Sadok Chourou est un élu tunisien. Membre du parti Ennahdha il en a été un dirigeant sous l’ère Ben Ali, en rivalité avec Rached Ghannouchi. Il a purgé 18 ans de prison pour cette appartenance, le mouvement islamiste étant considéré comme terroriste par l’ancien régime.
Il représente la branche radicale d’Ennahdha et dispose d’un courant de sympathie à cause des années de prison qu’il a effectuées. C’est un islamiste dur. En 1987 il prétendait avoir rêvé du prophète qui lui annonçait la prise de pouvoir par son mouvement en 1991 lors d’un coup d’Etat, qui ne s’est pas réalisé.
Aujourd’hui monsieur Chourou fait partie des élus de la Constituante tunisienne. Il n’a rien perdu de ses positions radicales. Il semble même que son mandat lui serve de chambre d’amplification pour proposer ses méthodes pour calmer le pays. Pays qui vit au rythme de grèves, manifestations et sit-in depuis quelques jours.
Ces mouvement de revendication ne sont pas nouveaux et la population tunisienne manifeste de cette manière depuis des mois, avec des périodes de recrudescence comme actuellement, bloquant des routes, isolant des régions du reste du pays. Les revendications portent sur le développement des régions pauvres, pour lesquelles le gouvernement n’investirait pas assez, pour des logements et des améliorations salariales. Il semble que la chute des recettes du tourisme et la réserve des investisseurs en 2010 ait aggravé une situation économique déjà précaire.
«La difficile situation sociale à laquelle fait face la Tunisie post-révolutionnaire inquiète en premier lieu les investisseurs, poussant le gouvernement tunisien à émettre communiqué sur communiqué, pour exhorter le peuple à l’acalmie. « Les sit-in entravent l’activité économique dans le pays », avait déclaré Samir Dilou, porte-parole du nouveau gouvernement lors d’un point de presse, tout en ajoutant «en 2011, la Tunisie a perdu 2,5 milliards de dollars, soit l’équivalent de 100 000 emplois», s’inquiètait-il.
Avec un nombre de chômeurs qui avoisine le million, la jeunesse tunisienne devient de plus en plus impatiente, et l’euphorie révolutionnaire semble désormais bien loin. Ce qui est encore plus préoccupant, c’est le taux de chômage des diplômés, qui avoisine les 45%. Un chiffre énorme qui pousse certains jeunes à rêver de l’eldorado européen.»
Il semble que la population tunisienne ne souhaite pas renoncer à cette liberté de manifester et de parler qu’elle a acquise pendant la révolte de l’hiver dernier qui a chassé Ben Ali du pouvoir. La situation a conduit Sadok Chourou à proposer une solution radicale digne du fondamentalisme religieux:
«En effet, lors de son intervention pour dénoncer la vague des sit-ins qui sévit dans le pays, Chourou a cité le verset suivant : « le paiement de ceux qui font la guerre contre Allah et Son messager et qui s’efforcent au désordre sur la terre, c’est qu’ils soient exécutés, ou crucifiés, ou que leur soit coupée la main et la jambe opposées, ou qu’ils soient expulsés de la terre: voilà pour eux l’ignominie d’ici-bas; et dans l’au-delà il y a pour eux un énorme châtiment » ( Al Maeda, la sourate 5 verset 33).»
Ces déclarations suscitent une polémique en Tunisie. Certains affirment qu’il s’agit de menaces de mort à l’encontre des manifestants, d’autres tentent de calmer le jeu: il n’aurait fait qu’exprimer une réflexion devant la situation chaotique du pays. Suggérer de couper les mains et de crucifier les gens qui manifestent: pas de doute qu’il y a de quoi calmer un pays. Les régimes de terreur commencent ainsi, par la menace de violence. Sans faire de procès d’intention ces déclarations doivent alerter le pays qui n’a certainement pas chassé Ben Ali pour le remplacer par d’autres tyrans.
La direction d’Enneahdha se refuse à désavouer Sadok Chourou frontalement par crainte, selon certains observateurs, de le voir faire scission et rejoindre les salafistes, autre mouvement fondamentaliste.
Les islamistes ont été élus, certes. Mais comme dans toute démocratie le droit de manifester s’exerce. Les islamistes au pouvoir sont en train d’apprendre que l’élection et le mandat d’élu ne sont pas la seule origine du pouvoir dans une démocratie.
La liberté politique passera aussi par davantage de liberté économique. La concentration de l’économie dans les mains du pouvoir comme au temps de Ben Ali n’encourage pas l’initiative individuelle régionale et ne permet pas le développement d’un tissus économique de petite et moyenne importance. La réforme structurelle dans ce domaine suppose que les élus renoncent à vouloir tout contrôler. Ce qui, dans un pays qui n’a connu pendant longtemps qu’un pouvoir autoritaire et centralisateur, demande un changement de mentalité. Un tel changement prend du temps. Est-ce bien ce que veut le gouvernement? Si ce n’est pas le cas la rue le lui rappellera. Mais la population doit aussi apprendre que le blocage systématique du pays ne lui apportera que ruine et violence. Chaque partie doit faire un choix.
PS: 1er festival du film de la diaspora africaine ce wee-end au Grütli. Voir aussi le blog de Philippe Souaille.
Commentaires
Merci John. Et après tout, tant mieux si les intégristes révèlent leur vrai visage aussi rapidement, avant d'avoir eu le temps de mettre la société tunisienne en coupe réglée. C'est aussi un message valable pour tous, ici et là-bas: manifestants, leaders politiques, populistes, altermondialistes, marxistes et autres... envoyer la finance et les ultras-riches en enfer, c'est peut-être bon pour l'ego, mais cela ne solutionne aucun problème.
Tous ces jeunes diplômés tunisiens au chômage doivent trouver la force de créer eux-mêmes leur emploi, car il y a peu de chances que quiconque le fassent à leur place. Et les investisseurs n'aiment pas le désordre, ce qui peut se comprendre.
"Avec un nombre de chômeurs qui avoisine le million, la jeunesse tunisienne devient de plus en plus impatiente, "
Pourquoi ne pas leur distribuer les milliers de billets de banque trouvés, sans parler des bijoux, bons du trésor et devises - on parle de plus d'un milliard - dans les villas des Ben Ali?!!!!
"La concentration de l’économie dans les mains du pouvoir comme au temps de Ben Ali"
Il a déjà fait main basse sur le "trésor" des Ben Ali!
Un clou chasse l'autre....
Err. Un trou chasse l'autre...