C’est l’histoire d’un instituteur en maternelle, quelque part en Suède. Il adore les enfants, qui le lui rendent bien. En particulier la fille de son meilleur ami, Klara. Elle est très imaginative. Il la comprend et l’aide dans ses difficultés à marcher correctement sur les trottoirs. Ils ont ainsi une sorte d’alliance.
Un jour la petite fille a un geste de trop, et lui offre en cadeau un coeur en céramique. L’instituteur refuse le cadeau et la recadre gentiment. La petite en prend ombrage et brise leur alliance. Elle met ensemble des bouts d’images et de mots qui n’ont rien à voir et raconte un abus sexuel imaginaire à la directrice de la maternelle.
La machine alors s’emballe, la parole de l'enfant est très vite contaminée et l’instituteur commence une descente aux enfers. Sa vie va être emportée par cette accusation inventée. Il devient comme un pestiféré aux yeux de sa communauté, est menacé de mort, agressé physiquement, et mis à l’écart «le temps d’en savoir plus». Il perd son travail.
L’accusation est comme toujours difficile à déconstruire, parce que l’on croit sans recul la parole d’une enfant: quelles raisons aurait-elle de mentir?
Ce film ne fait pas que dénoncer une dérive sociétale actuelle. Il montre de l’intérieur ce qu’est le viol à l’envers: viol de la personnalité, de la vie de l’innocent. L’accusation fausse ou inventée, relayée par des gens qui croient sans savoir, est une forme de viol moral, un viol de la conscience.
Le film montre les mécanismes qui se mettent en place dans une fausse accusation. Il montre surtout comment la parole peut être contaminée dès les premiers instants. La fillette tente de rattraper son mensonge, mais on ne la croit que victime, et parce qu’une personne à un moment lui fait écho. Les adultes, dans leur volonté protectrice, suggèrent ce qu’elle doit dire. Et elle le dit.
On pense à Loïc Sécher, innocenté par sa «victime» après 7 ans de prison. Ou à Antonio Meidera, accusé par sa fille qui - elle l’a avoué dans un livre - avait besoin qu’on lui témoigne de l’intérêt. On repense aux centaines de professeurs accusés à tort en France entre 1997 et 2002. Et à tant d'autres. Dans ces cas et dans d’autres la machine s’emballe et elle ne s’arrête parfois jamais. Et si dans ce film c’est la parole d’une enfant qui est contaminée, la même contamination touche la parole des adultes. C’est pourquoi ces affaires demandent la plus grande rigueur.
Dans le film une affabulation des enfants commence à faire dégonfler l’affaire. Tous les innocents, toutes les innocentes accusés à tort n’ont pas cette chance.
Selon le FBI il y aurait de 8 à 15% de fausses accusations en matière d’agressions sexuelles. C’est énorme. Selon d’autres études il y en a bien plus. En France sur près de 8‘000 plaintes il y a environ 1‘600 condamnations. Que certaines agressions soient difficiles à démontrer, je n’en doute pas. Mais un rapport de 1 à 5, soit 80% de plaintes sans suite, c’est considérable. Toutes les fausses accusations ne sont pas délibérées. Parfois elle sont le produit de malentendus ou de troubles psychiques. D’autres sont de purs mensonges.
Je ne raconterai pas la fin du film. Le sceau de l’enfer se referme sur l'instituteur. Peut-être eût-il été préférable qu’il mourût.
La Chasse passe à Genève au cinéma City. Il faut le voir, pour comprendre ce que vit un homme dans ce «viol à l’envers». Il faut le recommander à toutes les personnes qui bossent dans l’éducation, le social, la thérapie, la justice.
L’acteur, Thomas Bo Larsen, a reçu le prix d’interprétation masculine à Cannes en 2012 pour sa performance sobre, intense, sans concession à la facilité.
Commentaires
Personnellement j'ai, de loin, préféré Festen! pas bien compris l'intérêt de ce film, se ce n'est de décrédibiliser la parole de l'enfant. Pas clair. Quand aux personnes qui bossent dans le social, l'éducation, la thérapie, la justice, je pense qu'il est plus judicieux pour eux de voir des films comme "trust" ou "l'ombre du doute"
@ Vali:
"La Chasse" montre deux choses qui me paraissent primordiales pour instruire ces affaires avec rigueur. D'une part il y a la contamination de la parole. Ce n'est pas à chaque fois, et cela ne doit pas conduire au déni. Mais cela existe et la directrice de la crèche dans le film fait tout ce qu'il ne faut pas, tout en croyant bien faire: elle croit d'emblée, va trop vite, met les mots dans la bouche, intervient sans compétence et fait intervenir quelqu'un qui ne devrait pas. On voit aussi que quand les choses sont présentées d'une façon, tout semble pouvoir être interprété dans le même sens. C'est aussi cela la contamination.
Qu'aurait-elle dû faire d'autre? Aller moins vite.
On ne devrait pas "croire" si vite. Les accusations graves doivent être prise avec précautions et vérifiées. On ne peut simplement croire.
La deuxième chose est le désastre dans la vie d'un innocent accusé. Et encore, il s'en tire bien et le film est encore en-deçà de la réalité.
Je n'ai pas vu "l'ombre du doute", j'ai lu le pitch. Bien sûr que c'est aussi important. Il faut donc voir les deux films. Pour "Trust", j'ai vu des passages sur le net, je ne sais pas s'il est déjà sorti en salle. Il est malheureusement d'une actualité brûlante suite aux drames récents liés à Facebook.