Sa voix est comme un instrument. Timbre chaud, clarté du ton, précision admirable. Un fleuve d’humanité roule dans ses variations. Maurane, une voix à part, l’une des plus généreuses parmi les chanteuses françaises.
Cette chanson est ma préférée. Pas pour Bach, que je n’aime pas trop, mais pour sa voix, sa musicalité et son paysage sonore. Par sa voix j’en viens à aimer ce Prélude.
Dès les premières notes elle nous embarque pour ne plus quitter le navire. Et après la dernière note, l’écho de sa voix demeure encore en nous.
Fascinante, envoûtante Maurane. Une artiste qui donne au divertissement des lettres de noblesse.
L’écriture de cette chanson contraste avec la musique. Celle-ci est lumineuse, en forme d’évidence, alors que le texte parle de flaques, de gasoil, de port et d’amours qui se détraquent. Les mots sont noirs quand la musique est claire.
Ces mots sonnent et claquent à souhait.
J’apprécie aussi l’exercice de style de n’avoir écrit que deux rimes: en ak et en ol. J’ai également une chanson bâtie sur ce principe de deux rimes, que je publierai prochainement.
Le voici, ce texte, et plus bas le clip officiel de la chanson. La qualité est défraîchie mais j’aime la manière dont elle se met en scène.
Farewell, Maurane.
Lorsque j´entends ce prélude de Bach
Par Glen Gould, ma raison s´envole
Vers le port du Havre et les baraques
Et les cargos lourds que l´on rafistole
Et les torchères, les grues patraques
Les citernes de gasoil
Toi qui courais dans les flaques
Moi et ma tête à claques
Moi qui te croyais ma chose, ma bestiole
Moi je n´étais qu´un pot de colle
Lorsque j´entends ce prélude de Bach
Par Glen Gould, ma raison s´envole
Et toutes ces amours qui se détraquent
Et les chagrins lourds, les peines qu´on bricole
Et toutes mes erreurs de zodiaque
Et mes sautes de boussole
Toi, les pieds dans les flaques
Moi, et ma tête à claques
J´ai pris les remorqueurs pour des gondoles
Et moi, moi je traîne ma casserole
Dans cette décharge de rêves en pack
Qu´on bazarde au prix du pétrole
Pour des cols-blancs et des corbacs
Qui se foutent de Mozart, de Bach
J´donnerais Ray Charles, Mozart en vrac
La vie en rose, le rock´n roll
Tous ces bémols et tous ces couacs
Pour Glen Gould dans c´prélude de Bach"
Commentaires
"l’une des plus généreuses parmi les chanteuses françaises."
Plus belge que Maurane, tu meurs. Les Belges, les Suisses, les Français, ce n'est vraiment pas la même chose. Alors pourquoi écrire "chanteuses françaises" ?
Pour la langue, pas pour la nationalité.
Ce prélude est aussi ma chanson préférée d'elle.
Une belle âme qui s'en est allée un peu vite.
Usurpation de pseudo ou homonymie fâcheuse... Ne connais ni la chanteuse, ni son répertoire, désolé pour moi, à découvrir les rimes riches, ai dû rater quelque chose...
Toi, les pieds dans les flaques
Moi, et ma tête à claques
Moi et ma meute de braques aurait convenu aussi non ?
Pour moi, Maurane c'est simplement la plus belle voix de la chanson française qui s'est éteinte.
Pour chacun, il y a forcément un artiste qui endosse le rôle de porte-parole, de porte-voix. Pour moi, c'était elle, Maurane.
Son silence me rend triste.
Flip St-Ourak
"Alors pourquoi écrire "chanteuses françaises" ?
"Pour la langue, pas pour la nationalité."
Je me demande comment Maurane aurait réagi face à une telle assertion. Je pense qu'elle vous aurait envoyé une vraie beigne sur le pif. C'est marrant, parce que j'éprouve beaucoup de respect face à votre décision relative à la bi-nationalité, qui semble démontrer que vous avez compris que ces choses-là existent...
Voire même la tri-nationalité, ex-femme d'un comédien espagnol.
Non, je ne crois pas qu'elle enverrait une beigne. Elle remercierait, et ajouterait "Belge" avec un sourire, peut-être.
Je pense qu'ici l'identité par la langue est supérieure à la nationalité. Johnny était Belge mais il a fait sa arrière principalement en France, comme Maurane. Encore heureux qu'ils n'étaient pas Flamands.
Cela se discute, je suis d'accord, j'aurais pu écrire "francophone", mais ce n'est pas comme être binational, à mon sens.
Diriez-vous Brel grand chanteur français ? Hergé, inventeur de la bande dessinée française, la ligne claire ? Magritte, grand peintre français ?
Parfois, il faut reconnaître qu'on a tort. La culture belge existe, vous le savez mieux que moi et il faut la respecter.
Il y a tout de même un certain contentieux entre culture belge et française. Jamais entendu parler de "pauvre Belgique" de Baudelaire ?
Ouais, quand même difficile de prendre très au sérieux ces Amoenitates belgicae, jamais publiées du vivant de l’auteur. La Belgique, bâton merdeux de l’Europe, vraiment ? Faut remettre tout cela dans le contexte, Baudelaire aigri de ses déconvenues à Bruxelles avec le public pour ses conférences et avec les éditeurs.
La charge hénaurme permet un bon éclat de rire… parfois jaune peut-être pour nos amis belges…
https://www.huffingtonpost.fr/pierre-menard/belgique-baton-merdeux-europe_b_6024222.html
@ Gislebert (l'original): c'est gratiné!...
Je ne connaissais pas ces textes de Bau-Bau. Les "pires méchants" d'aujourd'hui sont à peine des enfants de choeur à côté de lui. Mais en effet il faut en rire, avec le recul.
PS: pas d'usurpation à mon avis, plutôt une simple erreur.
@ Géo:
De Brel je dirais qu'il est classé dans la chanson française, terme consacré (plus que "francophone").
La référence à la Belgique est très pertinente chez Brel, qui a chanté ce pays et ses habitants de nombreuses fois. Son Plat pays a été le tremplin du succès, mais il y a Mon père disait, Les flamandes, Les flamingants, Marieke, Brussels. Les Bonbons se passent sur la Grand Place de Bruxelles. Etc. Il participe à une culture spécifique, comme il y a Maeterlink ou Ghelderode.
Chaque cas est différent et je n'ai pas cette même mémoire de "belgitude" chez Maurane.