Pendant que les terriens se déchirent, le ciel va sa vie.
Je me souviens de cet anticyclone. En mars il nous donnait une lente rafale de belles journées ensoleillées. Presque chaque année il annonçait le printemps et débarquait, pétaradant, avec le salon de l’auto. Large, puissant, il faisait comme une grande omelette sur presque toute l’Europe. Même la Grande-Bretagne en profitait.
Il est de retour! Aujourd'hui il s'appelle Ingo (image 1 jeudi 13h, cliquer pour agrandir). Installé sur le nord de l’Europe il renvoie très haut les perturbations atlantiques. Par son flanc sud-ouest, fidèle à son mouvement de montre, il va aspirer un peu d'air du sud. Son retrait à l’ouest commence et pourrait faire venir de l’air encore plus doux. Cet air que l’on respire avec la peau autant qu’avec le nez, porteur de saveurs parfumées, douces et âcres. Après, une perturbation profitera de la lucarne pour traîner ses basques un jour ou deux.
Je m’en souviens. Dans mon passé il venait régulièrement. Oh, ma mémoire ne vaut pas statistique. Mais quand-même, certaines archives disent que mars est un des mois les plus secs de l’année et se déroule en partie sous régime d’anticyclones bien ancrés.
Cela semblait avoir changé depuis nombre d’années. Mars n’offrait plus aussi voluptueusement ces longues périodes de soleil et de première douceur, entre 10 et 14 degrés. Cette année, l’anticyclone est revenu, dans sa splendeur épaisse, dans sa puissance bienveillante.
Autre chose avait changé: la pluviométrie était anormalement basse. Pendant environ une décennie il y avait un déficit chronique d'eau et les nappes phréatiques restaient en-dessous de leur niveau souhaitable. D’ailleurs les stratus et brouillards bas d’automne et d’hiver étaient peu fréquents: sol sec ne transpire pas. Même les chemins de terre près de chez moi séchaient et durcissaient en moins d’une journée après la pluie.
Or depuis environ deux ans il pleut davantage et les nappes sont à niveau. J'ai déjà fait remarquer que les brouillards et stratus ont été plus nombreux cet hiver. Les chemins de terre restent humides pendant plusieurs jours. La terre peut transpirer. C’est comme si le calage ancien des saisons revenait après des années d’une sorte de dérèglement - à part la douceur de cet hiver qui fera monter la température moyenne de l'année.
Cela semble indépendant de la notion de réchauffement. Tout au plus l’abondance d’humidité pourrait-elle rafraîchir un peu l’été par évaporation. Mais rien ne saurait être affirmé tant les paramètres sont nombreux.
Nous verrons. En attendant l’Europe est entièrement dégagée sauf l’Irlande et l'Islande (image 3 Sat24, jeudi 13 à 13h locale) et à part un rafraîchissement ce week-end la grosse omelette anticyclonique devrait revenir la semaine prochaine (image 2, modélisation pour dimanche).
- Oh, m'sieur Tintouin, ça date de quand vos souvenirs d'anticyclone?
- De Mathusalem, mâme Michu.
- Oh ben, ça nous rajeunit pas...
Images: Infoclimat.fr, Meteox.fr, Eumetsat par Meteox.
Ci-dessous, les vents. On peut tourner, pencher, rapprocher l'image sur le site d'origine (rafraîchie toutes les trois heures): http://earth.nullschool.net