Dans un couple le sens courant du mot vertu est le fait de savoir tenir les rênes de sa sexualité. Plus la vertu est petite, plus la personne concernée s’octroie des écarts par rapport au modèle de couple dominant. Le modèle est simple: pas d’autre partenaire sexuel ou affectif que sa compagne ou son compagnon, et abstinence en cas de célibat.
Cette notion de vertu est ancienne. Elle remonte au moins aux religions. Elle fut très stricte à certaines époques, beaucoup moins à d’autres. Le principe d’exclusivité s’est appliqué même en cas de polygamie. Pour les religions la tromperie est une faute. Une faute assez grave puisque la mort en était la conséquence. Il y a quelques décennies on pouvait encore divorcer pour faute, l’adultère étant une faute majeure.
La vertu a été et est signe de notre insoumission à nos pulsions. Une pulsion ou une simple attraction extra-conjugale peut conduire à la fin d’un couple. Les aventures multiples n’ont jamais été bien vues socialement, même si dans la Rome antique ou au 17e siècle il n’était pas rare de voir femme ou mari prendre amant ou maîtresse ouvertement. La vertu est aussi la condition pour qu’un couple dure. Enfin les idéaux de couples, chrétiens ou romantiques par exemple, expriment une exigence très forte dans laquelle l’exclusivité est un noyau central.
La vertu est demandée aux deux partenaires du couple. Dans le couple hétérosexuel la femme semble en être davantage la dépositaire que l’homme. On admettrait plus facilement une incartade masculine que féminine. Il semble que cela porte moins à conséquence, tant affectivement que dans la question de la descendance.
La vertu semble avoir quelque chose à faire avec la constitution d’une famille ou d’un clan. Le but premier d’un couple est de se reproduire. Mais pas avec n’importe qui. La reproduction apportait des bras pour les travaux des champs et pour la guerre. La descendance familiale assurait donc une prospérité et une transmission des biens dans le clan ou la famille pour les renforcer.
L’asymétrie de la sexualité entraine une asymétrie de la vertu. Que l’homme fasse un enfant à une autre femme agrandissait le clan. Qu’une femme devienne enceinte par un homme de l’extérieur affaiblissait le clan, puisque la famille devait élever et nourrir un petit venu d’ailleurs.
L’éducation des filles a donc été pendant longtemps plus stricte que celle des garçons en ce qui touche à la sexualité. La descendance n’en était pas la seule cause. Dans une société très imprégnée de morale religieuse la grossesse hors du couple excluait la femme et son enfant. De plus, une seule relation sexuelle pouvait mettre en route une grossesse et vingt ans d’enchaînement éducatif s’en suivaient. Avant les tests ADN un homme pouvait nier sa paternité et la femme restait sur le carreau, seule avec un enfant. Les conséquences étant lourdes pour les femmes il était vu comme normal de les éduquer de manière plus restrictive que les garçons. Cela dure encore aujourd’hui car malgré la contraception qui a changé les conditions des relations sexuelles, de nombreuses femmes, souvent adolescentes, sont enceintes et avortent. S’il n’y a plus l’opprobre sociale un avortement n’est pas pour autant un acte léger à vivre pour la femme.
On peut donc constater que si la vertu est davantage confiée aux femmes il y a une raison liée aux conséquences d’une grossesse. Cela ne signifie pourtant pas que les hommes aient été exonérés de cette vertu. Aujourd’hui la tromperie reste une cause importante de séparation des couples. L’exclusivité reste une valeur. L’homme n’y échappe pas.
On a longtemps dit d’une femme non mariée et ayant des amants qu’elle était de «petite vertu». Les prostituées étaient nommées «filles de joie», comme si la joie et le plaisir était opposés à la vertu. La vertu serait-elle triste? La liberté joyeuse? Ce serait trop simple de dire les choses ainsi. Chaque couple trouve ses valeurs et raisons d’être ensemble. Et la joie ou le plaisir ne sont pas exclus dans le couple fidèle.
Un homme non marié ayant des maîtresses était moins mis au banc de la société, semble-t-il. Toutefois il était considéré comme un Don Juan, un coureur, un homme à ne pas marié. Et un homme non marié était un homme à problème aux yeux de son groupe social, en plus du fait qu’il ne faisait pas prospérer la communauté.
La vertu a toujours été plus visiblement féminine, par l’éducation censée anticiper sur les conséquences d’une grossesse hors mariage ou adultérine. Mais les femmes n’avaient pas pour autant la tâche facile avec la fidélité. Le conflit entre la morale et le désir a travaillé au corps autant de femmes mariées que d’hommes mariés. L’éducation à la vertu est une tentative de gouverner le corps, pour des raisons familiales, sociales et religieuses. Aujourd’hui les familles n’ont plus autant l’impératif d’une succession ou d’un héritage. Les couples locataires, nombreux, n’ont pas grand chose à transmettre. La paternité en elle-même, si importante pour les hommes, semble en perte de vitesse suite aux nombreux divorces.
Les relations multiples, successives, sont la règle aujourd’hui. La grossesse était le seul marqueur visible d’une relation sexuelle hors couple chez la femme. La contraception a gommé largement ce marqueur. La vertu n’a pas forcément disparu pour autant. Il se pourrait qu’elle devienne mieux partagée entre l’homme et la femme.
Commentaires
Bonjour hommelibre.
" La vertu a été et est signe de notre insoumission à nos pulsions ".
Je trouve que le mot " insoumission " est dure car... Cela m' inspire...
La vertu pourrait être une pulsion qui agit sur la logique de nos pulsions.
Une pulsion rencontrée dans l' absurdité des autres pour modeler notre absurdité de vouloir les dompter. La vertu est un chemin fait de comparaisons entre nos pulsions qui nous amène à en construire d' autres par le choix de nos influences.
La vertu pose nos pulsions.
Les pulsions nous questionnent sur la vertu.
C' est la culture de nos approches à la personnalité pour être en accord avec...
Après, la liberté s' exprime nature par le don de pulsions que nous offre la vertu.