaillé. A la ferme, comme artisanes, etc. Sous le Code Napoléon elles ont été mises sous tutelle du mari et ne pouvaient toucher elles-mêmes leur salaire (ce qui dans la réalité était loin d’être le cas, la majorité des hommes n’ayant pas suivi les contraintes de ce code, et de nombreuses femmes gérant l’argent gagné par l’homme ou par les deux. Dans ma famille il y a eu des aïeules du 19e siècle qui tenaient commerce et étaient leur propre patronne).

    Donc à d’autres époques les femmes travaillaient. Elles ont visiblement toujours travaillé. En cas de séparation elles retrouvaient la dot et un usufruit sur les biens du couple. J’ai développé cela récemment dans une série de trois billets dont le deuxième est ici.

    http://hommelibre.blog.tdg.ch/archive/2011/08/09/01f8e3fff8767b24278adf88908b78ce.html


    La question de l’indépendance financière est vive pour de nombreuses femmes avec lesquelles je parle, et je les entends bien. S’il faut que seul un des deux conjoints travaille, outre les lois déjà existantes de partage des biens et avoirs du ménage en cas de séparation, on pourrait aller plus loin et inscrire dans la loi le fait que l’argent gagné n’appartient pas à celui ou celui qui le gagne mais appartient au couple et que les deux conjoints y ont un égal accès. Cela me semblerait assez normal de dire que cet argent appartient aux deux.

    Sur votre prospective: les femmes continueront à travailler, vous avez certainement raison, comme cela se faisait déjà dans le passé. La différence, ou la seule «modernité» ici, est que les femmes ont leur compte bancaire à elles.

    Je me demande cependant si ces femmes seraient nombreuses à nourrir leur homme s’il reste à la maison, et à considérer que l’argent gagné appartient aux deux. Je connais très peu de femmes prêtes à entretenir un homme et une famille. D’autre part, si le travail salarié (qui est dominant aujourd’hui par rapport à l’artisanat et aux tâches rurales d’autrefois) venait à manquer, si la société de consommation se déplaçait sur d’autres continent et délaissait l’Europe, et s’il n’y avait plus de travail pour tous, qui travaillerait? S’il fallait émigrer en Chine, en Afrique, pour trouver du travail, (l’émigration fut fréquente dans le passé), qui partirait? La femme? Et elle prendrait les enfants? Ou elle les laisserait avec le mari à la maison? Combien de femmes seraient prêtes à cela? Ou alors elles emmèneraient mari et enfant - si le pays d’émigration l’accepte (ce qui n’est pas du tout certain)?

    Rien n’est définitif.


    Vous dites que le débat existe. A voir la virulence de l’avant-garde pour qui un certain nombre de thèmes ne se discutent plus sauf à être traité de fasciste, réac, etc, etc, la charge émotionnelle dans le débat a pris souvent le dessus sur les arguments raisonnables, et ceux qui mettent en question «la modernité» sont les plus stigmatisés. Ils sont accusés de préserver les structures archaïques et par exemple de s’opposer à l’émancipation des femmes, ce qui permet encore une fois de jouer la carte de la victimisation de genre.

    Prenons justement le débat sur l’émancipation. Il a eu lieu, il est réglé. L’émancipation est un terme qui signifie bien la fin d’une tutelle - la tutelle légale due au Code Napoléon, cette tutelle n’existe plus. Il n’y a donc plus lieu de parler d’émancipation, elle est réalisée dans la loi et les hommes ont majoritairement voté pour cette émancipation. Après c’est une affaire de culture, d’individualité pour trouver la place que l’on veut occuper. Femmes et hommes doivent se battre dans une société qui fait la part belle à une petite minorité dirigeante. La majorité des hommes est dans la même situation que la majorité des femmes: peu de pouvoir sur sa vie, des choix professionnels limités, une voix peu entendue.

    Je pense donc que continuer à utiliser la notion d’émancipation est une stratégie de pouvoir et non plus une légitime revendication. Ce sont d’ailleurs des femmes à des places bien en vue et bien payées qui en général utilisent encore cette rhétorique. Ce ne sont pas les caissières ou les secrétaires, dont on n’a visiblement rien à faire (le féminisme radical étant dans les faits une rhétorique de classe dominante). C’est là où la modernité intervient: parler d’émancipation pour obtenir un poste de pouvoir pose l’interlocuteur décideur dans un choix impossible. Soit il refuse d’entrer en considération et sera perçu comme un réac, voire un anti-femme parce qu’osant s’opposer à la légitime émancipation, soit il donnera le poste au mépris éventuellement d’autres personnes plus compétentes.

    L’émancipation initialement légitime est devenue un biais intellectuel. La valeur presque mythique que l’on donne à l’émancipation (puisqu’il est dit que la femme était esclave depuis la nuit des temps...) produit en contrepartie de l’opprobre sur ceux qui pensent que l’égalité n’est pas réalisée dans un monde où les hommes sont globalement et de manière ultra stéréotypée considérés comme des oppresseurs. S’opposer à cette vision manichéenne, stéréotypée et réductrice du réel (en outre non démontrée globalement) c’est être réac ou s’opposer à l’émancipation.


    Rapidement sur Eric Zemmour: nous n’avons visiblement pas la même perception du personnage. Il n’y a rien de plus à argumenter. Pour nous comprendre il faudrait regarder et commenter ensemble quelques-unes de ses interventions. Nous nous comprendrions peut-être mieux.


    Je vous cite, pour terminer ce comm un peu long:

    «En réalité, ce que vous appelez tabou est simplement une tendance sociétale lourde et profonde qui vous déplaît. Il y a bien peu de chance que l'on revienne sur l'émancipation socio-professionnelle de la femme, quoiqu'en disent les détracteurs du féminisme»

    La question n’est pas que quelque chose me plaise ou me déplaise. En disant cela vous me faites un procès d’intention et vous ramenez une analyse que je fais du féminisme radical à une simple question de confort personnel. C’est un peu court. C’est une autre forme d’ostracisme. D’autre part vous associez critique du féminisme avec un éventuel refus de l’émancipation. Vous alimentez ainsi bel et bien le tabou en construction: critiquer le féminisme est devenu problématique et signerait d’une volonté de retour en arrière, à la remise sous tutelle des femmes. Ce qui n’est évidemment pas le cas dans ma pensée.


    Vous êtes habile à alimenter ce que je critique et à retourner les choses. Vous ne seriez pas un peu jésuite, quelque part?

    :-)

  • @ Ariadne

    "Eric Zemmour a été poursuivi en justice à plusieurs reprises, et finalement, condamné il y a quelques semaines, parce qu'il joue constamment avec les limites de la liberté d'expression et qu'il a fini par les franchir et se brûler les ailes. Oui, il y a des limites à celle-ci, comme à n'importe quelle autre liberté, qui sont inscrites dans les lois que s'est données la France, de manière démocratique. Il se trouve ainsi qu'en plus de la diffamation et de la calomnie, les propos racistes ou appelant à la haine et à la discrimination y sont illégaux. "

    les lois !!!

    "La réglementation est le quatrième moyen de domination douce de Big Mother. Au premier rang de ces simulacres par lesquels les gouvernants feignent d'être les organisateurs de mystères qui leur échappent, la prolifération des lois. Tous, mais ceux de gauche davantage, semblent pris d'une fureur législatrice inquiétante, traduisant « l'élargissement des domaines d'intervention de l'État et ruinant la stabilité et la solennité attachées à la loi75. » La multiplication des lois n'est que la conséquence de l'effacement de la Loi. Car l'accumula¬tion, la complication et le désordre des lois votées pour être annoncées, non pour être exécutées, masquent mal la dispari¬tion progressive, dans les esprits des gouvernants comme des gouvernés de toute Loi, au sens symbolique d'un certain carac¬tère immuable et valable pour tous. « Il y a, disait Montesquieu, deux sortes de corruption : l'une, lorsque le peuple n'observe point les lois, l'autre, lorsqu'il est corrompu par les lois : mal incurable, parce qu'il est dans le remède même76. » Pour qu'une loi soit une loi, il faut d'abord une condition de forme, l'adop-tion par la représentation nationale, mal remplie en général, les assemblées se voyant dicter la loi par le gouvernement et le parti qui le domine. Mais il faut aussi une condition de fond : la recherche de l'intérêt général77. Or la loi est souvent une « loi privée » réclamée par un groupe social devant lequel le Parle¬ment se résigne. Il faut enfin une condition de réalisation. Il n'y a pas d'édit, de déclaration, de règle qui ne souffre mille tempé-raments dans son exécution pratique par l'État. Organisateurs de rave parties, arracheurs de plans OGM, routiers en barrages, gendarmes en uniforme et en grève, chaque solliciteur demande qu'on sorte en sa faveur de la règle établie et exige avec la même insistance que l'autre y rentre. Ainsi font les enfants, accaparant la mère pour qu'elle les dispense de sa sévérité, mais qu'elle ne dispense pas aux frères et sœurs la moindre indulgence. Une mère qui ne fait pas de différences entre ses enfants, ce mythe démenti par n'importe quelle cure analytique, anime cependant les représentations morales de la politique. Il fait tenir la fiction d'un État impartial, mettant fin à toutes les exclusions et pro-mouvant l'égalité de tous sous son regard couvant. France, mère des lois, ou matrone législatrice ? "

    extrait de big mother de michel schneider.
    la loi dont tu parle n'est qu'une loi privée.

    "Pour qu'une loi soit une loi, il faut d'abord une condition de forme, l'adop-tion par la représentation nationale, mal remplie en général, les assemblées se voyant dicter la loi par le gouvernement et le parti qui le domine. Mais il faut aussi une condition de fond : la recherche de l'intérêt général77. Or la loi est souvent une « loi privée » réclamée par un groupe social devant lequel le Parle¬ment se résigne.

    quel est l'intêret général de la loi dont tu parle, qu'a t'elle de démocratique, n'a t'elle pas été votée dans l'intêret d'une minorité, tu parle comme une féministe radicale, contraidre les hommes par des lois. "« l'élargissement des domaines d'intervention de l'État et ruinant la stabilité et la solennité attachées à la loi75. » les lois dont tu parle ne sonts qu'un simulacre.



    et c'est comme ça que tu conçoie le débat comme t'a analysé subtilement HL.

    "La question n’est pas que quelque chose me plaise ou me déplaise. En disant cela vous me faites un procès d’intention et vous ramenez une analyse que je fais du féminisme radical à une simple question de confort personnel. C’est un peu court. C’est une autre forme d’ostracisme. D’autre part vous associez critique du féminisme avec un éventuel refus de l’émancipation. Vous alimentez ainsi bel et bien le tabou en construction: critiquer le féminisme est devenu problématique et signerait d’une volonté de retour en arrière, à la remise sous tutelle des femmes. Ce qui n’est évidemment pas le cas dans ma pensée."

    j'espére que leur conception est différente de la tienne.

    " On les retrouve aussi dans certaines conférences universitaires (si,si, universitaire). Je sais, je prêche un peu pour ma paroisse ici, mais pour l'instant, je n'ai pas trouvé ce genre de qualité de débat ailleurs...."

    par en général c'est chez les personnes de gauche (comme la majorité du corps enseignant et des journalistes), que l'on trouve la majorité des terroristes intellectuels actuels, jean Sévilla à a écrit un livre édifiant sur le sujet.

  • La modernité nous emprisonne dans un monde matérialisme et le danger de cet extrémisme et finalement le malheur.
    Alors il ne pas confondre modernité ou progrès pour l'homme avec économie de marché, nous sommes actuellement dans une économie de marché et la modernité est un piège à con, on peut dire que le progrès n'avancera pas beaucoup et que l'homme continuera donc d'en baver jusqu'à ce que l'économie perde sa première place et soit reléguée loin derrière l'humanisme.

  • @ Plume: derrière le concept de modernité (c'est nouveau donc c'est mieux...) il y a en effet une incitation constante à la consommation. Les idées pas plus que les marchandises n'échappent à cette consommation.

  • Je cite Ariande :

    "Il y a bien peu de chance que l'on revienne sur l'émancipation socio-professionnelle de la femme, quoiqu'en disent les détracteurs du féminisme, et s'il y aura probablement toujours des femmes au foyer, dépendantes économiquement de leur mari et se consacrant entièrement aux enfants, elles seront de plus en plus minoritaires. Or, dans un monde où tout s'affiche sur des écrans tapissant tout notre quotidien, cette position de minoritaire n'est certainement pas très confortable à tenir. D'autant moins qu'il s'agit d'une évolution désirée par la plus grande partie de la population et que ses partisans les plus convaincus la défendront bec et ongle."

    Justement c'est parce que on veut une pensée unique et surtout pas critique du mouvement féministe qui s'est imposé tel la lèpre à travers médias télévisées, radios ou même presse écrite. C'est pas tant le fait que les femmes travaillent que l'on remet en cause, mais cette façon de nous faire croire que la femme est "encore" discriminée dans les sociétés occidentales. Or nous sommes persuadés que c'est clairement pas le cas. En imposant des quotas dans les services d'administrations, dans des secteurs techniques, et des congés paternités, vous ne faites qu'attirer les foudres de la gent masculine, quoique pas tous, ce qui effectivement vous revient à une critique ouverte et hostile du féminisme. Du reste celà ne fera au pire que détruire les relations homme femme et menacer une vie de couple, ou bien d'imposer aux hommes d'aller peu à peu aux fourneaux, et vous de reprendre le mode de vie de l'homme avant les années 70 : aller au bistrot ou voir ses amis et/ou travailler et laisser un homme bien souvent incompétent aux ménages, fourneaux et autres bambineries.
    Justement que pensez-vous des hommes au foyer qui ont fait leurs apparitions hors de nos contrées depuis quelque temps notamment dans les pays scnadinaves, aux Etats-Unis et probablement dans bien d'autres pays "modernes" (pour reprendre le thème de l'article) ? Pourquoi ne pas demander l'avis des hommes aussi subjectifs ou critiques soit-il ? Pourquoi celà n'arrange que quelques femmes ?
    Sinon il y a la solution de laisser les enfants à une nounou, payer une boniche et un domestique, mais bon là aussi sous un climat de confiance, et économique étroitement liés d'ailleurs, ça relève plus de l'utopie. Autre chose, si le télétravail se développait démocratiquement nous n'aurions sans doute pas de problème puisque celà rapprocherait les parents de leurs domicile et surveilleront plus facilement leurs gosses CQFD.

    Les femmes au foyer devenant minoritaires, j'ose espérer que non, c'est juste que les femmes veulent tant ressembler mordicus aux hommes dans les sociétés modernes et rentrent dans une ère de compétition depuis maintenant quelques années. Parfois même avec la complicité de certains hommes dont elles sont étroitement liées. Que ce soit dans le domaine professionnel, sportif ou autre loisir fantaisiste : jeux vidéos, poker ..., je constate que la femme se pose parfois comme une protagoniste déclarée. L'apparition de nouveaux challengers dans ce monde ne fait que susciter la haine de ces dernières, celle-là même que l'on a envers un rival. Surtout si cette dernière est une femme, en dépit que selon la bien pensance moderne, une femme peut battre un homme et en être ému est être un phallocrate moisi selon certains, bientôt une majorité sans nul doute. Pour en revenir aux femmes au foyer qui se fait plus, je dirais qu'une femme au foyer est beaucoup plus protectionniste envers sa famille que ne l'est une working woman se souciant bien souvent davantage de son job que de sa famille et se faisant le plus d'ennemis dans la société que ces dernières. Même si certaines applaudissent des deux mains leur "courage" d'affronter les situations les plus tordues dans le monde professionnel.
    La majeure partie de la population n'a aucun esprit critique, est une société de consommation compulsive et plus ancrées dans un esprit socio-professionnelle et immensément naïve aspirant à une nouveauté. C'est bien là le problème. Les lobbys, politiques et autres élites l'ont très bien compris. Les gens de ce Nouvel-Âge ne pensent plus aux autres, pire ne pensent plus à leurs familles, leurs proches, sont plus émotives que rationnelles ainsi que l'a signifié hommelibre, homme comme femme. En fait c'est justement parce que la société se comporte comme tel que nous en parlons. Mais fort heureusement, je ne fais pas partie de ces gens et je n'en ferait jamais partie.
    De toute façon je recherche plus une femme capable de s'occuper d'enfants et n'écrasant pas son conjoint dans une vie de couple. Comme conduire, travailler ou tenir le nom de famille. Je prèfère être seul qu'épouser une femme socio-professionnelle qui ne me servira à rien sauf d'un point de vue financier

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