Seule la victoire est belle. Benoît « Grande-Oreilles » Hamon, candidat du PS à la présidence, est éliminé sans ménagements. Sa ligne pointant vers la gauche dure et son charisme d’asperge l’avaient placé sous les 7% de voix le 23 avril. Une débâcle historique.
Idem pour le secrétaire du PS Cambadélis: fired! Alors qu’il parlait de haut et de loin, dans une posture inamovible, tel un mammouth d’Acheron à la dérive sur son iceberg, il se retrouve englué dans le pergélisol politique – qui se refroidit, contrairement à celui du Grand nord.
Le spice boy Mel E. auto-parachuté à Marseille est en passe de réussir son atterrissage. Son caractère exécrable et ses incohérences sont passés aux profits et pertes, même si l’homme a montré dès le 23 avril qu’il n’était pas le sage apaisé qu’il a tenté de donner en spectacle pendant la campagne. Pour se consoler il a déclaré qu’au vu de l’importante abstention il n’y aurait pas de majorité pour détruire le Code du travail.
Il rêve! Si en effet les électeurs de LREM ne représentent que 16% des électeurs inscrits, il y aura quand-même une majorité de députés macronistes. Certains commentateurs auront beau dénoncer le coup d’État électoral d’un système qui produit une majorité à l’Assemblée sans majorité dans la population, le système français est ainsi fait. 16% des électeurs donneront près de 80% des députés.
Le parti de Macron ne sera pas le premier dans ce cas. Le PS en 1981, la droite en d’autres occasions, ont aussi bénéficié du levier de l’élection à deux tours. L’hyper-présidentialisation est confortée, porteuse de la continuité du mythe de l’homme providentiel. La France croit changer, elle ne fait que perpétuer le même système. Le mythe du changement, chargé de tous les espoirs, produira peut-être les mêmes déceptions. Ou pas.
Les deux partis victimaires, soit la France Insoumise et le Front National, ne sont bien sûr responsables de rien dans le fait qu’autour de 50% de leurs électeurs à la présidentielle se soient abstenus. Le représentant du FN assure que tout va bien. Le débat désastreux mené par Marine Le Pen n’y serait donc pour rien?
La langue de bois est outrageusement étalée sur la défaite comme si l’on versait un pot de Nutella entier sur un demi croissant au beurre. Ce manque d’humilité serait une posture pour se montrer forts dans l’adversité? Je ne crois pas à cette illusion. Les électeurs ont besoin ou bien de rêve, et là c’est Macron qui écrit la suite du conte, ou bien d’un parler vrai. Les perdants qui restent dans leur propre esprit des gagnants magnifiques et incompris montrent surtout qu’ils ne veulent pas perdre la face. Cela n’a aucun intérêt.
Telle Nathalie Kosciusko-Morizet qui fait de l’équilibre en se disant pro-Macron mais totalement indépendante. Elle s’annonçait en tête de sa circonscription avant d’avoir les résultats. En réalité elle est deuxième et en grande difficulté.
Il n’y a guère que Henri Guaino qui ne pratique pas la langue de bois. Éliminé avec seulement 4,5% des voix il a déclaré que les électeurs de sa circonscription étaient « à vomir ». Voilà qui a le mérite d’être clair à défaut d’être élégant. C’est ce que pensait peur-être Mel E, au soir du 23 avril, mais qu’il n’osait dire de manière aussi crue.
Les français ont voté. Ils fonctionnent selon le système en place et donnent une majorité au président élu. Le deuxième tour ne devrait pas modifier radicalement le résultat. Cela montre en tous cas que le corps électoral n’est pas fidèle ou loyal à une formation particulière. Le pays gagne en mobilité ce qu’il perd en durabilité. Les progressistes hors-sol ont gagné sur les conservateurs.
Ce résultat montre un désarroi: depuis quinze ans on vote à chaque fois différemment, espérant que le nouveau pouvoir détienne enfin la solution à la complexité des problèmes du pays.
Mais wait and see. Ce peuple est électoralement versatile. Si le jeune Emmanuel au double visage peut savourer une grande victoire et un joli coup politique, chaque quinquennat déroule le spectacle d’une adhésion qui peut rapidement se retourner en rejet. Je ne crois pas une seconde qu’une élection soit de nature à modifier profondément la mentalité d’un peuple.
Dans l’ivresse d’un pouvoir gagné par un novice qui n’a jamais connu d’obstacle, la seule chose intéressante est que Macron se permette de diriger le pays de manière assez autoritaire pour contrer toute opposition et réaliser des réformes indispensables. Il peut casser la baraque malgré toutes les contradictions sociologiques françaises. Pour le bien de la France? Nous le saurons dans quelques années.
Mais cette ivresse de la victoire du nouveau pouvoir politique, comme celle des socialistes portés par la vague rose de 1981, n’est pas une garantie de durée politique. La seule ivresse légère aujourd’hui est celle des électeurs et électrices, qui se sont mués en autant de petits Trump des isoloirs.
Le « Fired » des Français n’est qu’un avatar de plus d’une culture politique autoritaire. On sait avec quelle rapidité l’image scintillante du gagnant est flinguée dans une France qui n’arrive pas à résoudre ses contradictions entre progressisme et conservatisme, entre audace et protection, entre réforme et continuité.
Le système même, qui porte très haut une personne providentielle, cache toujours une guillotine dans son grenier.
Commentaires
En tous cas, Macron n'aura pas d'excuse à faire valoir si son projet capote.
Vite dit ou vite pensé. En réalité, on risque bien de voir le hiatus entre système politique (président + parlement) et desiderata populaires. La rue va être chaude à la rentrée, les casseurs vont donner le meilleur d'eux-mêmes comme ils savent si bien le faire. Macron peut déjà penser à des camps d'internement massif...
Casser du caillou au Larzac, tiens. Ils aiment bien le Larzac, les gauchos, et comme ils aiment casser...
« Macron peut déjà penser à des camps d'internement massif... »
...ou rouvrir le bagne de Cayenne... d'une pierre deux coups: création d'emploi basic et coup de pouce à l'économie locale. On peut s'attendre à tout avec l'uber-louveteau. Reste à savoir pour qui il aiguise ses crocs.
C'est tout simplement la mise en place d'une dictature.
1) les ministres n'ont pas le droit de parler à la presse.
2) les nouveaux parlementaires à défaut d'être des amis, sont redevables de leur élection et devront s'aligner sur les mots d'ordres.
3) le passage en force et en masse.
Hitler en son temps s'était associé avec la dite-extrême-droite pour accéder au pouvoir. Une fois en place il les a limogé. Reste plus qu'à voir si bayrou ne se fait pas éjecter à son tour, et si c'est le cas la preuve par 4 sera établie.
Il parait que ce petit homme président (oups....) est déjà très autoritaire, arrogant et atteint de nombrilisme aigu.
Attali et mink connaissent bien l'histoire et s'en sont inspirés...tout bête!