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La société du divertissement (1): le massacre d’Hallelujah

Dans une société qui n’a plus d’idéal et d’objectifs collectifs, où la quête du sens n’est plus que l’addition des désirs individuels, comment occuper le temps entre la naissance et la mort? Par un ensemble d’activités que l’on peut nommer globalement «divertissement».

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Divertir signifie selon le cnrtl.fr: distraire, occuper agréablement le temps. A l’origine le sens était: «Détourner à son profit». Il désignait un délit, comme le détournement d’une partie d’un héritage. Par la suite il a pris le sens figuré de «détourner quelqu’un de ses préoccupations», ou: «Occupation, ensemble de données qui détourne l'Homme de l'essentiel et l'éloigne des problèmes propres à sa condition».

L’écrivain François Mauriac écrivait ceci: «Ce qui longtemps m'a surtout frappé dans une vie, c'est le divertissement, tel que Pascal l'a défini : ce que nous inventons pour ne pas penser à nous-même et à l'horreur de notre condition (...) depuis les peuples qu'il faut asservir, si nous sommes César, jusqu'aux êtres qu'il faut posséder, si nous sommes Don Juan. Mémoires intérieurs,1959, p. 142

Aujourd’hui la notion de divertissement a colonisé la majeure partie des activités humaines. On peut considérer comme divertissement tout ce qui permet de contourner les questions existentielles, ce qui n’a d’autre finalité de d’hypnotiser sans questionner l’être, ce qui ne sert qu’à occuper le temps, avec un évident bénéfice pour la ou les personnes qui organisent le divertissement. 

Les vacances sont souvent un simple divertissement, sauf si on les met à profit pour découvrir une région et une culture, pour se rappeler les beautés de la Terre, pour écrire des oeuvres durables ou éphémères qui ajoutent quelques pièces à notre propre puzzle intérieur. Tout spectacle, toute représentation des faits ou du monde peuvent être considérés comme divertissements s’il ne contiennent pas leur part de réflexion philosophique ou la transmission d’un message durable. Sans parler de la télévision, objet culte du divertissement érigé en mode de vie.

 

 

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Une caractéristique du divertissement est qu’il n’induit aucun comportement intellectuel ou social particulier (à part la consommation passive) et qu’il ne laisse que peu de traces dans la mémoire. Un divertissement doit rapidement être remplacé par un autre et occuper le temps avec le sentiment de quelque chose de nouveau. Il n’a pas de finalité autre que lui-même et reste en général sans suite, du moins dans son versant consumériste.

Le showbiz est un divertissement. Certains artistes, qui ne se soumettent pas au consumérisme, peuvent apporter plus que le fait d’occuper le temps agréablement, par quelques mots, par un thème bien tourné. Léo Ferré, Sting, Barbara, certains rappeurs, parmi d’autres, servent ce supplément d’âme qui se fait une petite place dans notre identité intime ou participent à poser des mots sur le monde. D’autres ne servent qu’une soupe écoeurante, un shoot de drogue émotionnelle instantanée qui donne le sentiment d’exister, mais qui en réalité consiste en la renonciation à toute discrimination qualitative.

Cela peut conduire à de vrais massacres. On croit que c’est beau, superbe, c’est bien emballé, et l’on avale la soupe sans recul, sans discrimination, parce que le divertissement atteint son point maximal d’émotion. Le non-jugement qualitatif rend bête. 

Le shoot émotionnel est sans doute moins cher et plus licite que la cocaïne ou la morphine, mais l’addiction est aussi forte. Les émissions de divertissement, comme The Voice et autres fadaises, sont de véritables sources d’approvisionnement dans ce domaine. Les chanteurs sont des singes savants biens dressés. Leurs présentateurs sont des dealers grassement payés pour tirer des larmes à une humanité qui s’ennuie et à qui il faut donner la dose d’existence émotionnelle régulière.

 

 

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Il faut apprendre à se méfier des émotions. Elle ne sauraient être considérées comme un but en soi, quel que soit le culte qu’on leur voue aujourd’hui. La chanson Hallelujah a ainsi été récemment massacrée au nom de la drogue dure «émotion divertissante». Tout le monde ou presque connaît cette chanson culte, que j’ai traitée ailleurs. Ecrite par Léonard Cohen, elle a été reprise par plusieurs interprètes et fait régulièrement les beaux soirs des télé-crochets. C’est en général le succès assuré à peu de frais, tant la musique est simple et belle, et le mot-titre bien placé dans le moment musical. Comme on dit en terme de chanson le «rendez-vous» est parfait. 

Il suffit ensuite de placer quelques effets de voix, et la soif émotionnelle d’un public sans aucun bon goût s’exprime par des larmes et des cris d’adhésion. Cela ne dure pas longtemps, on le sait. La semaine suivante, un clou chassant l’autre, une autre interprétation tirera d’autres larmes. Il suffit d’avoir un peu travaillé la voix, musclé les cordes vocales, placer les effets vibratos actuels sirupeux pour croire que l’on donne une prestation originale et de haute valeur. Les effets remplacent aujourd’hui le fond, le sens, la personnalité, le caractère d’une oeuvre et de son interprète.

Cette chanson, Hallelujah, cite des personnages bibliques. Et ce n’est pas vraiment romantique. Un couplet parle du roi David, qui envoya à la mort un soldat dont il voulait baiser la femme. Un autre parle de Dalila qui trahit Samson. Un autre encore parle de «bouger en toi», mots dont la connotation sexuelle est patente dans le contexte. Le quatrième enfin est très direct: «Il y a peut-être un Dieu là-haut, mais tout ce que m’a appris l’amour, c’est comment descendre un type qui t’a doublé. Et ce n’est pas une complainte que vous entendez, ni quelque pèlerin qui a vu la lumière, c’est un froid et brisé alléluia.»

C’est donc tout sauf une bluette et les premiers interprètes, très sobres, ne s’y sont pas trompés. Mais ici un trio de jeunes adolescents, produits insignifiants de la société du divertissement, qui savent faire des effets de voix, qui ne comprennent probablement pas le sens de ce qu’ils chantent, nous servent le comble du mauvais goût dans un joli emballage. Léo Ferré le disait: «Il n’y a plus rien». Cela se confirme. La chanson est massacrée par ces trois à-peine-pubères qui n’ont qu’un but: gagner vite beaucoup d’argent. Ils tentent d’ajouter de la valeur par leurs effets de voix, mais ils arrivent surtout à satisfaire le narcissisme des parents dans les coulisses. Et puis, franchement, n'avoir encore rien vécu et chanter cela comme des stars, on se marche sur la tête. Putain d'enfant-roi, roi de la société du divertissement et de l'insignifiance.

Et pendant qu’une des jeunes chanteuses met sa touche de vulgarité pour faire comme les grandes, une jurée se paie un petit orgasme express. Misère!.... La société du divertissement se moque du monde. Le public bêle et croit un instant qu’il vit parce qu’il vibre. En réalité il vient de se faire son shoot.

 

Hallelujah devient un Requiem. ✟ 

 

Bon. Peut-être aimerez-vous. Ouaip. C’est votre droit. Mais je ne change pas une virgule à ce que j’écris ici.

 

 

 

 

 

Catégories : Philosophie, société 2 commentaires

Commentaires

  • Coucou Homme Libre
    mdrrr ils bougent dedans,le public comprend pas l'anglais,le jury non plus donc tout va bien ;))) bonne soirée, bizzzouxxx!!!

  • Hello Sarah,

    Hééééé.....
    Bizzzouxxx!!!

Les commentaires sont fermés.