Celui qui gagne plus paie plus. C’est logique et équitable. En temps de crise il faut compenser les recettes en baisse. La chasse aux riches est très pratique. Elle comporte un aspect Robin des Bois qui plaît en général au public. Etre riche est perçu comme immoral. Mais les contribuables qui investissent sont ceux qui en ont les moyens. Taxer fort décourage les investisseurs. Qui n’irait s’installer dans une région où il paie moins de charges (taxes, loyer, etc) tout en gagnant bien sa vie?
Les transferts de richesses
Les différences de coût de la vie et de fiscalité sont relatifs à l’activité d’une région ou d’un pays et à l’incitation qui est faite pour attirer de nouveaux investisseurs ou contribuables. Que l’on tende en Europe vers une harmonisation fiscale est logique. Mais l’inégalité fiscale est un fait lié aux différences des niveaux de vie et de revenus selon les pays. Ces différences de fiscalité font s’exiler des citoyens, comme Depardieu et d’autres, qui vont dans un pays plus favorable. Grâce à eux le pays d’accueil s’enrichit.
En harmonisant la fiscalité entre des régions on cassera une dynamique qui permet de transférer des ressources des régions plus riches vers des régions moins riches. Une unification fiscale totale peut apparaître comme une équité en théorie, mais elle produit en réalité une inéquité: en cas d’harmonisation les régions moins riches ne bénéficieraient plus du transfert de richesse - sauf par une péréquation contraignante, qui peut s’appliquer aux collectivités mais pas aux individus.
Si par exemple le coût du travail était partout le même dans le monde, les pays émergents sans ressources naturelles ne verraient pas leur niveau de vie progresser. De ce point de vue l’inégalité fiscale est un levier d’harmonisation bien plus efficace qu’une contrainte puisqu’elle permet un transfert de richesse spontané.
On doit dès lors s’étonner de la réaction de Normal 1er et de son gouvernement. Il veut garder la richesse et ne pas en faire profiter ses partenaires européens. Réflexe éminemment égoïste. C’est le nationalisme de gauche. Mais jusque là rien que de classique: les ressources fiscales sont comme le sang d’un pays. Il faut donc se protéger des hémorragies.
Une liberté à géométrie variable
L’affaire Depardieu devient plus cocasse quand on voit que cette majorité à oeuvré bec et ongles à la libre circulation des personnes et des capitaux dans l’Union Européenne. Gérard Depardieu ne fait donc qu’appliquer ce que la majorité actuelle a contribué à mettre en place. Il le fait librement, comme tout citoyen européen. Il n’y a rien à redire à sa décision, sauf à se renier soi-même ou à vouloir rogner la liberté individuelle. Liberté qui deviendrait alors à géométrie variable: liberté totale pour le mariage et l’adoption par les couples homosexuels, liberté conditionnelle ou crime d’immoralité pour Depardieu. Sans oublier le régime spécial pour Yannick Noah, que M. Hollande et ses alliés n’ont pas traité de minable à l’époque où il était aller mettre son argent en Suisse. Normal, il fait leur pub.
Elisabeth Lévy, dans Causeur.fr, rappelle opportunément que François Hollande lui-même considérait qu’un impôt de plus de 40% était de nature confiscatoire. Confiscatoire signifie que pendant la révolution française l'Etat a pris par décret les richesses disponibles. Cela incite les plus riches à s’en aller. Les propos précis de M. Hollande, commentés dans une vidéo de l'UMP, sont: «Autant il est normal d'avoir une progressivité, autant il est anormal d'avoir un taux supérieur, qui soit même au-delà de 40 %, mais autrement, l'image de taux confiscatoires sur une toute petite fraction des contribuables n'aura aucun effet, puisque alors là on est sûr des effets de délocalisation, et ne produira aucune recette... [...] Je préfère que [Mme Bettencourt] paie ses impôts en France !». (Voir ci-dessous). Outre le fait qu'on dirait un plaidoyer pour le bouclier fiscal, M. Hollande reconnaissait lui-même qu’un taux élevé ne rapporterait rien et que les richesses s’expatrieraient. Il l’avait prévu, il l’a mis en place, et cela se passe. Il n’y a donc rien à reprocher à M. Depardieu.
Le bouc émissaire
Pourquoi dès lors une telle affaire d’Etat? Il semblerait que Gérard Depardieu soit simplement le bouc à Azazel, c’est-à-dire le bouc émissaire tout trouvé. Les gesticulations impuissantes du gouvernement sur Peugeot et sur Florange doivent être vite oubliées. Il faut détourner l’attention et orienter la colère vers une cible facile. Les pauvres perdent leur travail pendant qu’un riche se délocalise. Horreur! Ce riche faisait travailler 80 personnes en France et payait beaucoup d’impôt. Dorénavant il fera travailler ailleurs et paiera ses impôts ailleurs.
Hollande n’aime pas les riches. Il l’a dit. Très bien: sa majorité multiplie les taxes et prépare une France sans riches. Une très courte majorité de français l’a voulu ainsi. Soit. Mais qu’un Premier ministre traite un citoyen de minable est moche. Aussi moche qu’un certain «Casse-toi pauvre con!».
Commentaires
C'est bien le gouvernement Fabius qui désirait la libre circulation des gens et des biens ...
Bonjour à vous,
Je ne commenterai pas sur le fond votre texte car chacun de nous est bien libre d'exprimer ses opinions comme il l'entend.
Je veux simplement souligner que le Premier Ministre n'a pas traité Monsieur Depardieu de "minable". Il a simplement déclaré que sa façon d'agir était minable, ce qui n'est pas du tout la même chose et n'a rien à voir avec le fameux "Casse toi, pauvre con" du Président Sarkozy à un quidam qui n'avait pas, dans la foule, envie de lui serrer la main.
On n'est pas tout à fait dans la même cour.
Quant au fait que Monsieur Hollande "n'aime pas les riches", pardon mais en France un grande partie de la gauche lui reproche (cause d'un certain insuccès actuel), en tentant de ménager la chèvre et le chou, de ne pas être ce qu'elle attendrait de Monsieur Mélenchon... qui lui serait certainement - à ce sujet entre autres - très nettement plus offensif sinon agressif...
Cordialement.
Fragkiskos
Bonsoir Frakiskos,
Oui j'ai déjà lu cette remarque sur un billet ici:
http://onsestmontelatete.blog.tdg.ch/archive/2012/12/18/le-double-effet-contagieux-des-grands-tirages.html
Du point de vue strict des termes, vous avez raison: c'est le comportement qui est mis en cause et non la personne. Dans le concert de critiques, j'ai ressenti ces propos comme néanmoins adressé à Depardieu personnellement, sinon exactement dans les termes, du moins dans la cible visée, le but explicite poursuivi et la fixation sur lui.
Mélenchon serait certainement plus agressif. Mais je trouve excessif de reprocher à G.D. une liberté de mouvement que les socialistes eux-mêmes ont voulu. Je suis en effet mal à l'aise avec le double discours de la gauche.
Cordialement.
C'est vrai que Monsieur Depardieu sert peut-être un peu de tête de turc mais je ne pense pas qu'il faille en être vraiment surpris.
Tout d'abord merci pour ce renvoi à "onsemontelatete". Je ne connaissais pas. En fait je ne connais pas bien les blogs et c'est mon épouse qui m'a amené à m'intéresser à celui-ci. Ce que je ne regrette pas.
Pour en revenir à Monsieur Depardieu, je crois qu'il avait, qu'il a, une place particulière dans le cœur des Français et en particulier dans ce que les bourgeois appellent "le petit peuple".
Il me semble donc que la réaction qui est assez générale a été en relation avec la déception, le désappointement ressenti à l'égard de celui que bien des familles considéraient un peu comme un des leurs.
En France bien des gens vont très mal et la situation est particulièrement difficile pour un grand nombre. Il ne faut donc pas s'étonner si des mots "épidermiques" peuvent être prononcés quand on s'attend à un élan de solidarité de la part de ceux qui ne sont pas frappés particulièrement par ces difficultés qui conduisent de plus en plus à la rue bon nombre de ceux qui n'ont plus rien.
Dans un monde que la crise épargne, on considère avec un grand sourire ceux qui réussissent... Mais quand celle-ci survient, il est logique d'attendre de la part de ceux qui ont réussi un geste sinon de partage, mais au moins de contribution.
C'est parfois tellement difficile à vivre... surtout que Monsieur Depardieu s'était mis à la culture de la vigne et que la France reste dans son esprit (et ses regrets) une France paysanne... (que peut-être les petits agriculteurs "bio" feront renaître, allez savoir!) sans doute en souvenir de cette "Gallia comata" ou "Gaule chevelue" dont les auteurs romains ont beaucoup exagéré le côté forestier alors qu'elle était avant tout et de fait déjà très paysanne.
Cordialement :)
Votre argumentaire est très intéressant. Je dois bien vous donner raison sur ce ressenti de nombre de français, en particulier dans cette crise dure. L'argument de M. Depardieu en ami du peuple fait sens aussi, d'où en effet un sentiment de "trahison" possible. Mon angle de vue n'est pas complet.
Le monde est décidément complexe, et nous ne sommes pas assez de plusieurs pour tenter d'y voir clair! :)
Sa complexité (celle du monde) fait sa richesse...
Une minuscule, microscopique induction serait le fait que nos petites divergences de point de vue sur un évènement donné permettent, au lieu de nous diviser, à la fois de mieux se comprendre en les exposant et, en outre, de montrer qu'aucun savoir n'est jamais universel.
Sans parler de la médiatisation à outrance de notre époque qui non seulement propose (ce qui est bien), mais surtout conduit à supposer (ce qui l'est déjà moins) quand il ne s'agit pas de tenter d'imposer (ce qui est parfaitement condamnable)...
Quand j'étais bien jeune (dans les années 1950) je pensais que si on réunissait toute l'intelligence et tout le savoir des hommes, on créerait Dieu...
Ce n'est qu'une boutade, bien sûr :)
Après avoir entendu, écouté et lu beaucoup de choses sur le cas G.D., une vieille boutade me revient en mémoire :
De toutes les fautes, les fautes de goût sont les plus graves.
Effectivement, personne n'est contrevenu à la loi, mais le mal est fait.
Le fait que Gérard D. soit un acteur génial n'implique pas qu'il puisse réclamer des applaudissements pour toutes ses décisions. Le gouvernement peut regretter son départ, mais n'a pas besoin de souligner en rouge ce que tout un chacun peut constater de ses propres neurones.
L'aspect le plus intéressant étant, à mon avis, la perspective des Belges eux-même. Ils voient débarquer chez eux des réfugiés fiscaux qui ne sont pas forcément des cadeaux. Un Depardieu qui rend son passeport pour des questions de fric , quel nouveau concitoyen de choix pour les Belges, déjà tout empêtrés dans leurs conflits nationaux...
En Suisse, nous recevons également des réfugiés fiscaux et le jury est divisé : faut-il s'en réjouir et se dire qu'on aura de belles miettes à ramasser ou bien s'en lamenter, parce que le prix des logements augmente et que le besoin de tout le commerce de luxe donne une ambiance un peu froide à Genève, p.ex.
Est-ce que le citoyen suisse peut refuser d'accueillir toute la richesse du monde ? Je ne crois pas.
Juste une petite question : est-ce que quelqu'un sait pourquoi Gégé est-il allé en Belgique au lieu de venir chez nous ? Pensait-il que ce serait plus discret, moins bing-bling ? Ou bien, comme il sait calculer, était-ce simplement plus avantageux, vu le prix de l'immobilier chez nous ?
bonjour
Depardieu est un homme respectable qui n'a pas volé sa fortune aussi bien sur le plan professionnel qu'artistique !!!
certains qui critiquent comme notamment TORRETON ferait bien balayer devant leur porte ce môssieur prend quand même 50000 € par an à la mairie de paris comme " conseillé " c'est pas "minable ça ?"
comme dit sa fille ROXANE DEPARDIEU , Torreton est petit et aurait aimé être garnd comme MONSIEUR DEPARDIEU !!!
Pourquoi Depardieu a-t-il attendu si longtemps pour s'expatrier en Belgique et avoir payé soi-disant 145 millions d'impôts à la France ?
A travers ses cachets exorbitants n'a-t-il pas bénéficié de l'aide au cinéma ?
"A travers ses cachets exorbitants n'a-t-il pas bénéficié de l'aide au cinéma ?"
Non, voir le billet de Philippe Souaille. Au contraire, le cinéma français s'est financé grâce aux films de Depardieu.
Oberson, vous êtes toujours d'une rare malhonnêteté. Comme vous êtes rare, je n'ai pas encore eu l'occasion de vous envoyer des baffes, mais cela ne saurait tarder.
" Pourquoi Depardieu a-t-il attendu si longtemps pour s'expatrier en Belgique et avoir payé soi-disant 145 millions d'impôts à la France ? "
Parce qu'il ne savait pas qu'un irresponsable allait oser un jour taxer les revenu au dessus du million à plus de 70%.
D.J