Il y a dix ans Marie Trintignant mourait après avoir été frappée par Bertrand Cantat. L’émotion avait alors été grande du fait de la personnalité du couple. L’affaire avait tourné en une campagne contre les violences faites aux femmes, menée par la mère de Marie et divers groupes féministes.
J’avais été très critique à l’égard de la récupération politique de ce drame et de l’exploitation idéologique du cadavre de Marie Trintignant. Il ne s’agissait pas de minimiser l'acte de Cantat. Mais les harpies de services avaient entonné l’hymne misandre de la violence généralisée des hommes et de la supposée domination masculine. Cette systématisation était inacceptable et insupportable. Il y a des cas où un système est en place comme dans les viols en tournantes. Cela ne touche qu’une très petite minorité d’hommes. De même certaines fausses accusations de viol sont soutenues et structurées par des groupes féministes. Là aussi il ne s’agit que d’une petite minorité de femmes.
J’ai par la suite soutenu le droit du chanteur à reprendre son travail après avoir payé sa dette judiciaire à la société. Là encore des féministes s’y opposaient et voulaient prolonger sa peine par une condamnation morale à perpétuité.
Sept ans après le drame du couple Trintignant-Cantat, peut-être provoqué par un abus de stupéfiants, un autre drame s’est joué. L’ex-femme de Cantat avait plaidé sa cause. Il n’y avait pas d’antécédents de violence. Elle l’avait soutenu. Elle avait accepté de revivre avec lui après sa sortie de prison, malgré sa fugue passionnée avec Marie Trintignant. On imagine l’immensité de l’amour qu’elle portait à Bertrand.
En janvier 2010 Krisztina s’était pendue dans leur maison.
Aujourd’hui sort un livre, «Bertrand Cantat - Marie Trintignant. L’amour à mort». Dans ce livre les auteurs citent un message téléphonique laissé par Krisztina à ses parents en Hongrie, six mois avant son suicide. Elle se confie sur la violence dont Cantat aurait fait preuve à son encontre (extraits):
«... hier j'ai failli y laisser une dent... mon coude est complètement tuméfié et malheureusement un cartilage s'est même cassé... J'ai essayé et j'essaie de vivre de telle manière que je ne sois pas obligée de fuir, car soit il sera déjà trop tard pour fuir faute d'être encore en état pour le faire, soit je réunis mes forces maintenant et je m'enfuis avec Liszka [le diminutif d'Alice, leur fille], mais sans même savoir où.»
Elle continue:
«...mais des preuves il y en a, les gens dans la rue et nos amis, car ce qu'ils ont vu hier quand Bertrand a tout cassé... Bertrand est fou...»
Elle précise toutefois:
«Mais je n'ai pas voulu vous parler de tout ça, naturellement vous pouviez deviner qu'une série d'événements encore plus regrettables que ceux de 2003 a eu lieu, car à l'époque cela ne m'était pas arrivé à moi, tandis que maintenant cela m'arrive, et déjà à plusieurs reprises j'ai échappé au pire, et puis c'est intenable...»
J’imagine que ce message enregistré sur le répondeur de ses parents est authentique et que les auteurs ont fait leur travail de vérification avant de publier. Ce témoignage est terrible et je ne peux que prendre du recul sur Bertrand Cantat. Cela pose des questions: quelque chose s’est-il cassé dans la tête de Cantat après le décès de Marie Trintignant? Etait-il prédisposé à cette violence? On est devant une forme de maladie psychique.
D’autres questions viennent aussi: pourquoi sa compagne Krisztina est-elle restée si longtemps silencieuse? Si d’autres personnes le savaient comment rien n’a-t-il été fait pour y mettre fin et pousser Cantat à se soigner? Elle s’explique, à la suite de l’extrait précédent:
«...et j'ai eu peur que pour une fois cela ne se passe pas chez nous mais chez nos amis, et donc si telle chose devait arriver, ils pourraient témoigner, même si un témoignage n'aurait aucun sens car tel que je connais Bertrand, il se suiciderait, et alors les enfants resteraient là, orphelins.»
C’est peut-être une explication, bien qu’alors il ne soit pas logique qu’elle-même ait mis fin à ses jours.
Il faut attendre ce que dira Bertrand Cantat, ainsi que les témoins que son ex-femme mentionne. Aujourd’hui je suis ébranlé par ce témoignage. Mais, est-ce vraiment le bout de l'histoire? Quelle est la souffrance qui le ronge, et que peut-être nous devrions connaître pour comprendre enfin cette affaire qui nous a tous touchés? Pour que les deux morts ne figurent pas aux pertes et profits d'une comptabilité insensée?
Bertrand Cantat-Marie Trintignant. L'amour à mort, par Stéphane Bouchet et Frédéric Vézard, l'Archipel, 320 p., 19,95 euros.
Commentaires
Mais laissez donc une fois pour toute Bertrand vivre en paix. Il est une victime des terroristes de la pensée unique inféodée au clan Trintignac.
De plus, Bertrand n'a pas à se justifier devant quiconque. Les revanchards un jour paieront très cher leurs soucis de vengeance éternelle envers ce goy !
Ne vous faites pas de soucis car il est très soutenu par sa belle-soeur ministre, Mme Cécile Cantat-Duflot.
Homme libre,
Le suicide n'a rien de logique... et peut difficilement s'expliquer. Votre papier me paraît, dès lors, qu'une raison très vaine de ressasser un certain anti-féminisme qui, s'il n'est pas toujours primaire, est en tous les cas récurrent.
Quant à Cantat, il a vraisemblablement démontré, ne serait-ce que par la souffrance qu'il a fait subir à deux femmes, qu'il est petit et sans honneur. Lui consacrer deux mots, c'est déjà trop.
@ Déblogueur:
Ayant soutenu le droit juridique et moral de Cantat à la réinsertion, ayant critiqué l'instrumentalisation de la mort de Marie Trintignant, je pense honnête de dire combien cette nouvelle info est troublante et perturbante. Beaucoup de gens ont cru en lui comme porteur de mots. Ce qui reste aujourd'hui est déroutant si l'on a apprécié ce qu'il a fait avec son groupe.
La sympathie pour une personne est une forme de loyauté, cela ne se défait pas facilement. Il serait souhaitable qu'une enquête soit rouverte, si c'est possible, car ce qui est dit aujourd'hui change aussi l'éclairage de ce qui s'est passé en Lituanie.
@ HL: que vous éprouviez de la "sympathie" pour Cantat, soit... Cela étant et comme relevé, le suicide n'est ni "logique", ni "explicable".
Cependant, une femme morte sous les coups et une autre se suicidant, ça commence à faire beaucoup pour un seul homme.
Il me semble dès lors qu'il n'y a rien à rouvrir, ni en Lituanie, ni ailleurs... Il y a juste à oublier Cantat (il a payé sa "dette" envers la société) et le laisser terminer son existence avec ses démons.
Je pense aussi que cela commence à faire beaucoup, d'où ce billet, et ma sympathie en prend un coup. Il est très probable que votre conclusion se vérifiera.
La violence faite à autrui dépasse et de loin le problème du féminisme ! Il en va ainsi dans notre monde, on aura toujours plus de gens prêt à montrer de la compassion, de la compréhension pour le ....bourreau que de penser à la prochaine victime. Car c'est un fait il n'y a que très rarement une seule victime pour le même bourreau.
Pour ma part je n'ai aucune compassion pour Cantat qui aurait dû rester en prison et pour longtemps.
"on aura toujours plus de gens prêt à montrer de la compassion, de la compréhension pour le ....bourreau que de penser à la prochaine victime. "
étonnant cette phrase déconnectée de la réalité actuelle, l'ordre du jour est quand même le culte de la victime.
@leclercq
Non Monsieur, le sujet évoqué avec beaucoup de classe de HL n'est pas le culte de la victime. relisez bien avec, si possible, un peu d'objectivité!
@HL
Merci pour ce post. Vous me surprenez en bien parfois c'est dingue....beaucoup d'intelligence. J'achète!
Merci Vali.
Comme dirait Calendula: je ne suis pas univoque. (Même si j'ai mes options). Et la justice doit être la justice.
:-)
@ Vali
mon post est une réponse au post d'Uranus
Un de mes proches a été victime d'une agression physique. (un homme agressant physiquement un autre homme, à l'aide de sa femme et sous les yeux de son enfant de deux ans, pour lui voler sa voiture)
A aucun moment n'ai-je eu l'impression que la victime avait un statut privilégié. Bien au contraire.
Il fallait trouver de l'énergie, faire preuve d'une imagination et d'une combattivité sur le long terme.
Le découragement nous a guetté en permanence. C'était particulièrement difficile, parce que l'agression avait eu lieu de l'autre côté de la frontière et que l'agresseur prétendait être la vraie victime !
J'ai trouvé que mon proche subissait une double peine.
Ca a fini par bien se terminer, on a bien fait de ne pas abandonner.
La victoire finale participe à la possibilité de surmonter le choc.
Pour en revenir au billet d'hommelibre : son attitude présente ne peut que renforcer sa crédibilité.
Le doute éclairé est une position trop noble pour la galvauder sur l'autel des certitudes ...univoques ;-)
Savoir reconnaître, par sa propre initiative, qu'on a pu partir sur une option
qui s'avère probablement erronée, représente une position courageuse.
J'ai bien peur que Cantat, au fond, ne soit qu'un sale type!
Le culte de la victime n'est pas le culte de la victime réelle mais une victime imaginée, qui doit entrer dans des cases. C'est le culte de la pensée unique, de la "pensée unique".
Si une personne est victime en Occident et qu'elle entre dans les clous, alors on va l'aider de tout son possible. De même, une personne qui semble victime va être incitée à se "venger" (fausses accusations).
Mais qu'une vraie victime, homme ou femme, n'entre pas dans une catégorie et attention au retour de flamme. Elle ne sera pas aidée mais pénalisée. C'est le phénomène de la double peine que décrit Calendula.
Concernant Bertrand Cantat, il a fait des chansons magnifiques, c'est l'un des seuls artistes où j'ai aimé la majorité de ses œuvres, je trouve dommage qu'il ait causé ces actes. De toute façon beaucoup de créateurs sont des déséquilibrés (Einstein aurait eu Asperger). Donc je continuerai à écouter ses chansons même s'il a tué son ancienne compagne et provoqué le suicide d'une autre compagne: n'accepter que les bons côtés d'une personne c'est l'aliéner en quelque sorte.
@Leclercq
c'est vrai, vous avez raison j'ai lu trop vite votre com!je m'en excuse.
Bon mais quand même le culte de la victime.....mouai et si même......un peu de justice rendue non? et si c'était des hommes morts sous les coups d'une femme, quelle serait votre position?