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Le détournement du langage

La question du «mariage pour tous» (ou presque) fait débat dans le public sans que les politiques n’en soient les maîtres. C’est une bonne nouvelle. Discuter, débattre d’un thème de société important, doit être la fonction même de l’agora, de l’espace public et citoyen.

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Chacun est heureusement libre de son corps. Si le couple hétérosexuel est mis en avant culturellement et juridiquement dans la société c’est parce qu’il est le couple reproducteur qui assure à tous une existence au monde. Il est la référence.

Je lis parfois que le débat sur ce sujet est abusif, que les personnes concernées sont les seules à être légitimées à en discuter. Certes la vie privée des gens leur appartient mais les orientations fondamentales de la société appartiennent à tous. Le mariage hétéroxesuel a fait l’objet d’une définition culturelle et juridique et a dû être accepté par l’ensemble de la population. A titre de comparaison on pourrait dire que le mariage ne concernait initialement que les personnes qui se mariaient. Et bien non. Il concernait aussi, et il concerne encore, toutes les personnes qui sont en relation avec le couple marié. Les enfants nés de ce couple portent un nom, une génétique, et des géniteurs juridiquement responsables. Cela concerne donc les enseignants, les médecins l’état civil et la justice, entre autres.

Les familles homoparentales existent de fait. Certaines d’entre elles sont initialement formées de parents hétéros dont l’un ou les deux parents se sont ensuite orientés différemment. L’argument en faveur du «mariage pour tous» d’une protection du couple et de la descendance a du sens. Du moment où chacun est libre de son choix de vie il n’a pas à être prétérité en cas par exemple de décès du partenaire ou du parent, quel qu’il soit. Si la société libérale admet que l’individu dispose librement de sa propre vie elle doit mettre à sa disposition le cadre civil et juridique pour qu’il puisse la vivre librement sans être privé d’avantages. Le libéralisme considère la libre disposition de soi comme une valeur majeure et normative de la communauté humaine.

Cette liberté est toutefois génératrice de questions. Une société a besoin de règles communes. Cela peut sembler contradictoire avec la liberté individuelle. En fait, non. La société garantit la liberté individuelle grâce à l’accord de l’ensemble du groupe. En contrepartie l’individu n’a pas toute liberté. Il doit aussi respecter des règles.

Il est normal que le groupe discute des choix et orientations qui se développent en son sein, et qu’il ait besoin de temps et de réflexion pour admettre qu’une nouvelle orientation ait sa place sans porter atteinte à l’ensemble. Les stigmatisations et accusations d’homophobie dans le débat n’ont pas lieu d’être. De telles accusations ne sont produites que pour tenter de soumettre l’autre par le silence. Plus encore: tout grand projet devrait être systématiquement passé au crible d’une critique sans concession afin d’en voir tous les aspects. C’est parce qu’ils ont imaginé toutes les possibilités d’échec que les ingénieurs de la Nasa ont fait atterrir avec succès Curiosity sur Mars.


Le sens des mots
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La reconnaissance de la liberté individuelle et le principe d’égalité ne rendent pas compte de la totalité du débat. La part sémantique induite par le projet de mariage pour tous est même laissée pour compte. D’abord le titre du projet. L’expression «mariage pour tous» est abusive. En effet le mariage entre frère et soeur n’est pas prévu. On est ici dans un conflit entre la liberté individuelle et des considérations éthiques, religieuses et médicales. Et peut-être électorales: l’inceste est trop rare pour former une clientèle utile aux élections. On peut arguer du risque d’affaiblissement génétique des individus à cause d’unions consanguines. Or ce risque est aujourd’hui reconnu comme bien moins important qu’on ne le croyait au XXe siècle. L’argument médical ne devrait pas être un obstacle. Demeure le tabou culturel. Quelle que soit la raison on voit que le mariage n’est en réalité pas pour tous.

D’autres aspects sémantiques sont à relever. Les mots père et mère disparaissent presque du code civil, sauf pour la filiation dans un couple hétéroxesuel. Il restera peu de choses de ce marqueur fort qui désigne d’une part l’origine du couple marié: «Union entre un homme et une femme» et d’autre part les géniteurs d’évidence d’un enfant. Si un couple hétérosexuel est - en principe - automatiquement mère et père de l’enfant né pendant son mariage, un couple homosexuel ne peut procréer. Un enfant ne peut être né de deux pères ni de deux mères. D’où la nécessité d’affaiblir dans la loi le statut de mère et de père, en les remplaçant par le mot «parents» à chaque fois que c’est nécessaire.

Ce qui soulève un autre problème. Le sens étymologique vient du latin parentem, acc. de parens, «père ou mère», pluriel parentes: «le père et la mère», ou plus encore: «le père et la mère collectivement». Le mot inclut bien les deux sexes. Il ne peut s’appliquer à un couple de personnes de même sexe, sauf à détourner le langage de son sens.

Les mots «époux» ou «conjoints» remplaceront ceux de mari et femme. Or les époux ou conjoints sont des personnes unies par les liens du mariage, et le mariage est l’union d’une femme et d’un homme.

On détourne donc le sens des mots alors qu’il faudrait en créer de nouveaux. Mais en créer de nouveau suggère que le principe d’égalité de droits doit être complété par la reconnaissance et l’acceptation sociale d’une différence. Ciel, reconnaître que les différences sont dites et gravées dans le marbre? Relativiser le dogme de l’égalitarisme? Demander aux humains d’assumer leurs singularités?

Ceci est politiquement très incorrect.

Catégories : Politique, société 6 commentaires

Commentaires

  • Outre tout le débat légal (mais des juristes vous expliqueront comment les couples homosexuels ont déjà tout l'arsenal juridique à portée de main pour assurer la protection de leur conjoint), la question de la séparation entre sexe et procréation au nom d'un droit individuel ne lasse pas de poser des questions. Ainsi, entre autres: sommes-nous face à un nouveau puritanisme qui ne dit pas son nom? Quid de cette nouvelle catégorie sociale de porteurs/donneurs qui vaque dans l'ombre de ce Droit à l'Enfant? Quid de ces Femmes et Hommes instrumentalisés par l'alliance objective entre le monde des pharma et celui du "Droit à la différence"? Cette alliance objective marque-t-elle la finalité du slogan "Mon corps est à moi ! "?

  • Bonsoir John,

    Vous n'allez certainement pas vous faire des amis avec de tels propos. Je les partage néanmoins complètement ; et si l'on me demande une fois de voter sur le sujet, je m'opposerai, par mon vote, au "mariage" de personnes du même sexe. Il ne faut y voir aucune connotation religieuse, ou integriste, ou ce que l'on voudra.

    On vit malheureusement à l'époque de la frustration zéro où les gens veulent de plus en plus de droits et de moins en moins de devoirs ! Toute demande non satisfaite est aussitôt considérée comme une entrave à la liberté individuelle, et montée en épingle pour faire croire au bon peuple que ses valeurs sont ringardes, voire intolérables. On a changé de siècle. Je ne suis pas sûr que ce soit de nouveau celui des lumières...

    O tempora, o mores !

  • @ Michel:

    C'est un sujet complexe. Des associations homosexuelles trouvent que le projet ne va pas assez loin et veulent une reconnaissance automatique de l'enfant par les deux partenaires, comme pour un couple hétérosexuel. Cela signifie que le découplage du corps serait encore accentué: toute relation ne deviendrait plus que culturelle, et sujette par là aux arbitraires des volontés.

    Le corps est une balise, le désir qui conduit à la procréation est un désir dans le corps. Toutes les parentalités ne sont pas corporelles, à preuve l'adoption. Mais l'adoption est centrée sur l'enfant afin de lui redonner un foyer s'il n'en a plus. Dans le cas de l'adoption par un couple homosexuel on renverse les choses: ce n'est plus la famille qui vient au secours de l'enfant, c'est l'enfant qui sert à créer la famille.

    Ce débat juridique a été la raison pour laquelle le projet de loi ne met pas les couples homosexuels et les couples hétérosexuels à égalité de droits sur ce point.

  • D'ou vient le mariage? Qui s'occupait des gamins lorsque les femmes étaient mortes, étaient volées etc ?

    "Il y a des millions d'années que les hommes, naturellement, sentent le besoin de vivre en famille, en communauté. On a retrouvé des pistes de pas d'australopithèques, dans la boue. On voyait la trace d'un mâle, d'une femelle et des pas d'enfants. Les australopithèques, nos plus proches ancêtres, vivaient il y a de 4 à 6 millions d'années. L'homme n'est pas le seul animal a vivre en famille, plusieurs oiseaux et mammifères vivent par paire. On croît même que les dinosaures formaient des couples probablement exclusifs et qu'ils vivaient en famille! Les premiers hommes vivaient en famille «élargie», par groupe de familles. La famille de l'homme (femme et enfants) vivait avec d'autres familles parentales et formait une tribu. Au début, il n'y avait pas de contrat de mariage. Le seul fait de cohabiter homme et femme, faisait du couple un couple uni. La femme ne comptait pas beaucoup, elle était, d’une certaine manière la propriété du mari. Ce n'est qu'avec les Hébreux (1er siècle après J.-C.) que la femme commence à acquérir plus d'autonomie, de sécurité et de droits. Le premier contrat de mariage en bonne et due forme fut découvert parmi des papyrus en «Égypte, il date d'environ 500 ans avant J.-C. Le texte était simple, concis, dépouillé de tout romantisme puisqu'il s'agissait d'une sorte de facture : six vaches en échange d'une fille de 14 ans en bonne santé. Par la suite, les romains firent du certificat de mariage un document légal complexe et très détaillé. On y inscrivait le montant de la dot ou le partage des biens en cas de divorce ou de décès. Le mari acceptait de fournir à sa femme, nourriture, vêtements, confort ; la femme, elle, promettait de se conduire avec dignité. Le mariage est un acte par lequel les autres et soi-même reconnaissent qu'un homme et une femme sont unis pour la vie. Il y a trois sortes d'acte : religieux, social (fête) et juridique (contrat). Les Romains, qui existaient déjà 800 ans av. J.-C., incluaient les trois actes. Avant eux, les peuples célébraient un mariage essentiellement social, en faisant la fête. Le divorce fit son apparition d'une manière non officielle. Il suffisait aux hommes primitifs de dire à la femme de quitter la demeure pour qu'il y ait divorce. À Rome, la loi n'intervenait pas dans les dissolutions de mariage : un homme pouvait divorcer chaque fois que sa passion se refroidissait. Il lui suffisait de passer par un magistrat local pour obtenir un certificat de divorce et on ne recense aucun cas de refus."

    A quoi sert le mariage devant un curé et devant un maire. L'un pour l'inquisition de l'état sur la couple, l'autre servait aux monarques pour savoir qui était qui, qui faisait quoi et qui était soumis ou non à lui. Les deux, pillaient les gens d'une manière ou d'une autre. Rien à changé ou plutôt si, on est moderne.

    Quant aux gamins esclaves, ou, orphelins, ils devenaient corvéables à merci et servaient de soldats pour aider le roi à piller, tuer, torturer, violer, étendre son influence et son pouvoir. Rien à changé ou plutôt si, on est moderne.

    Aujourd'hui combien de gamins sont rendus malheureux par le divorce qui n'est pas une mince affaire lorsque l'on s'est fait piéger dans le système...hétérosexuel.

    Je ne suis pas Homo sexuel loin s'en faut, mais je n'ai rien contre celles et ceux qui veulent s'enfermer dans ce système pourri de la communauté.

    La chrétienté entraîne les ignorants et les ouailles qu'elle souhaite soumettre aux lois de l'église du monarque, donc de l'obscurantisme.Ce faisant, elle pratique de nouveau l'inquisition. Rien a changé ou plutôt si, on est moderne dans l'obscurantisme et dans la pratique de l'inquisition.

    Y a -t- il eut autant de manifestation pour les milliers de gamins violé par les pédophiles de la chrétienté cachés par le vatican et autres institutions religieuses? Non.....c'est surprenant comme comportement?

  • Salut Pierre,

    Pas certain que ce soit juste: "La femme ne comptait pas beaucoup, elle était, d’une certaine manière la propriété du mari." Des archéologues ont trouvé de nombreuses tombes de la préhistoire avec des squelettes de femmes, entourées de leurs objets de rituel ou d'apparat. Cela signifie que les femmes tenaient une place importante dans la société préhistorique. Pour ce qui est d'être la propriété, je crois que le couple génère une forme de propriété mutuelle.

    A Rome, les femmes aussi pouvaient décider de divorcer, pas seulement les hommes.

    Pour ce qui est des règles régissant les comportements de couples, le code Hamourabi il y a 3'000 ans les réglait déjà et sanctionnait les comportements criminels. A l'époque des rites de mariage sont déjà signalés.

    Plus anciennes encore, les lois d'Eshnunna (3'800 ans en arrière) mentionnent le mariage.

    Bonne journée!

  • Salut John,

    Rien n'est jamais sûr; j'ai omis de regarder la date du document et de garder la référence. Il est vrai aussi que des nouvelles découvertes ont lieu régulièrement faisant évoluer l'histoire de ces temps très reculés.

    Sans compter que certaines de mes lectures sur les croyances ont quelque peu vieillit, le mariage n'était pas l'objet de mes recherches....

    Merci pour tes précisions bonne journée également.

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