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Décès de Maëlys : paroles d’une mère

Quelques jours après l’attentat contre le Bataclan à Paris, Antoine Leiris, journaliste dont la compagne était tombée sous les balles, avait écrit un texte largement relayé par la presse.

maëlys,grenoble,lelandais,décèsCe texte, intitulé « Vous n’aurez pas ma haine », montrait une sorte de hauteur spirituelle au-delà des réactions de vengeance et de haine. À moins que cela ne soit un faible exutoire, une compensation au sentiment d’impuissance après la mort de sa femme. Une sublimation. Il faut mettre des mots sur les choses pour les rendre supportables. Le premier paragraphe dit:

« Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son coeur. »

L’intention est belle, presque d’inspiration chrétienne. On ne rend pas le mal que l’on reçoit pour ne pas l’enraciner en soi. Le texte d’Antoine Leiris a cependant quelque chose du Bisounours face aux Gremlins, ou de Peter Pan contre le capitaine Crochet. Il en est presque léger, édulcoré par la tonne de bons sentiments que l’homme croit devoir montrer au monde. Comme si cette grandeur d’âme montrait aux assassins du Bataclan que nous sommes plus civilisés qu’eux, plus haut moralement qu’eux. La preuve: il ne les hait pas.

Cet extrait est à mettre en regard des propos tenus hier par la mère de la petite Maëlys, dont le corps a été retrouvé dans une forêt du massif de la Chartreuse près de Grenoble.

 

maëlys,grenoble,lelandais,décèsLe texte de Jennifer de Araujo (elle signe Jennifer Cleyet Marrel sur Facebook) est d’une autre teneur. La rage, la détresse immense, la haine sont au rendez-vous. Les voici (extrait de la page Facebook):

« Il aura fallu attendre 5 mois et demi pour que ce monstre parle enfin. Toi l’assassin de ma fille : Maëlys va te hanter nuits et jours dans ta prison jusqu’à ce que tu crèves et que tu ailles en enfer. »

Et puis il y a cette culpabilité qu’elle exprime sans détour:

« Mon petit ange je n’ai pas pu te protéger de ce prédateur et cette culpabilité me poursuivra encore très longtemps. »

Mais qu’aurait-elle pu faire? C’est une fête joyeuse, les invités sont supposés bienveillants. Les enfants vont et viennent. Les parents ne sont pas derrière eux, pas sur eux à chaque seconde, on l’imagine bien. La petite a neuf ans. Elle est vive et confiante. Et voilà qu’une menace invisible se prépare dans l’ombre.

Qu’aurait-elle pu faire?

La mère est une mère. Elle ne fait pas l’économie de sa détresse et de sa haine. Elle la ressent, la vit, la dit. Son imprécation est comme un exutoire. Peut-être même désire-t-elle la mort du meurtrier. Qui pourrait la blâmer de cela? Le penser, le dire, ce n’est pas le faire, c’est exprimer un moment de tension et une souffrance insupportable. Perdre un enfant est un drame terrible pour les parents. Alors certes, haïr ce n’est pas bien, selon une moraline simpliste. Mais qui reprocherait ce cri du ventre et du coeur d’une mère?

 

 

 

 

 

Catégories : Divers, Psychologie 5 commentaires

Commentaires

  • Entièrement d'accord !

  • Très vieux jeu, je ne comprends pas très bien pourquoi on prend la parole en public pendant un tel deuil.
    Que ce soit pour dire qu'on ne veut pas se laisser envahir par la haine ou pour exprimer sa colère. L'opinion publique va réagir à ces écrits et la gestion du feed-back n'est pas forcément le truc que je rechercherais dans ce moment-là....

    Je crois que ces réactions sont très individuelles et chacun va essayer de gérer la situation à sa façon. Il n'y en a pas une qui conviendrait à tous.

    Le deuil est généralement schématisé en 5 étapes :
    déni
    colère
    marchandage
    dépression
    acceptation

    Si on regarde de plus près, ce que recouvrent p.ex. "colère" et "marchandage", on pourrait penser que l'homme et la femme dont il est question dans le billet, se trouvent peut-être à des étapes différentes du deuil. Il s'agit aussi de cas très différents, puisque les parents de Maëlys ont vécu dans une incertitude de presque 6 longs mois. Un carnage, dans lequel le hasard a une grande part, n'est pas l'équivalent de la disparition d'un enfant.

    https://zentonik.fr/les-5-etapes-du-processus-de-deuil/

    "Colère : Elle survient lorsque la réalité de la perte s’impose. Un sentiment d’injustice peut alors apparaître et provoquer de l’agressivité et une volonté, plus ou moins diffuse, de vengeance.

    Marchandage : Cette phase est faite de négociations avec soi-même afin de trouver des compensations au manque ressenti. Elle est cependant essentiellement une illusion."

  • C'est l'histoire d'un bobo qui regarde un reportage à la télé avec sa fille. A un moment, la gamine dit à son père "Papa, j'ai peur des terroristes! Qu'est ce qu'on peut faire?" Et le père, avec un sourire tendre et rassurant répond à sa fille "Ne t'inquiètes pas ma chérie. Même s'ils te tuent, ils n'auront pas ma haine".

  • Comme vous, John, j'ai repéré ce texte de la maman de Maëlys que je trouve tragique au sens de la tragédie grecque avec la malédiction et la vengeance. Aussi fort effectivement que celui de #Leiris. Mais totalement contraire à lui comme vous le soulignez également.

    Antoine Leiris disait "vous n'aurez pas ma vengeance". C'est incroyablement plus fort symboliquement.
    Comme celui qui tend sa joue gauche quand on tape la joue droite.Et toute la théorie moderne de la non violence avec.

    La vengeance elle est vieille comme le monde!

    Deux textes puissants. De mémoire et dans mon cheminement personnel j'ajoute un troisième texte,celui d'Antigone. C'est dire la valeur que je ressens issue des paroles Leiris et De #Araujo Cleyet Marrel maman de #Maëlys.
    La douleur de Antoine Leiris , celle de Jennifer de Araujo est puissante. On ne peut qu'écouter leurs réactions, chacun à sa manière.
    De l'humain dans sa diversité.

  • Comme vous, John, j'ai repéré ce texte de la maman de Maëlys que je trouve tragique au sens de la tragédie grecque avec la malédiction et la vengeance. Aussi fort effectivement que celui de #Leiris. Mais totalement contraire à lui comme vous le soulignez également.

    Antoine Leiris disait "vous n'aurez pas ma vengeance". C'est incroyablement plus fort symboliquement.
    Comme celui qui tend sa joue gauche quand on tape la joue droite.Et toute la théorie moderne de la non violence avec.

    La vengeance elle est vieille comme le monde!

    Deux textes puissants. De mémoire et dans mon cheminement personnel j'ajoute un troisième texte,celui d'Antigone. C'est dire la valeur que je ressens issue des paroles Leiris et De #Araujo Cleyet Marrel maman de #Maëlys.
    La douleur de Antoine Leiris , celle de Jennifer de Araujo est puissante. On ne peut qu'écouter leurs réactions, chacun à sa manière.
    De l'humain dans sa diversité.

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