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Pussy Riot: le diable et l’équarrisseur

La condamnation des Pussy Riot n’a pas fini de faire des vagues. J’ai dit ailleurs que je trouve la sentence disproportionnée par rapport à l’action commise. Mais je me demande encore ce qui est juste et sur quoi les réactions sont fondées. Mon sentiment aujourd’hui est que cette affaire est une ligne de démarcation entre les pro et les anti Poutine et que c’est là la principale justification aux nombreuses réactions.

Diable3.jpgLa ligne de démarcation est forcément partisane car au fond aucune position n'est plus juste qu'une autre, me semble-t-il aujourd’hui. Trouver la sentence disproportionnée est une position paternelle ou maternelle, voire condescendante. En effet on oublie qu’il y a une agression culturelle et cultuelle pour privilégier le coup de gueule d’écorchées vives contre un système politique. Et face à ce «tag» musical deux ans de camp semblent une éternité. Surtout qu’en fédération de Russie camp rappelle goulag, et goulag rime avec dictature.

A l’inverse trouver la sentence juste est un légalisme formel dont les bases sont plus de la peur du désordre que de la raison. Dans les premières réactions - dont je suis - il y a donc un parti-pris anti-Poutine. Et là il n'y a pas grand chose de rationnel, seul le sentiment qu'il est un nouveau tsar et la détestation de la toute-puissance les justifient. Le refus de la puissance de la religion et l'obscurantisme des témoignages qui parlent de gestes diaboliques justifient aussi ces réactions. On voit donc bien tout ce qu'il y a de subjectif.

Mais tout aussi subjectives sont les déclarations de témoins présents dans la cathédrale de Moscou le jour de la prestation des Pussy Riot. Y voir le diable, comme cela a été dit, est aussi une forme de déraison. Quel malheureux témoignage pour justifier la justice sous Poutine. Faire appel au diable pour casser les auteurs d’un happening est bien disproportionné.

Je reconnais donc tout ce qu’il y a de subjectif dans l’une ou l’autre des positions. Une justice intelligente aurait tenu compte de l’intention. Elle n’aurait pas assis en partie son jugement sur l’image du diable.

L’obscurantisme religieux est donc au service de l’ancien directeur du KGB: alors j’assume parfaitement ma détestation de ce système. Derrière Poutine c’est l’image fantasmée de la toute-puissance qui est détestée, car au fond lui n’en a pas fait étalage. On ne peut lui faire que des procès d’intentions. Mais il rappelle autant Catherine de Russie que Brejnev. Je ne sais pas si ce fantasme est juste. La Russie, qui a produit une belle culture, porte encore l'écho de l'absolutisme tsariste et soviétique. Après quelques jours de réflexion je soupçonne même que défendre bec et ongles les Pussy Riot est un peu exagéré. Sauf à défendre en elles l’idée d’un pays ouvert, d’un pouvoir qui n’est pas collé au diable d’aussi près que ce que l’on a vu il y a une semaine.

Faire appel au diable en politique c’est comme faire appel à l’équarrisseur en chirurgie. Ou comme si en occident on avait condamné à des années de prison les auteurs de happenings des années 1970. Alors, viscéralement et en toute déraison, j’assume ma subjectivité et je continue à dire que la sentence est une provocation à l’égard des intellectuels et une décision disproportionnée, une décision politique.

Catégories : Liberté, Politique 3 commentaires

Commentaires

  • J'ai beaucoup lu à ce sujet et il est effectivement très complexe.
    Pour finir, je vois la chose ainsi :
    Les 3 femmes savaient exactement ce qu'elles faisaient. Elles sont très engagées et payent de leur personne.
    L'objectif était de se faire arrêter et de faire en sorte que Poutine soit obligé de se positionner. C'était une sorte de piège.
    Elles ont réussi au-delà de leurs espérances.
    Si j'ai bien suivi l'affaire, elles ne n'ont jamais présenté d'excuses ou n'ont essayé, elles-mêmes, de relativiser les actes que soit dans la cathédrale, que soit sur le clip paru sur You Tube, où les paroles anti-Poutine auraient été postsynchronisées.
    En tant qu'occidentale, j'aurais conseillé à Poutine et à l'Eglise orthodoxe d'ignorer la chose ou du moins de la traiter comme une "bave de crapaud qui n'atteint pas la blanche colombe".
    Mais peut-être n'en ont-ils pas la possiblité, tout simplement. Soit parce que l'Eglise est vraiment si puissante, mais super-ébranlée par un blasphème potache, soit parce que toute contestation doit être tuée dans l'oeuf.
    La crainte de l'anarchie est si forte, qu'il faut emprisonner les trois contestataires, pour l'exemple. Eviter l'effet-dominos.
    C'est un signal pour nous tous : en Russie, on ne rigole pas. En tout cas, pas comme ça !
    Message reçu 5 sur 5.

  • En tout cas quoiqu'il en soit, ces femmes ne connaissent de toute évidence pas le respect et le savoir vivre, et pour celà vous allez me dire qu'il n'y a pas besoin de religion pour celà. C'est vrai, celà dit rentrer dans un édifice religieux en étant conscients que des gens puissent être choqués par une quelconque attitude il faut quand même oser. Si c'est celà hommelibre que vous appelez qualité intellectuelle, je suis désolé, mais celà relève plus de l'instinct que de l'intellectuel. Et pour les religieux tout ce qui est instinctif et primaire est assimilé au diable, satan, lucifer, belzebuth ...

    Voilà je vous ai donné mon point de vue religieux, mais je le répète, si ces trois là avaient manifesté autrement que par leur vulgarité, il n'y aurait pas eu ni arrestation, ni un tel scandale.
    Mais peut-être étais-ce le but qui sait ?

  • @ Kasilar:

    J'entends votre point de vue. Pour ma part je regarde sous l'angle d'une contestation politique et culturelle comme on en a déjà connue en Europe et aux USA. Dans ces cas il y a transgression des règles de société. Mais une transgression symbolique a son rôle.

    Soutenant la démocratie pluraliste et laïque je pense que les gens doivent pouvoir pratiquer leur culte librement. Mais en choisissant Poutine, les autorités orthodoxes ont mis le pied dans la politique. Ce qui pour moi n'est pas acceptable.

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