« La non-mixité choisie, ce n’est pas pour se retrouver entre femmes mais entre personnes socialement dominées et opprimées. Il faut des espaces pour que les dominés puissent prendre conscience ensemble des pratiques d’oppression et s’exprimer, sans la présence des dominants. »
Ce sont les propos d’une participante lors des réunions féministes non mixtes de Nuit debout à Paris. Je reviens sur la question de la mixité, abordée précédemment, qui n’est pas au goût de tout le monde. Femmes et hommes ensemble? Des féministes n’en veulent pas. Quel est le problème?
Le terme de mixité désigne en premier lieu le mélange des sexes dans un groupe. Ce mélange a été instauré à l’école dès le XIXe siècle (co-éducation) afin de favoriser l’égalité entre les sexes. La mixité sociale, elle, désigne le fait, dans une même région ou un même quartier, de rapprocher des personnes d’origine sociale différente.
L’argument avancé par cette féministe n’est pas nouveau. En 2006 Christine Delphy détaillait les raisons de créer des espaces non mixtes pour les noirs et les femmes:
« La pratique de la non-mixité est tout simplement la conséquence de la théorie de l’auto-émancipation. L’auto-émancipation, c’est la lutte par les opprimés pour les opprimés. (…) C’était, cela demeure, la condition
- pour que leur expérience de discrimination et d’humiliation puisse se dire, sans crainte de faire de la peine aux bons Blancs ;
- pour que la rancœur puisse s’exprimer – et elle doit s’exprimer ;
- pour que l’admiration que les opprimés, même révoltés, ne peuvent s’empêcher d’avoir pour les dominants – les noirs pour les Blancs, les femmes pour les hommes – ne joue pas pour donner plus de poids aux représentants du groupe dominant. »
On l’a compris: la question des relations hommes-femmes reçoit ici un éclairage unique et stéréotypé: celui de la relation dominant-dominé. La théorie simpliste, réductrice, de la supposée domination masculine sert de carburant à la longue liste des postures et récriminations victimaires.
La mixité a été instaurée pour contourner les discriminations de genre ou de classe sociale. Elle participe à une certaine idée de l’égalité. La refuser dans certains cas paraît donc étrange. Y aurait-il deux poids deux mesures, ou un simple paradoxe difficilement compréhensible?
L’argument pour justifier ce refus est donc que les supposés dominés et dominées doivent parler entre eux pour faire émerger leur voix. Inclure la parole du désigné dominant serait de nature à perpétuer sa parole.
On préfère l’entre-soi pleurnichard au dialogue ouvert et contradictoire.
Le but ici n’est pas d’établir une parole partagée. Seule leur parole compte. Paradoxe: on veut la mixité mais on ne la veut pas, semblent-elles dire. On veut créer notre discours hors de vous mais autour de vous. Notre parole est unique et non dialoguante. On n’écoute même pas l’ennemi désigné par peur de ne pas faire le poids. Ou on se justifie par le racisme de genre: on le traite de bon Blanc comme on parlerait de Banania.
D’un côté, ce n’est pas plus mal. Le mur des lamentations de genre, ça va bien. De l’autre, ce paradoxe est signe d’une incommensurable faiblesse. N’osent-elles pas parler devant les hommes? Faire le procès de ceux-ci sans leur présence, faire monter la frustration victimaire de certaines femmes, c’est se foutre du monde.
Justifier ce procès fait aux hommes, où l’accusé et son avocat ne sont pas présents pour se défendre et tenir une controverse, et établir comme préalable une sentence définitive de culpabilité masculine, c’est une inversion totale de procédure. C’est même un simulacre de procédure. On fait de l’homme le bouc émissaire dans une analyse sociale biaisée.
Et, supplément au paradoxe, on refuse la présence des hommes dans des réunions, alors que leur absence même montre que l’on tourne encore autour d’eux, que ce sont encore eux qui font figure de référence, même en creux. C’est grâce à l’homme absent qu’elles oseraient parler. Quelle étrangeté. L’homme absent, c’est pourtant un des grands reproches que des femmes font aux hommes, non? Autre élément supplémentaire de paradoxe.
Il n’y a pas, il n’y a plus de rapprochement possible entre les sexes si l’on s’en tient à ce procès truqué, excluant et stigmatisant.
Les hommes ne devraient-ils que s’excuser d’être des hommes pour satisfaire une idéologie séparatrice, sexiste, totalitaire et si méchante? S’il y en a qui pensent être coupables par principe, ce sera sans moi. Jamais. Même pas en rêve.
Commentaires
"S’il y en a qui pensent être coupables par principe, ce sera sans moi. Jamais. " Et sans moi (à deux on pourrait déjà se regrouper dans un rassemblement de non-mixité). Ni responsable, ni coupable.
"On préfère l’entre-soi pleurnichard au dialogue ouvert et contradictoire"
Vous avez parfaitement raison en disant cela.
C'est ce que l'on peut appeler un "safe space".
Un endroit où l'on peut se sentir à l'aise tout en baignant dans les même idées afin de faciliter une propagande .
Le plus souvent sous cette forme militante simili-marxiste , bourdieusienne , vindicative et simpliste.
Cela permet d'éviter de voir apparaître la seule forme de diversité importante , celle des idées.
Il y a les même dans les campus américains où des militants anti-racistes se réclamant de Luther king demandent ouvertement une ségrégation (!) entre noirs et blancs.
Une pratique maintenant de plus en plus dénoncée , que ce soit par certaines universités elles même ou dans dans des séries tv comme South Park.
http://www.newcriterion.com/articles.cfm/Safe-from--safe-spaces--8411
Je tombe sur cet article et je me demande celui qui écrit cet article ne souffre pas d amnésie partiel , les skinheads ce mouvement nazi qui est le symbole de l entre soi blanccs par excellence d ailleurs qui se definit ouvertement commme raciste,existe depuis des lustres et il ne vous est jamais venu a l esprit de le dénoncer? Pourtant eux non plus n intègrent aucune femme noire?