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Ici c’est une clairière

Certaines choses demandent à être traitées avec délicatesse. Ce thème en est l'exemple. Il y a des années j'ai publié un billet qui vit encore. Les témoignages continuent, touchants, parfois bouleversants. Le plus récent m’a inspiré la réponse que je publie ici, légèrement retouchée, comme un billet à part entière. La question peut en effet concerner d’autres personnes et susciter différentes pistes de réflexion.

De Fred:

Bonjour,à vous lire je pense être au bon endroit j'ai 37 ans, et il y a 18 ans déjà se terminait une histoire que je croyais merveilleuse. De cette histoire est née une petite fille magnifique,une femme maintenant. Elle c'est Gwendoline, je ne l'ai jamais vue j'étais jeune - sa mère venait de me dire que tout était fini (je ne cherche pas à jeter la pierre à quelqu'un). Maintenant je suis marié j'ai un fils de 10 ans. Mais il me manque quelqu'un!! Grâce a un site bien connu dans le monde je l'ai retrouvée. Mais maintenant comment prendre contact? Dois je prendre contact pour elle et surtout vais je bouleverser l'équilibre qu'elle a établi en 18ans? En a-t-elle besoin? Ne vais pas lui faire plus de mal que de bien? Merci a vous pour vos conseils.



père,fille,absence,réconciliation,culpabilité,Ma réponse:

Bonsoir Fred,

Vous pensez à elle, elle est dans votre vie même si vous ne la voyez pas. Votre désir de père est légitime. La première chose est de sonder profondément, encore plus, votre désir de la rencontrer. Si le doute et la crainte de la déstabiliser sont trop forts il faut soit attendre encore soit y aller quand-même.

Je suggère, si vous y allez, de le faire en douceur. Pas de récrimination, pas d'accusation contre sa mère ni contre elle. Soyez seulement ému et heureux à l'idée de la revoir. Examinez sans complaisance vos manques personnels qui ont fait que vous avez quelque part abandonné. Dites-les lui, si c'est possible. Ou bien demandez d'abord à des proches - ou à sa mère - quelles sont les dispositions de votre fille, et ce qui s'est dit de vous ou ce qu'elle dit. Quoi qu'il en soit ne vous posez pas en victime. Un père victime c'est très difficile pour l'enfant, surtout dans ces conditions où elle pourrait se sentir elle aussi coupable.

La réconciliation, s'il y en a une, pourrait commencer par un trait sur le passé. Mais votre cas ne s'y prête pas le mieux. Alors il ne faut peut-être pas faire l'économie du passif afin de retendre des fils, de donner un sens à l'absence, très en vérité, d'être à être.

J'imagine que Gwendoline s'est forgé un équilibre. Il est probable que vous la déstabiliserez. Un moment au moins. Si elle vous rejette il faudra l'accepter. A 18 ans elle n'est pas une enfant, elle développe sa force d'adulte, en conséquence ce pourrait être elle qui souhaitera vous retrouver un jour, à son moment. Tout est possible. Il n'y a pas de repères autres que ceux que l'on s'est forgé dans l'attente. Il faut donc les tester et les ajuster.

Mais en même temps, un père ça ne lâche pas si vite! Trouver l'équilibre, la manière juste, ne plus être absent. Un mail de quelque part, du lieu de vacances par exemple, avec quelque chose de personnel et léger, pourrait faire un lien.


La clairière

D'un autre point de vue je dirai que vous avez mal géré votre rôle de père et l'autorité du père (ne vous inquiétez pas, nous sommes nombreux dans ce cas). Vous n'avez pas assez tenu tête à la mère en tant que mère. Mais cela, c'est une autre histoire. Et cela ce travaille.

père,fille,absence,réconciliation,culpabilité,Je suis très touché que ce blog soit parfois comme une clairière calme, ensoleillée, où les larmes nourrissent un bon sol. On ne pleure pas pour entretenir son mal, mais parce que les larmes révèlent peu à peu notre vrai désir du coeur, dépouillé des corruptions habituelles de la séduction. La vraie séduction, épurée, est alors un signe d'amour et de candeur. La candeur est peut-être l'aspirateur capable de retenir la pression des fauves prêts à mordre qui se tapissent toujours quelque part en nous. Je dis cela parce que la tentation de séduire est souvent présente dans une perspective de réconciliation.


Ici donc c'est une clairière, un jardin ensoleillé. Nos larmes arrosent de belles fleurs et de beaux arbres. Même l'herbe a bu la rosée de nos yeux. Elle est verte et douce.

Fred, quand vous rencontrerez Gwendoline, si vous la rencontrez, pensez peut-être à cette clairière, à ce jardin, à ces couleurs et au monde que vous découvrirez pour la première fois avec elle. Elle aura son passé, vous le vôtre, avec comme lien la même absence. Mais la relation à venir n'a, elle, pas de passé. Ce peut être une bonne opportunité.

Si cela advient, ne la chargez pas de vos pressions et manques accumulés. Les premières marques d'une relation la conditionnent pour longtemps. Mettez-y du beau, du vrai, une pointe de vulnérabilité, mais ne vendez pas vôtre âme au diable de la séduction si elle est corrompue par la culpabilité. La séduction étant dans ce cas liée à la culpabilité parce qu'elle en est le paravent ou la compensation obscure (que de tractations parfois derrière un sourire), ou à tout le moins elle produit un manque de netteté intérieure. C'est aussi le monde de la psychologie et du déterminisme. Ce n'est pas la seule grille de lecture de l'humain.

Les vraies questions viendront en leur temps. Donnez-vous du temps. Préparez-vous à bouger, à être encore plus vrai. Une longue absence ne se rattrape pas en une semaine. Un père ça donne de lui. Est-ce que votre rencontre pourrait être inopportune? Tant que vous n'aurez pas essayé, et encore essayé, vous ne saurez pas ce qui se passera. Laissez-lui une possibilité d'être fâchée de votre démarche, d'être procureur de votre vie, et ne cherchez pas d'avocat. Laissez-lui aussi la possibilité d'être heureuse de vous rencontrer. Puisque vous allez vers elle, laissez-lui aussi la possibilité de venir vers vous.

Le pire n'est pas toujours certain. Ne vous arrêtez pas au premier râteau. Elle ne pourrait pas admirer un père qui lâche si rapidement.

Déjà qu'elle ne sait pas ce que vous valez! Non?


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Catégories : Philosophie, société 0 commentaire

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