Ce ne sont pas des hamburgers. Peut-être avez-vous encore en mémoire l’ancien nom des Têtes au chocolat, ces gourmandises écoeurantes et irrésistibles pour qui aime les sucreries. C’était les Têtes de nègres. Le nom a été changé pour cause de racisme. Manger une tête de nègre est, paraît-il, un acte inconscient de colon prédateur.
Je ne suis pas certain que changer le nom change les éventuelles pensées racistes. L’interdit ne produit pas par miracle une culture positive. D’ailleurs, et c’était un clin d’oeil dans mon billet d’hier, on n’a pas changé le nom des bâtons de glaces - les Eskimo. C’est comme pour «Frigidaire»: une marque devenue un nom propre. Or eskimo est un mot signifiant initialement «mangeur de viande crue» et donné à une population, les Inuits, qui vit dans des pays de glace. Manger des glaces Eskimo est identique à manger des Têtes de nègres. C’est du cannibalisme symbolique. Mais on continue à les appeler «Eskimo». Voilà de quoi réfléchir! Merci l’art!
Ce clin d’oeil sur mon billet d’hier a une suite ce matin. En effet, continuant à surfer sur le second degré, je dévoile en exclusivité quatre nouvelles images géniales pour remplacer les moches Kebabs heureusement dépendus. Je suis bien dans la ligne du département des sports et de la culture: l’art hors les murs. L’art hors les murs c’est pour que les joggeurs et les touristes japonais puissent voir au moins une fois dans leur vie une oeuvre d’art. Enfin s’il s’agit d’art. Je mets plus bas, après mes oeuvres géniales, le commentaire que j’ai déposé sous le billet de M. Sami Kanaan, chargé du Département de la Culture et des Sports à la Ville de Genève. Il synthétise la critique que je fais sur les tristement célèbres Kebabs.
Voici mes quatre oeuvres géniales proposées aujourd’hui (cliquer pour agrandir).
1. «Inside Black». Faisant suite au Kebab, la Tête au chocolat est en soi un manifeste pour la fraternitude universelle. Chacun comprend la nouvelle allusion cannibale inversée: les blancs n’ont jamais mangé de noirs. Mais ils dévorent symboliquement et culturellement les populations de couleur. Rappelez-vous qu’au XIXe siècle on disait que les noirs étaient inférieurs aux blancs. L’ami de Marx et compère en politique, Engels, les tenait d’ailleurs pour des attardés. «Inside Black»: cette Tête au chocolat en partie dévorée doit faire comprendre qu’à l’intérieur du Black, sous une couleur de peau différente, il y a la même couleur, la substance blanche du cerveau. La puissance symbolique est ici phénoménale. En une image, le monde devient fraternel!
2. «Amer Indien». Amer, on le serait à moins. L’Indien avait colonisé un continent, voilà que d’autres colons lui ont pris sa place. Les Apaches n’avaient dès lors plus le droit de torturer et tuer leurs prisonniers. On sait qu’il y eut différentes tribus amérindiennes. Ici il s’agit évidemment des indiens des plaines, collectivement dénommés les Peaux-Rouges. Remarquez la subtilité: Le pot de l’image contient de l’eau, la peau de l’Indien contient de l’eau...
3. Suivent deux versions de la même oeuvre. La version 1.0 est intitulée: «Pensé Eliminé». Rodin avait créé cette oeuvre magnifique, Le Penseur. Les connaissances actuelles de l’humain nous apprennent qu’il faut non seulement penser, mais aussi éliminer des pensées - vieux résidus de théories politiques obsolètes, traces d’éducation barbare, émotions devenues par miracle un langage intelligible. Ce qui manquait au Penseur de Rodin est ici complété.
4. La version 2.0 est intitulée: «L’ennui». On fait souvent usage d’une hyperbole pour désigner l’ennui: «Je me fais chier». J’ai voulu ici aller directement à l’essentiel. Merci Rodin pour avoir aussi bien illustré le désoeuvrement humain.
Commentaire posé sur le blog de Sami Kanaan:
1. L'art hors les murs.
Bonne idée. Pas nouvelle mais bonne. Quand il y a une véritable dimension esthétique ou conceptuelle qui est exprimée, sans avoir besoin de sous-titres. Picasso, Dubuffet, César, ne mettaient pas de texte d'explication à leurs oeuvres. Pas besoin. Toute explication dirige l'émotion et la réaction intellectuelle et va à sens contraire du champ de liberté de l'art. Dans ce cas l’art n’éveille plus, il conditionne. Ce n’est plus de l’art.
2. L'argument.
La réflexion sur la place de la publicité? Argument tiré par les cheveux. La plupart des villes que je connais font déjà la part entre certains espaces où la publicité est visible et d'autres où il n'y en a pas. C'est aussi le cas à Genève. La publicité fait connaître des produits et prospérer des entreprises dans lesquelles les gens ont un emploi. Les entreprises subventionnent régulièrement des artistes et les font vivre. Pourquoi l'information commerciale serait-elle essentiellement visée et pas la publicité culturelle, qui est souvent plus moche que la commerciale? Ce débat est orienté politiquement. La critique de la pub pour des marques est en général un cheval de bataille d'une certaine gauche qui est en lutte avec la liberté économique. Dans le passé c'étaient les princes qui entretenaient des artistes. Aujourd'hui c'est l'économie privée, souvent. C'est plus libre que quand c'est l'Etat, qui selon le parti au pouvoir choisit ses préférences selon l'appartenance de l'artiste plus que selon des critères objectifs.
Supprimer les affiches en villes? Avec déjà la pub des boîtes aux lettres de plus en plus refusée, la presse écrite qui n'atteint pas tout le monde, reste la pub TV, si chère qu'elle favorisera les très grosses boîtes. A moins qu'on ne la supprime aussi. On est libre de regarder ou non ce que l'on présente sous nos yeux: une pub, la couleur d'un immeuble ou ses formes, la couleur des trams, des voitures, les marques apposées sur les voitures, l'arrangement et les couleurs des vitrines, les marques sur les vêtements, la couleur des parapluies, etc. Faudra-t-il voter pour contraindre les formes, couleurs, enseignes de magasins, etc, à une parfaite uniformité qui ne dérange personne?
Donc ces drapeaux sur le pont, cela enfonce une porte ouverte: la pub visuelle n'est pas partout. De plus où y a-t-il eu un débat sur le sujet? Les autorités qui délivrent les autorisations d'emplacement pour des affiches ont-elles organisé un colloque? Y a-t-il eu des débats en ville ou dans la presse, avec des responsables d'entreprises qui utilisent la pub en ville et des associations de consommateurs ou autres? Rien. Un coup dans l'eau, donc, ou un argument prétexte (j'allais dire bidon, comme le bidon d’huile de mauvaise qualité dont on inonde les Kebabs)? C'est bien dans l'air du temps: l'inutilité des actions entreprises, le manque ou l'absence de suivi, la bonne conscience d'avoir peut-être soulevé un sujet mais son inaboutissement total.
3. Si l'on a si peu d'exigence en matière artistique c'est navrant mais c'est signe d'une époque où il n'y a plus rien. Plus rien à dire, plus rien à défendre, plus rien à prétendre, plus de vraie ambition artistique ou intellectuelle. Et ceux et celles qui dirigent des institutions qui ensuite donnent un prix à une telle "oeuvrette" n'ont plus les idées en place. Si le graphisme que le concept ne passent pas sans une autre explication que "l'oeuvre" elle-même il n'y a plus de communication directe avec le public, qui doit passer par l'explication officielle pour former son esprit. Bourrage de crâne.
Un prétendu artiste qui produit cela se fout du monde. Ceux qui le choisissent se foutent du monde. Un peu d'exigence intellectuelle serait bienvenue. Qu'une oeuvre puisse au moins créer une émotion visuelle, un vrai choc intellectuel, que l'on ait envie de penser sur l'oeuvre sans avoir besoin d'un mode d'emploi ou d'une justification. La pub y réussit beaucoup mieux qu'un artiste de second plan.
Il y a 30 ans ou plus, Léo Ferré chantait "Il n'y a plus rien". Il avait juste un peu d'avance. Aujourd'hui on y est: il n'y a plus rien. A quand un grand coup de vent intellectuel pour balayer ce vide rempli de mots officiels, faute d'avoir su éveiller le spectateur? je suis partant pour créer un mouvement néo-Dada. Dada reste plus que jamais d’actualité. J’y reviendrai prochainement.
Commentaires
Bonjour John. 20 ans de dada¨¨isme, déjà... J'y songe depuis si longtemps.Mais plust^^ot que "dada", nous sommes de la génération "nada". Rien après nous ou après nous, le Déluge. Temps de consommation frénétique, de gaspillage tout azimut, de violence gratuite exercée sur les personnes et les peuples pour préserver ou acquérir de plus grands pouvoirs. Génération du luxe... Oui, John, je crois que nous faisons du nada¨-¨isme, de l'art qui ne touche pas les foules, qui n'intéresse pas grand monde, qui tourne dans son désert en désirant faire fleurir la plus belle des fleurs universelle: la démocratie pour tous et pour toute... Mais quand le monde crève de faim et s'entre-déchire pour l'argent et les territoires, ça sert à rien la démocratie. Car dans l'urgence, il faut sauver d'abord sa peau avant de penser à la démocratie...
N.B. J'ai repris votre envie de décalage et votre coup de gueule envers le nihilisme de l'art contemporain, l'art qui ne fait que tourner en rond dans son bocal de pognon et de soirées mondaines. Je l'ai adapté à mon engagement perso pour l'avènement d'une démocratie universelle. Ce n'est pas demain la veille que ça arrivera. Mais on peut toujours faire partie du "Mouvement 4 Nada"... ou en français "Mouvement Pour Rien".
Bonne journée, John.
P.S. L'inscription au Mouvement 4 Nada est gratuite. Sa cotisation annuelle est un minimum d'un engagement artistique en faveur de l'avènement de la démocratie sur la Terre des Humains. Il y a du travail. Alors au boulot, Madame, Monsieur.
Décidément, les surfaces évoquées dans mon post de ce matin ne suffiront rapidement plus pour répondre au génie créatif d'hommelibre, dont la production est aussi importante en qualité qu'en quantité.
Que sortent rapidement de terre les tours de la Praille et que la Traversée de la Rade voie enfin le jour, pour être habillées, telles un Christo, par les oeuvres magistrales d'hommelibre !
... Et que Bertarelli s'offre un nouveau bateau afin de porter sur tous les océans ce message d'amour, de paix et d'une aussi lumineuse intelligence.
Tel est mon voeu le plus cher.
En fait, hommelibre est en train de prouver que les kebabs sont une source d'inspiration fertile et politiquement incorrecte.
Attention : on pourrait en arriver à la conclusion farfelue qu'on a bien fait de les suspendre sur le pont du Mont Blanc !
Plus sérieusement : votre commentaire est très judicieux et j'abonde évidemment dans son sens.
coucou Homme Libre,
excellent, bien vu le penseur au ptit coin, c'est vrai qu'y a des pensées merdiques
bizzzouxxx!!!