Un rappel d'abord: le 1er septembre 1969 Gabrielle Russier se suicidait. Certains se rappellent peut-être de cette enseignante de 32 ans qui a inspiré le film d’André Cayatte: «Mourir d’aimer». Amoureuse d’un garçon de 16 ans, ayant eu des relations sexuelles avec lui, elle avait été condamnée en première instance à 13 mois de prison avec sursis.
Le parquet avait fait appel et demandait une peine plus sévère. Elle s’est suicidée avant le procès en appel. Le 22 septembre 1969, le président Pompidou répondait à une question d’un journaliste sur l’affaire:
- A Marseille, une femme, un professeur, 32 ans, est condamnée pour détournement de mineur. Elle se suicide. Vous-même, qu'avez-vous pensé de ce fait divers qui pose, je crois, des problèmes de fond ?
Après de longs silences embarrassés et quelques bouts de phrases insignifiantes, Georges Pompidou déclare:
- Comprenne qui voudra. Moi, mon remords, ce fut la victime raisonnable, au regard d'enfant perdue, celle qui ressemble aux morts, qui sont morts pour être aimés. C'est de l'Eluard.
Le poète Paul Eluard avait consacré ces vers aux femmes tondues à la Libération. Alors qu’elles étaient l’objet de l’opprobre populaire pour trahison et collaboration, Eluard avait choisi de les défendre au nom de l’amour.
En citant ces vers le président de la République avait alors défendu l’enseignante, au nom de l’amour. Il n’était pas le seul à la défendre. Charles Aznavour en avait même fait une chanson.
Aujourd’hui une enseignante de 39 ans, mère de cinq enfants, a été condamnée à six mois de prison ferme pour avoir entretenu il y a 5 ans et pendant trois ans une relation amoureuse complète avec un de ses élèves âgé de 12 ans au début des faits. Une histoire d’amour, dit le tribunal. Qui l’avait inculpée au chef d’atteinte sexuelle sur mineur. Une incrimination assez légère. Pas de notion d’agression sexuelle, encore moins de viol.
D’ailleurs en droit français il est impossible d’inculper une femme de viol, celui-ci étant défini par l’acte de pénétration et par la contrainte. Or ici il n’y a pas eu d’introduction sexuelle. Cela ne serait possible qu’en cas de sodomisation du garçon, manuelle ou avec un objet.
Cette affaire montre une discrimination entre les hommes et les femmes en matière de crime sexuel. On le constate encore dans l’affaire d’Outreau où Myriam Badaoui avait été condamnée pour viol. La presse met le mot viol entre guillements: «Myriam Badaoui, condamnée dans l'affaire Outreau à quinze ans de prison pour "viols", est désormais libre.» (Le Point, 7 novembre 2011).
Qu’aurait-on dit, de quoi aurait été accusé un homme de 39 ans menant pendant trois ans une relation amoureuse et sexuelle avec une mineure de 12 ans? Viol, pédophilie, très probablement. Ici on ne parle pas de pédophilie. Parce qu’il y a de l’amour et qu’il n’y a pas de contrainte physique directe. Cela suffit-il à évacuer la notion de pédophilie quand le garçon a 12 ans? La question est posée. Et si la justice a toute latitude pour apprécier les situations qu’elle doit juger, les principes sur lesquels elle se fonde ne sont pas toujours d’une clarté aveuglante, en particulier en matière de délinquance sexuelle féminine.
Il semble que depuis l’affaire Russier on n’ait guère avancé sur cette question. Six mois de prison ici, 12 mois avec sursis à l’époque pour Gabrielle Russier. L’affaire Strauss-Kahn avait aussi fait connaître la relation amoureuse entre Tristane Banon, alors âgée de 29 ans, et le fils du directeur de l’Express âgé de 16 ans. Il était alors présenté comme son fiancé.
La délinquance sexuelle féminine est un tabou majeur. Le psychiatre français Daniel Zagury, spécialiste de psychopathologie et de psychiatrie légale, expert auprès de la cour d'appel de Paris, en parle ainsi:
«C'était un sujet dont on ignorait tout, mais surtout que l'on voulait ignorer. On s'est petit à petit aperçu qu'il y avait beaucoup de femmes incarcérées pour ces motifs, et que c'était un vrai sujet. C'est un tabou, car la femme c'est la mère. Le tabou est lié au fait de télescoper la dimension sexuelle et la dimension chaste de la maternité. Nous avons tous au fond de nous une vision idéalisée de la femme mère. La dimension de la relation femme enfant est insupportable.
Nier la délinquance sexuelle des femmes est un réflexe très misogyne. Georges Canguilhem dans son livre « Le normal et le pathologique » affirme qu'on ne connaît la norme qu'à partir de sa transgression. Et, au fond, s'il n'y a pas de femmes qui commettent des actes de délinquance sexuelle, cela reviendrait à dire que les femmes n'ont pas de sexualité propre ou de normes sexuelles.»
L’auteur français Anne Poiret a écrit un livre documenté sur le sujet: «L’Ultime tabou». Le site La Cause des homme expose l’un des cas recensé dans ce livre. Un vrai cas d’école. On peut aussi penser à Myriam Badaoui dont le comportement sexuel déviant a été particulièrement grave. Ou à Monique Olivier qui assistait aux viols de fillettes par son mari Fourniret, au point de mettre en scène sa défloration avec l’une des victimes.
Pour des raisons culturelles, pour un stéréotype (homme prédateur et supposée domination masculine) la criminalité sexuelle féminine est minimisée. Indice du sexisme misandre de notre société.
Commentaires
Je ne regrette point d'avoir été déniaisé à 13 ans
A 13 ans je fus déniaisé par notre voisine de palier une femme célibataire, maîtresse d’école, âgée de 36 ans. Elle m’avait séduit dans tous les règles de l’art. Bien entendu l’apprentissage des relations sexuelles furent merveilleuses mais en plus elle m’apprit les règles de comportement avec une femme que l’on apprécie et que l’on aime : la gentillesse, le respect, la tendresse, le partage des moments heureux. J’ai vécu avec elle dans une autre ville pendant plus 15 ans sans être marié. Je l’ai soutenu dans sa maladie et je lui ai fermé les yeux le jour de son décès.
Aujourd’hui âgé de 72 ans je ne regrette pas notre relation. Ayant été marié à deux reprises je n’ai jamais retrouvé une telle femme. Elle fait toujours partie de mon jardin très secret.
Tant mieux pour vous si ça s'est passé comme ça. Ca arrive sans doute de temps en temps.
Mais il ne faudrait pas que votre expérience donne argument à ceux qui soutiennent que côté garçons, le contact avec la pédophilie féminine n'est pas traumatisant, c'est une initiation, etc. En fait et dans la plupart des cas, c'est tout aussi traumatisant que le contact avec la pédophilie masculine pour les filles.
C'est pourquoi l'actuelle définition du viol doit être élargie, afin que la sanction soit la même pour les délinquants des deux sexes.
Il est clair que l'abus de la position d'autorité est flagrant dans le cas de l'institutrice qui vient d'être condamnée. C'est en quelque sorte un facteur aggravant.
Le fait qu'elle soit en plus très catholique et mère de 5 enfants rend son histoire encore plus choquante. Cette personne apparaît comme particulièrement perturbée.
Cela ne l'excuse en rien.
L'histoire du "passant ordinaire" témoigne d'un vécu positif et on peut penser que ce genre d'histoires peuvent avoir lieu, en toute discrétion, dans les deux configurations ( homme plus âgé ou femme plus âgée) et lorsque ça se passe "bien", on n'en parle pas.
Ce qui me frappe pourtant dans votre témoignage, c'est le fait que vous n'avez plus jamais trouvé une telle femme. Cette première histoire a été tellement marquante qu'elle en est devenue irremplaçable. Si elle a duré jusqu'à ce que la mort vous sépare, elle en revêt une dimension encore plus absolue.
Un premier amour est souvent très formateur, il nous marque pour toujours. S'il y a cette différence d'âge, j'ai toujours l'impression que les forces en jeu sont trop inégales et que la jeune personne, encore malléable, n'est pas à même d'affirmer sa personnalité.
Si de plus, la maîtresse est maîtresse d'école, à mes yeux c'est trop.
En tant qu'adulte, j'aurais besoin d'un égal face à moi ! Je ne peux m'imaginer avoir un intérêt à être dans une telle relation avec un blanc-bec (excusez-moi, passant ordinaire).
Quant à savoir, si on ne condamne pas assez sévèrement les femmes dans de tels cas, je pense que c'est toujours parce que, comme vous l'avez déjà dit, hommelibre : le masculin est la norme. Le viol ne peut être que d'une sorte, selon cette façon de penser.
Dans le cas de l'abus d'autorité, les peines devraient être équivalentes, sans aucun doute. Pas pour des raisons physiques, mais pour des raisons institutionnelles : l'adulte a trahi son statut.
Bien commenté Calendula, pourtant en parlant de ces relation adultes ados, il en est parfois ou le qualificatif "faillir s'appliquerai mieux que "trahir" à son statut d'adulte.
Je veux espérer, que dans ces cas, il y a parfois des sentiments (ou des projections) qui déchirent tout simplement, les défenses de la bienséance.
Ceci vaudrait autant pour les hommes que pour les femmes.
C'est d’ailleurs de cette manière que les crimes qualifiés de "passionnels" sont un peu moins pénalisés que les autres.
Bonsoir, aoki,
Vous avez raison : "faillir" convient mieux.
L'adulte n'a pas été adéquat, il n'a pas réussi à l'être.
Calendula heureusement qu'il n'y avait pas que le sexe pour lier notre relation. Elle m'avait aussi introduit dans le monde des arts : peintures, littératures, théâtre, musique classique et cinéma. Elle m'avait fait découvrir le monde de l'artisanat : poterie, tissage de tapisserie, etc.
En ce qui concerne les autres femmes je n'ai qu'un seul regret c'est d'avoir été naïf et d'avoir fait confiance à des gourgandines dont le seul but était des soucis matériels. Heureusement que j'étais marié sous le régime de séparation des biens et comme ces épousailles furent de courte durée mon portemonnaie ne s'en guère ressentit.
Aujourd'hui à la veille de mon départ vers l'éternel je profite des moments qui me sont offerts en allant au théâtre, au concert, en visitant des musées et en prenant soin de ma santé.
Ne vous méprenez pas, je ne vis pas en solitaire car lorsqu’on est financièrement bien assis on dispose toujours de gens prêts à louer leurs services : chauffeur, femme de ménage pour s’occuper du ménage à l’exception de la cuisine.
encore et toujours.... une enseignante qui entretient une relation de plusieurs mois avec un enfant de moins de 15 ans: 18 mois avec sursis, et l'avocat insiste bien sur le fait que ce n'est pas de la pédophilie parce la relation étatit consentie!!! Un homme aurait pris combien? rappelez vous l'affaire Polanski , une fois, avec une mineure de 17 ans consentante.
http://lci.tf1.fr/france/justice/lille-dix-huit-mois-de-prison-avec-sursis-pour-une-enseignante-8283673.html
...13 ans et non-consentante....ça change quand même la donne....
Peut être que le cas Polanski est un mauvais exemple...
Mais dans le cas que je cite, 12 ans au début, et vachement consentante assurément. Idem pour le cas objet de l'article: 13 ans! depuis quand le consentement d'un mineur de 12 ou 13 ans autorise t il la pédophilie, ou la rend il acceptable?
On va bien s'amuser a jouer avec la notion de consentement en oubliant un peu que le consentement d'un enfant de 12 ans obtenu par un majeur qui a autorité c'est ce qu'on appelle selon le cas une manipulation perverse ou l'Amour.