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La dévaluation du Prix Nobel de la Paix

Malala a reçu son prix Nobel de la Paix, comme Barak Obama il y a quelques années. Etrangeté du monde actuel: un président américain en exercice reçoit le prix prestigieux en début de son mandat, alors qu’il n’a encore rien fait de significatif.

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Malala Yousafzai se voit attribuer ce prix Nobel, partagé avec un enseignant, Kailash Satyarthi, alors qu’elle n’a que 17 ans. Elle devient la plus jeune récipiendaire du trophée. Elle reçoit médaille et diplôme devant des milliers d’enfants:

«Au milieu de 7 000 enfants conviés pour l'occasion, afin d'envoyer un signal fort envers la cause de l'éducation pour faire écho au combat de Malala, la jeune fille a récupéré sa médaille en or et son diplôme (...) alors que le chèque du lauréat, d'un montant de 860’000 euros, devait lui être remis plus discrètement.»

Elle dit devant la presse mondiale:

«Cette récompense n'est pas seulement pour moi. Elle est pour tous les enfants oubliés qui veulent une éducation. Pour tous les enfants effrayés qui veulent la paix. Pour tous les enfants sans voix qui souhaitent le changement. (...) Même si j'ai l'air de n'être qu'une fille, qu'une personne d'1m57 – si on compte mes talons – je ne suis pas une seule voix, je suis plusieurs voix. Je suis Shazia, je suis Kainat Riaz, je suis Kainat Somro, je suis Mezon. Je suis Amina. Je suis l'une de ces 66 millions de filles qui sont privées d'école».

J’ai écrit à trois reprises au sujet de cette jeune fille, ici, ici et ici, soulignant son courage et sa détermination après l’attentat taliban qui a failli la tuer sur la route de l’école. Un attentat en réponse au blog tenu par Malala qui, à 15 ans, critiquait la politique scolaire des talibans. Elle est devenue une icône. Ou l’occident a fait d’elle une icône. Aujourd’hui elle vit en Angleterre.


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Première chose: à 17 ans, a-t-elle pu mener une vraie bataille pour l’alphabétisation des enfants du Pakistan? Ce doit être difficile depuis la Haute école pour filles d’Edgbaston, quartier riche de Birmingham, où elle est étudiante. Son action de rébellion contre les talibans, s'il fut exemplaire, n’a cependant pas pu donner un résultat dans l’ensemble d’un pays en guerre larvée. Elle est un symbole plus qu’une personne de terrain. Il est vrai que le monde a besoin de symboles.

L’école est certes un instrument de paix, du moins en principe. Mais encore faut-il qu’il y ait des résultats concrets pour décerner un tel prix. Or aucune information sur l’amélioration de la scolarisation suite à l’attentat contre Malala et à sa médiatisation n’a été diffusée. Probablement parce qu’il n’y a pas d’amélioration. Malala s’est rebellée, a résisté moralement, a trouvé en Europe les protections pour sa vie, et c’est sans doute une bonne chose - même si l’occident n’accueillera pas les millions de résistantes et de résistants. Malala est une victime devenue une privilégiée dans la «humanitary jet set», dotée d’un bon service de presse. Mais si jeune, si impuissante, ayant à son actif essentiellement d’être une survivante, Malala mérite-t-elle un prix Nobel de la Paix? Je ne le pense pas et je mets en cause le goût du spectacle de la maison Nobel et de l’ONU.

L’ONU n’est certes pas très exigeante: elle a réservé une ovation à l’actrice de Harry Potter, Emma Watson, qui avait ému l’assemblée en parlant de «l’émancipation» des femmes. Spectacle affligeant. Venant d’une actrice dans l’aisance matérielle, devenue multimillionnaire, une jeune femme n’ayant jamais fait que ce qu’elle voulait, sans contraintes, loin de la misère, c’est amusant. On dirait surtout qu’elle soigne son image. C’est comme avec les Enfoirés: des chanteurs millionnaires, en pleine pub personnelle sur un fond humanitaire, appellent les smicards à donner aux RMIstes, comme lu sur Twitter... Le spectacle du monde, quoi.

Il fut un temps où la valeur et le mérite se jugeaient sur des années ou des décennies de travail, d’engagement, et au vu de résultats tangibles. Aujourd’hui on récompense sur de l’air.


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La deuxième chose est cette affirmation: 66 millions de filles sont privées d’école. Pourquoi ne pas parler des garçons? Selon un rapport de l’Unicef le taux net de scolarisation dans le monde est de 91% pour les garçons et 89% pour les filles. Soit 2% de différence. Faisons le calcul. Selon les statistiques mondiales, les moins de 15 ans représentent 25% de la population mondiale. Il y a bien sûr des disparités, et les pays les moins scolarisés sont souvent ceux où il y a un plus grand pourcentage d’enfants par rapport à la population globale. Le calcul suivant contient donc une petite marge d’erreur.

7 milliards d’êtres humains font 1,75 milliards d’enfants de moins de 15 ans, dont environ la moitié de filles, soit 875 millions. Si 89% d’entre elles sont scolarisée, il en reste 11% qui ne le sont pas, soit près de 96 millions.

Etrangement Malala ne mentionne pas les 9% de garçons qui ne sont pas scolarisés, soit environ 79 millions d’entre eux à travers le monde. Malala est-elle déjà contaminée par le discours victimaire féministe occidental? Et comment des agences internationales, comme l’ONU ou le comité Nobel, peuvent-ils laisser se répandre cette différenciation, discriminante par omission, envers les garçons? Comment peuvent-ils ne pas compléter les propos de Malala et y inclure les garçons de manière égalitaire? Si l’Unicef elle-même met filles et garçons presque au même taux de non scolarisation, pourquoi ne pas répercuter cela dans le discours? Serait-ce parce que l’ONU, sorte de Vatican féministe, est sous la domination de femmes qui vivent sur les thèses victimaires?

Le biais de la politisation s’est installé jusqu’à cette disparition des garçons dans le discours officiel. On nage en plein délire sexiste chez Nobel ou à l’ONU, comme ailleurs. Pourtant l'Unesco (image 2, selon document page 38-39) reconnaît que la parité scolaire est réalisée dans la grande majorité des pays

Malala, non seulement tu me parais un peu jeune et ton parcours est encore très maigre pour recevoir une telle récompense, mais tu viens ici amplifier un discours qui n’existe plus que pour les filles. Malala, d’héroïne de l’occident tu es devenue un agent fémino-sexiste, une gamine dont on ne parlera bientôt plus tant ton action est creuse et orientée, communautariste, clivante et non universelle. Il ne suffit pas de reprendre une phrase culte occidentale («Ich bin ein Berliner») et de la mettre à la sauce girlie («... je suis plusieurs voix. Je suis Shazia, je suis Kainat Riaz, je suis Kainat Somro, je suis Mezon. Je suis Amina») pour épaissir le dossier filles que tu défends. Moi aussi je suis plusieurs voix: je suis Adnan, je suis Juan, je suis Dong, je suis Lisimba, et les millions de garçons qui n’ont pas accès à la scolarisation, ou qui sont déjà morts dans des guerres de gangs, ou auxquels on apprend la culpabilité d’êtres des hommes.

Quant au prix Nobel de la Paix, autant dire que ce hochet a perdu beaucoup de son sens. La politisation l'a vidé de substance.

 

Catégories : Philosophie, Politique 9 commentaires

Commentaires

  • Je vous invite à prendre connaissance du document suivant:

    unesdoc.unesco.org/images/0021/002185/218569F.pdf

  • Ce prix Bobel à perdu toute sa gloire et toute s crédibilité depuis longtemps. Obama, Arafat, prix Nobel de la paix? De qui se moque-t-on?

  • "Malala, non seulement tu me parais un peu jeune et ton parcours est encore très maigre pour recevoir une telle récompense, mais tu viens ici amplifier un discours qui n’existe plus que pour les filles. Malala, d’héroïne de l’occident tu es devenue un agent fémino-sexiste,"

    Homme Libre,
    Ce n'est pas ce que Malala a vécu ou pensé qui importe pour le prix Nobel. Pour les équipes successives qui gèrent ce prix, c'est ce qu'on peut lui faire dire qui a de l'importance. Son degré de docilité à l'institution y joue un rôle fonctionnel. On a besoin de porte drapeaux, souvent de faux drapeaux.
    Le Nobel est un instrument comme d'autres. L'ensemble des institutions prétendant s'occuper de l'homme (l'humain) forme un arsenal contre l'humain, il est dévoyé et détourné comme l'argent qu'on lui destine pour ses différents spectacles grand public.

    Je ne vous apprend rien, mais on se prend encore à laisser pousser une bouffée d'émotion d'indignation et de ressentir tout cela comme une immense trahison. C'est, en fait, une immense escroquerie!

    Savez-vous que nous, Genevois, nous avons aussi un citoyen- prix Nobel de la Paix parmi nous? Pour avoir simplement participé à la campagne contre les mines antipersonnelles? Alors que des milliers de nos concitoyens s'étaient dévoués dans cette campagne et avaient fait des dons parfois énormes. Eux n'ont rien reçu en retour, même pas un merci.
    Comme quoi, c'est la hampe pour le drapeau Kosovo qui importait. La hampe, si elle a tout un appareil politique derrière elle qui roule pour la création du Kosovo, a toutes les chance d'être choisie.

    Moi, j'étais déçue parce que je croyais que le jury serait moins corrompu que ce qu'on racontait sur lui et qu'il allait plutôt récompenser un spécialiste démineur qui représenterait symboliquement les nombreux autres démineurs qui ont laissé leur vie dans les différentes missions.

    Ou alors sommes-nous tous dyslexiques. Nous entendons PAIX alors qu'ils disent GUERRE. Une guerre mondiale est probable, on pourra récompenser Obama une deuxième fois pour être le plus performant dans le rôle de l'incendiaire.
    Et pourquoi pas le parlement US qui a eu l'initiative de déclarer la guerre à la Russie par une historique résolution. Auparavant, ce titre a distingué, il y a peu, la personnalité de l'Union Européenne parce que c'est l'Union Européenne.

    Quant aux hommes que Malala aurait oubliés, zappez!
    A dix sept ans, elle ne peut avoir connu d'hommes - surtout en régime Taliban - elle ne connait que "le" père, le sien. De toute façon, la plupart des femmes occidentales ne s'intéressent pas aux hommes, elles s'intéressent aux pères pour les successions, aux géniteurs et à leurs positions sociale et professionnelle. J'ai même entendu, dans des réunions féministes très sérieuses que les années de vie des femmes ne comptent pas pareil que pour pour les hommes. Les maris doivent les indemniser pour les années qu'elles ont passées avec eux. Elles semblaient seules à subir l'usure de l'âge, pas leur mari d'où leur projet de faire une loi qui les obligerait. Heureusement cela n'avait pas passé les limites de leur enclos, l'impossible quantification pour fixer le prix d'une année de vie conjugale avait fait obstacle.

  • Je ne m'intéresse pas particulièrement aux Prix Nobel (sauf en Physique, Chimie et Médecine) et n'ai donc pas d'émotion particulière en ce qui concerne Malala. Après tout, le comité Nobel ne représente que lui-même.

    Il m'a semblé que le co-lauréat de Malala devait en quelque sorte élargir la portée de ce prix, qui parle somme toutes du droit à l'instruction.
    Ce droit n'est pas tout à fait pareil pour tous dans certains pays, notamment ceux qui subissent une forte influence des Talibans, qui s'en prennent frontalement à la scolarisation des filles.
    Faire le classement de l'iniquité la plus forte est certes tentant ( est-ce plus grave d'être privé d'instruction scolaire, parce qu'on est pauvre ou parce qu'on est fille pauvre / riche ou garçon pauvre/riche? )
    Malala aurait-elle dû se battre pour la scolarisation des garçons, aurait-elle été bien avisée d'en parler davantage dans son discours ? Certes, car dans ce cas, elle aurait ratissé plus large.
    Est-ce que cela aurait changé la face du monde ? Le prix Nobel a-t-il cette capacité-là ? Si l'argent reçu sert à fonder des écoles, ça changera quelque chose au moins pour quelques enfants. C'est déjà ça !

    Le prix Nobel de littérature est critiqué chaque année, celui de la Paix depuis quelques années également. La grande affaire !
    Nous nous sentons désormais habilités à exprimer notre opinion publiquement sur chaque chose. Ca a un côté agréable et libérateur, mais cela ne mène nulle part, je crois.
    Tous ces concours, à commencer par Miss Monde ou Univers ( je ne sais même plus si c'est la même chose ou deux concours différents !) ont un côté vain, car il s'agit juste du résultat du vote d'un jury donné.
    Le sportif suisse de l'année ? On ne peut que frustrer les fans de tel ou tel.
    Le prix Nobel est bien sûr plus prestigieux avec une portée mondiale et en cela, son jury a une grande responsabilité. Les lauréats sont l'objet d'un immense coup de projecteur médiatique et leur action se trouve ensuite au centre des débats.
    Il est intéressant de remarquer, que le co-lauréat de Malala est moins dans la lumière.

  • Pour donner un peu plus d'importance à Kailash Satyarthi, voici deux liens en anglais :

    www.thefamouspeople.com/.../kailash-satyarthi-5385....

    en.wikipedia.org/wiki/Kailash_Satyarthi

    En français, il n'y a pas grand chose... P.ex. l'article de Wikipedia est très bref.

  • Pourtant, il n'y a rien d'étonnant, le prix Nobel de la Paix est une coquille fantoche au main des américains et pour servir ses intérêts (en mettant à l'honneur des dissidents chinois, par exemple). On peut considérer qu'Obama s'est désigné lui-même, immédiatement félicité par Hillary Clinton. Même l'Europe a reçu un prix Nobel de la paix... On aura comprit que ce n'est pas le grotesque qui va les arrêter.

    Les gens ne savent-ils pas que les puissants et autres assoiffés de pouvoir se récompensent entre eux et s'attribuent des prix pour amuser la galerie et s'affubler d'auréoles ? Pourtant, c'est le sport principal.

  • Merci Homme libre pour votre article, notamment la mention sur les millions de jeunes garçons non scolarisés.
    Cela montre bien que le néo-féminisme d'aujourd'hui ne représente plus les idéaux du féminisme de départ (l'égalité des droits, des devoirs et des chances). Mais il s'est transformé en un mouvement communautariste avec un but clair de favoriser les membres de ce mouvement contre les autres membres de la société.
    Le néo-féminisme est devenu incompatible avec la notion de l'égalité devant la loi, l'égalité des chances, ou même les notions de justice et de liberté.

  • les nèo-féministes sont le cancer de la société occidentale, elles la gangrène

  • Merci à Parité pour tous d'avoir attiré notre attention sur le fait que le féminisme à la source soit "l'égalité des droits, des devoirs et des chance" n'avait rien à voir avec le dit "féminisme" d'aujourd'hui dévié, dévoyé!

    Malala, dix-sept ans, n'est-elle pas tout d'abord appelée à poursuivre ses études?

    Prix Nobel! elle devrait en avoir les moyens.

    Prématuré ce prix Nobel!

    En partageant le point de vue de l'auteur et lecteurs du blog: scolarisation pour tous, filles et garçons.

    Mais le jeune âge de Malala ainsi que les conditions et circonstances de vie "selon lesquelles" pour les femmes et les filles en son pays devraient lui valoir notre indulgence.

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