La plupart des artistes humoristes français ne me font pas rire. Leur art est médiocre. Néanmoins ils ont du grain à moudre: la vie politique d’Hexagonie offre presque quotidiennement de quoi alimenter leur carnet de notes.
Ce qui explique que, même ennuyeux, ils soient si nombreux. On peut s’étonner de tant de mauvais goût chez nos voisins. Ils puisent dans les traits excessifs ou absurdes de la vie politique de ce pays, et il y a de quoi faire.
Par exemple la nième polémique raciale. Une polémique sur la couleur de la pucelle Jeanne. Si la Vierge noire est aussi connue en Europe que le loup blanc (image 1, celle de Rocamadour), Jeanne d’Arc est fille du terroir et ne peut être black, comme on dit aujourd’hui.
Or, lors des prochaines Fêtes Johanniques, célébration de la guerrière et sainte, la jeune fille de 17 ans qui incarnera son personnage, Mathilde Edey Gamassou (image 2), n’est pas white. Elle est métisse. De père béninois et de mère polonaise. Ce qui lui a valu quelques injures détestables sur le net, et des reproches aux organisateurs: la vérité historique ne serait pas respectée.
Devant l’Histoire Jeanne d’Arc est de race caucasienne, soit claire de peau. C’est ainsi qu’elle est représentée dans les films. Logique: on ne donnerait pas le rôle de Nelson Mandela à un acteur blanc dans un film historique. Mais ici il s’agit des fêtes annuelles en l’honneur de la sainte et non d’une reconstitution historique.
Ce n’est donc pas tant l’Histoire que le symbole qui est convoqué. On pourrait dès lors faire jouer Jeanne à une personne de n’importe quelle couleur de peau, cette couleur n’ayant en l’occurrence aucune pertinence pour ces fêtes.
Dans causeur.fr le journaliste Stanislas François remet les pendules à l’heure:
« Certes, la vraie Jeanne d’Arc n’était pas métisse, mais rappelons aux puristes qu’elle ne venait pas non plus d’Orléans et qu’elle n’était pas vraiment Française de souche. Son village Domrémy, aujourd’hui en « Grand Est » était à l’époque dépendant de la seigneurie de Vaucouleurs, aux confins des duchés de Bar et de Lorraine.
Ce n’est pas le sujet. Comme l’écrit justement Aurélien Marq dans Causeur : « Les fêtes johanniques ne sont pas une reconstitution historique, mais symbolique, et la présence de Mathilde Edey Gamassou n’a pas pour but de faire croire à qui que ce soit que le métissage entre Européens et Africains aurait existé massivement au Moyen-Âge. »
Il va plus loin. Alors que certains médias parlent de déferlement raciste, l’auteur n’a trouvé que quelques commentaires, dont trois qui frisent le code pénal. Trois c’est encore trop, mais c’est bien peu pour en faire un psychodrame national.
Celui-ci a été largement alimenté par la prise de position de la Secrétaire d’État Marlène Schiappa (image 4), qui va bientôt débarquer du gouvernement si elle continue dans son prosélytisme de l’idéologie féministe et ses interventions grandiloquentes.
« Cela aurait pu demeurer insignifiant si un représentant de l’Etat n’était pas intervenu sur ce sujet. L’inénarrable Marlène Schiappa s’est bien évidemment engouffrée dans la brèche (on n’en attendait pas moins d’elle) s’en prenant à la « fachosphère » et menaçant de saisir la DILCRAH (nième organe financé sur fonds publics et qui sait mieux que tout le monde comment il faut penser).
Il y a une dimension assez pathétique à voir un membre de l’exécutif se livrer à une réaction indignée selon une méthode maintes fois éprouvée : relayer les propos idiots de trois fachos, surestimer leur importance, crier au péril fasciste puis se poser en rempart de la menace qu’on vient artificiellement de créer pour enfin nous servir le baratin antiraciste. Dénoncer la fachosphère en 2018, quel courage ! »
Pourvu que Mathilde Edey Gamassou ne se laisse pas trop offenser par ses détracteurs. Elle a été choisie parce qu’elle est catholique et parfaitement française d’esprit et de conviction.
Une Jeanne noire, métisse ou blanche, quelle importance dans le contexte symbolique des Fêtes Johanniques? Je ne vois pas. La polémique se dégonflera dès qu’une autre sera prête à sortir, dans ce pays qui vit dans un climat quasi permanent de stress, de psychodrame et de conflit interne.
Commentaires
"La plupart des artistes humoristes français ne me font pas rire." Il y a pire : les soi-disant humoristes suisse-romands. Et ce qu'il y a d'indécent : cette volonté de nous faire croire que les Vincent sont drôles et appréciés du public. Ils sont nuls à chier, tout le monde peut le voir. Il ne suffit pas de mimer un connard valaisan, un demeuré jurassien et un militariste suisse-allemand pour être drôle. Et dire qu'il y a des gens pour aller voir leur spectacle...
On est entouré de faibles d'esprit, et c'est un euphémisme. Quant à Wiesel, même les journaleux ont réussi à remarquer qu'il n'était pas amusant du tout, c'est dire...
@ Géo,
D'une part, vous écrivez que "les Vincent" ne sont pas appréciés du public et un peu plus loin qu'il y a des gens pour aller voir leur spectacle...
Il y en a en fait tellement, qu'il est difficile de trouver des billets pour lesdits spectacles, parce qu'ils partent très vite.
C'est aussi une question de génération.
Seriez-vous d'accord de dévoiler ce qui vous fait rire ?
Je trouve qu'il n'est pas nécessaire de rire avec la foule ou de faire semblant de rire de tout. Le sens de l'humour est très personnel, comme les goûts et les couleurs.
Je voulais dire que le succès des Vincent est le succès du moutonnisme ambiant. On dit aux filles que ce mec est vraiment bien, qu'il est bon, qu'il a raison et que tout et tout et les filles votent et adorent Adolf Hitler / Patrick Bruel/ Justin Trudeau etc, etc. On leur répète que les Vincent, c'est drôle, les filles adorent les Vincent. On dira et on pensera ce qu'on veut, les filles, c'est tout de même très con. En général...
Et les mecs, pour des raisons que je vous laisse imaginer, n'aiment pas contredire les filles.
Vous vous souvenez de cette scène de "Le déclin de l'Empire américain" où les deux profs d'uni se remémorent les heures qu'ils ont du passer sur les pistes de danse à se secouer comme des idiots juste pour enfin sauter les donzelles ?
Ce qui me fait rire, ou plutôt sourire ? 10 à 20 % des gags de Donney-Monay, Nathanaël Rochat et Lucas Thorens. Les 10 à 20 % de leurs gags où ils se moquent du politiquement correct...
@Géo,
Je crois que je comprends ce que vous voulez dire : parfois, on fait semblant d'apprécier quelque chose par gain de paix ou parce qu'on espère que cela servira au moins à quelque chose (au moins à "enfin sauter les donzelles" ;-))
Le plus intéressant, c'est d'idée que le 10 -20 % de la production d'un humoriste peut nous faire rire ou sourire. Vous aimez rire du politiquement correct, mais d'autres auront un éventail plus vaste.
Vous n'êtes pas ce qu'on appellerait "bon public", contrairement à moi, qui ne cherche qu'à rigoler.
P.ex. "Vidéo Gag" ou ses équivalents fonctionnent toujours. C'est très primitif, je l'admets. Bien sûr, je ne ris pas du 100 %, mais trouve que ça vaut la peine de regarder, parce que le probabilité de pouvoir rire est plutôt bonne.
Nous sommes peut-être un peu hors-sujet par rapport au propos central du billet.
Toutefois, votre façon d'envisager un pourcentage d'adhésion peut être appliquée à cette décision de choisir une jeune femme métisse pour jouer le rôle de Jeanne d'Arc.
Il faut décider ce qui est primordial pour le contexte.
Est-ce d'être une femme jeune et catholique pratiquante ? Ou est-ce qu'un jeune homme blanc et athée ferait l'affaire ?!? Du moment qu'il ressemble aux représentations traditionnelles de la Pucelle ?
Les organisateurs ont tranché pour la solution non-superficielle. Ils ont en quelque sorte accordé le pourcentage d'importance au fond et non à la forme.
Non, sur le coeur du billet, je suis complétement d'accord avec HL. En plus, elle ne fait pas très noire (Othello est noir, et si c'est un acteur blanc qui joue ce rôle, on le grime en noir...).
Sur l'humour : si vous trouvez drôles les Vincent, pourriez-vous nous expliquer pourquoi ? Je sais qu'il est difficile de définir la cause de ce que l'on trouve drôle, mais on peut essayer. Par exemple, "je suis urbaine et je trouve rigolo de voir ridiculiser des gens de la campagne ou de cantons arriérés..."
@Géo,
Les Vincent ne sont pas vraiment le sujet du billet ...
Mais je réponds brièvement.
V. Kucholl n'incarne pas seulement des gens d'autres cantons ou de la campagne, mais aussi des Américains expatriés ou des rappeurs urbains.
Je suis toujours surprise par ses métamorphoses. Certes, c'est très carcatural et le trait est forcé et je n'ai pas la motivation de regarder ça pendant des heures.
Mais je crois que leur succès tient au fait que les gens se reconnaissent un peu dans les personnages. Si je vous comprends bien, vous trouvez ça irrespectueux ou condescendant. Comme si les Vincent étaient des citadins qui parlent aux citadins.
Veillon se considère comme un gars de Plans sur Bex.
Il faudrait pouvoir étudier la composition de leur public pour savoir s'il est avant tout féminin et urbain.
J'ai vu un des spectacles à Genève, il y peut-être deux ans. On s'en prenait plein la figure en tant que public genevois, les clichés habituels. Mais les gens semblaient rire de bon coeur.
L'idée est quand- même d'être capable de rire de soi et de ne pas prendre les stéréotypes personnellement.
"L'idée est quand- même d'être capable de rire de soi et de ne pas prendre les stéréotypes personnellement."
J'ai subi le discours des snobs de l'art toute ma vie. Un jour j'ai lu les mémoires de Bunuel, où il avoue qu'il n'aime pas Picasso et ses oeuvres. J'ai commencé à comprendre que je n'étais pas seul...
Et un jour, j'ai lu une citation de Cocteau, qui disait que l'art devait faire "bander". Si vous devez recevoir des explications pendant des heures d'une spécialiste dans un musée, du genre l'artiste était pilote de Me-109, il a été abattu et des paysans l'ont retrouvé inconscient dans un champ, l'ont enveloppé dans le feutre et la graisse, et depuis les oeuvres de cet artiste sont constituées de ces deux éléments...cela ne me va pas du tout.
De même, pour un sketch d'humoriste, il n'y a qu'un critère : être drôle. Si je trouve cela consternant et affligeant, Veillon a beau venir d'un bled pas loin de chez moi et être le fils de Tounet Veillon, je m'en contrefiche...
Tiens, à propos de Tounet Veillon, je connais plein d'anecdotes très drôles sur lui quand il travaillait dans la coopération en Afrique...
@Géo,
Sans vous manquer de respect, je me demande, si vous pourriez faire un spectacle d'un homme ? En tablant justement sur les anecdotes et vos lectures, présentées à votre façon ?
Cela étant, l'humour des Vincent est loin des contorsions intellectuelles que vous décrivez ! Mais s'ils ne vous font pas rire, il n'y a aucun mal à dire qu'ils ne sont pas drôles.
Les comparer ( ou leur succès ) avec celui de Picasso me semble exagéré. Je crois que leur charme éventuel ne fonctionne pas hors de nos frontières.
Pour en revenir au sujet central du billet, voici la réaction de Philippe de Villiers :
https://www.huffingtonpost.fr/2018/02/28/philippe-de-villiers-invite-la-jeanne-darc-2018-au-puy-du-fou-en-reparation-des-injures-quelle-a-subies_a_23373489/?utm_hp_ref=fr-politique
On ne peut exclure l'aspect politique de la déclaration de de Villiers, tant ces thèmes sont utilisés pour déclasser les uns et les autres, mais il a le mérite de l'avoir dit.
Les humoristes que j'aime, vivants ou morts: Gaspard Proust, Raymond Devos, Gerra et Canteloup parfois, Foresti, Bigard plus ou moins, Michel Boujenah, Les Inconnus, Coluche parfois, et probablement un ou deux que j'oublie. J'aimais bien aussi les interviews décalées de Mezrahi.
Par contre ceux-ci n'ont pas mon rire: Jarry, Semoun, Elmaleh, Les Chevaliers du fiel, Debbouze, entre autres (la liste entière serait longue).
Moi j'aimais bien ceux-ci:
Là c'est le top !!!
https://www.youtube.com/watch?v=8d5eXlnH5xY
Pétard, oui les Deschiens, si atypiques!
Tant qu`on ne prend pas une Anglaise pour incarner la Pucelle... Quand a la fachosphere, elle a aussi son role a jouer dans cette histoire, sur les traces de l`éveque Cauchon.